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3.1.1 Techniques analytiques utilisées

Afin de pouvoir suivre et contrôler la progression de l’altération du verre, des analyses du lixiviat sont effectuées régulièrement.

Le pH est mesuré directement dans le réacteur dans le cas des lixiviations de verre non radioactif, ou sur une aliquote dans le cas des lixiviations sur verre radioactif. Le potentiel d’oxydo-réduction a également été mesuré régulièrement sur une aliquote du lixiviat du verre radioactif. La mesure est réalisée avec une électrode combinée Ag/AgCl dont le potentiel est de +199 mV/ENH. La valeur du potentiel d’oxydo-réduction est donnée à titre indicatif : l’erreur sur la mesure est ici difficilement quantifiable car elle est réalisée sur une aliquote en contact avec l’air.

Les cations relâchés en solution sont analysés par ICP-AES (Inductively Coupled Plasma

Atomic Emission Spectroscopy). Il s’agit d’une méthode d’analyse basée sur la propriété des

éléments de passer d’un niveau d’énergie supérieur à un niveau inférieur en émettant une raie caractéristique. Cette méthode permet la détection simultanée d’une cinquantaine d’éléments. L’analyse est réalisée sur les prélèvements faits à différentes échéances, après acidification à ≈ 0,5 N avec de l’acide nitrique Suprapur. Les éléments non retenus dans la pellicule d’altération et solubles dans le lixiviat tels que le bore sont généralement utilisés comme éléments traceurs de l’altération (voir partie 3.1.2.1). Trois appareils ont été utilisés selon les expériences : un ICP-AES HORIBA Jobin-Yvon JY46 nucléarisé, situé au laboratoire L30 de DHA sur l’installation ATALANTE, et deux appareils ICP-AES de l’entreprise FILAB : un appareil Thermo ICAP-6300 Duo et un appareil Perkin Elmer Optima 7300-DV.

La concentration en solution du bore a également été mesurée à l’aide d’un spectrophotomètre UV-visible dans le cas des verres simples non radioactifs afin d’accéder au degré d’altération immédiatement après le prélèvement. Dans le cas de lixiviations avec peu de solution, l’analyse par ICP-AES n’était pas possible et seule l’analyse par spectrophotomètre UV-visible a été réalisée. Cette méthode est basée sur la réaction entre un acide amino-naphtoldisulfonique (acide H) et un aldéhyde salicylique qui, catalysée par le bore en solution, forme l’azométhine H, composé coloré qui est dosé [Capelle 1961]. L’analyse a été réalisée à l’aide de kits de dosage commerciaux Merck Spectroquant® avec un spectrophotomètre Cary® 50 Scan UV-vis, l’absorbance étant mesurée à la longueur d’onde de 405 nm. Une courbe d’étalonnage est réalisée pour chaque analyse, sur la gamme de concentration 0,05 – 2 mg/L en bore, chaque valeur résultant de 5 mesures au minimum. Le coefficient de corrélation de la régression linéaire de cette courbe est toujours supérieur à 0,99.

Les anions présents en solution ont été analysés pour le verre radioactif par chromatographie ionique sur un appareil Metrohm, avec une colonne Metrosep A Supp 16 utilisant comme éluant une solution de carbonate de sodium. Cette méthode de séparation est basée sur les différences d’affinités des analytes entre deux phases, l’une stationnaire (ici la résine échangeuse d’ions de la colonne) et l’autre mobile (éluant).

Sous irradiation (qu’elle soit externe ou générée par le verre lui-même), les mécanismes de radiolyse de l’eau induisent la formation de peroxyde d’hydrogène H2O2 dans le lixiviat

soumis au rayonnement. Sa concentration en solution a été mesurée par deux méthodes selon la valeur attendue. Pour des concentrations supérieures à 4.10-6 mol/L, la teneur en H2O2 en solution est déterminée par la méthode de Ghormley [Allen et al. 1952]. Cette

méthode est basée sur la réaction d’oxydation des ions iodure par H2O2, catalysée par du

molybdate de potassium, et formant du I2 qui réagit avec les ions I- en excès. Les ions

triiodures de couleur jaune ainsi formés sont dosés par spectrométrie UV-visible. Entre 1.10-7 et 4.10-6 mol/L, la concentration en H2O2 est déterminée par chimiluminescence. Le

peroxyde d’hydrogène oxyde l’isoluminol, ce qui produit une lumière bleue proportionnelle à la quantité de H2O2 présent initialement et dosée par le luminomètre TD20/20. Pour éviter

les effets de matrice, la méthode des ajouts dosés est utilisée. On peut noter que la production de H2O2 sous rayonnement s’accompagne de la formation de H2 ; ce gaz n’a pas

pu être analysé dans nos expériences mais il n’a pas d’influence sur l’altération du verre, peu sensible au potentiel d’oxydo-réduction.

Enfin, la concentration en curium dans le lixiviat du verre radioactif a été déterminée en utilisant un compteur IN20 et un spectromètre α Canberra Alpha Analyst. Les sources utilisées sont préparées en déposant un volume connu du lixiviat (après acidification) sur un disque en acier inoxydable. Le dépôt est alors évaporé en le plaçant environ 20 min sous épiradiateur et le disque est placé dans les détecteurs.

Les analyses en solution ont été réalisées sur les prélèvements bruts ou bien après filtration (0,45 µm) ou ultra-filtration (10 000 Da). La filtration permet d’éliminer les particules fines dans la solution, notamment dans le cas de lixiviations de poudres de faible granulométrie. L’ultra-filtration permet d’éliminer d’éventuels colloïdes en solution. L’analyse de ces deux types de fraction permet donc de déterminer la présence de colloïdes.

Des analyses du lixiviat par ICP-AES et chromatographie ionique ont été également réalisées après irradiation externe du lixiviat des verres non radioactifs afin de contrôler la stabilité des concentrations en différents éléments.

3.1.2 Exploitation des résultats d’analyse

3.1.2.1 Suivi de l’altération

Plusieurs grandeurs sont calculées d’après les analyses et sont utilisées pour caractériser l’altération.

Les pertes de masse normalisées (PMNi) représentent la masse d’élément i passée en

solution par unité de surface, afin de tenir compte du rapport S/V. Elles sont calculées à une date de prélèvement T grâce à l’analyse de cette échéance et en tenant compte des prélèvements effectués aux échéances précédentes.

𝑃𝑀𝑁𝑖=

[𝑖]𝑇× 𝑉𝑇+ ∑𝑇−1𝑡=0(𝑉𝑝𝑟é𝑙è𝑣𝑒𝑚𝑒𝑛𝑡 (𝑡)×[𝑖]𝑡)

𝑥𝑖× 𝑚 × 𝑆𝑠𝑝é (𝑔. 𝑚

−2) Équation 2

Avec :

[𝑖]𝑡= concentration en solution de l’élément i à la date t (g.L-1) 𝑉𝑇 = volume de lixiviat à la date T (L)

𝑉𝑝𝑟é𝑙è𝑣𝑒𝑚𝑒𝑛𝑡 (𝑡) = volume de lixiviat retiré pour analyse à la date t (L)

𝑥𝑖= fraction massique de l’élément i dans le verre initial 𝑆𝑠𝑝é = surface spécifique du verre (m2.g-1)

𝑚 = masse de verre initiale (g)

L’épaisseur équivalente EEi, représente l’épaisseur altérée associée à l’élément i. Elle peut

être calculée pour une poudre dans le cas où la granulométrie est assez importante par rapport à l’épaisseur altérée (approximation de géométrie plane, pour une granulométrie supérieure à 40 µm dans nos conditions), à partir de la valeur de perte de masse normalisée et de la masse volumique ρ du verre considéré (en g.m-3).

𝐸𝐸𝑖=

𝑃𝑀𝑁𝑖

𝜌 (𝑚) Équation 3

La vitesse d’altération pour un élément donné i correspond à la pente de la fonction représentant les pertes de masse normalisées en fonction du temps. Elle s’exprime généralement en g.m-2.jour-1.

𝑉𝑖=

𝑑(𝑃𝑀𝑁𝑖)

𝑑𝑡 (𝑔. 𝑚−2. 𝑗𝑜𝑢𝑟−1) Équation 4

Les éléments traceurs de l’altération (très peu retenus dans la pellicule d’altération) sont généralement le bore et le sodium, l’épaisseur altérée et la vitesse d’altération sont ainsi calculées à partir de ces éléments.

La fraction lixiviée FLi représente le rapport entre la masse de l’élément traceur i passée en

solution (mi relâchée, en g) et la masse de l’élément i présente initialement dans le verre :

FL𝑖 =

𝑚𝑖 𝑟𝑒𝑙â𝑐ℎé𝑒

𝑥𝑖× 𝑚 = 𝑃𝑀𝑁𝑖 × 𝑆𝑠𝑝é Équation 5

Le facteur de rétention FRi d’un élément i dans la pellicule d’altération donne la propension

de l’élément i à être retenu dans la pellicule, par rapport à un élément traceur comme le bore dont le facteur de rétention est considéré comme nul (Équation 6).

𝐹𝑅𝑖= 1 − 𝑃𝑀𝑁𝑃𝑀𝑁𝑖

𝑡𝑟𝑎𝑐𝑒𝑢𝑟 Équation 6

3.1.2.2 Erreurs expérimentales

Il est important de déterminer l’erreur expérimentale associée à chaque analyse de solution ainsi que celle associée au calcul des différentes grandeurs définies précédemment.

Mesure Appareil utilisé Erreur Fraction

massique xi ICP-AES après dissolution ± 3 % pour le bore

Surface

Spécifique Méthode d’adsorption BET ± 5 %

Masses Balances de précision 0,001 g pour m < 50 g

pH pH-mètre

0,1 unités pH si mesure in-situ 0,3 unités pH si mesure à froid et ramené à 90 °C

Eh Électrode Ag/AgCl Valeur indicative de l’ordre de

grandeur Concentration des ions en solution ICP-AES ± 3 % (si C > 10 mg/L) ± 5 % (si 1 < C < 10 mg/L) ± 20 % (si C < 1 mg/L) Dosage B par spectroscopie

UV-visible ± 0,09 mg/L Chromatographie ionique ± 3 % (si C > 10 mg/L) ± 5 % (si 1 < C < 10 mg/L) ± 20 % (si C < 1 mg/L) Concentration en H2O2 Spectromètre UV-visible (méthode de Ghormley) ± 20 % Chimiluminomètre ± 20 %

Tableau 12 – Incertitudes associées aux différentes analyses de solution

On peut écrire les grandeurs utilisées avec leur incertitude associée y ± Δy, y étant un quotient ou un produit des différentes mesures x données dans le Tableau 12 avec leurs incertitudes relatives δx. Ces mesures étant indépendantes, on peut calculer l’incertitude Δy comme étant la somme quadratique des incertitudes δx, en utilisant l’Équation 7 [Taylor 2000] :

Δy = √∑ 𝛿𝑥2 Équation 7

Où δi représente l’incertitude associée à la grandeur i, utilisée dans le calcul de la grandeur y.

La somme est réalisée sur toutes les sources d’incertitudes.

Les incertitudes Δ associées aux différentes grandeurs calculées sont présentées dans le Tableau 13. Ces valeurs seront utilisées pour la suite de ce manuscrit dans l’exploitation des résultats.

Erreurs associées aux grandeurs

Pertes de masse normalisées (PMNi) ± 7 %

Épaisseur équivalente (EEi) ± 6 %

Fraction lixiviée (FLi) ± 4 %

Facteur de rétention (FRi) ± 9 %