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3.1 Alliage Zircaloy-4

3.1.1 Effet des boucles de dislocation sur la vitesse

D’après la littérature, l’irradiation de la matrice métallique par des protons à 350°C simule de manière satisfaisante la taille et la densité de boucles de dislocation en réacteur sans pour autant amorphiser les phases de Laves à faible niveau d’endommagement (< 2dpa) [Doriot, 2015][Zu, 2012]. C’est pourquoi la matrice métallique a été irradiée avec des protons de 300 keV à 350°C à une fluence d’irradiation de 1018 ions/cm². Après irradiation, des lames minces issues de ces matériaux sont prélevées par FIB puis caractérisées par MET.

3.1.1.1 Microstructure des matériaux métalliques irradiés aux protons

En comparant les Figure 3.1 et Figure 3.2, une forte densité de boucles de dislocation a été observée après irradiation de la matrice métallique. Ces boucles sont de type <a> et selon les données de la littérature, la concentration de ces boucles dans le métal est de l’ordre de 1022/cm² à ce niveau d’endommagement (4,6 dpa). Le niveau d’endommagement est par ailleurs trop faible pour observer des boucles de type <c> dans le matériau.

88 Boucles <a> dans le métal :

Figure 3.1 : Cliché MET en champ clair de la matrice métallique et d’un précipité intermétallique cristallin

Zr(Fe,Cr)2 pour un matériau référence.

Figure 3.2 : Cliché MET en champ clair de la matrice métallique d’un échantillon irradié avec des protons de 300 keV à un niveau d’endommagement de 4,6

dpa.

Des clichés ont également été réalisés près de la surface de l’échantillon ( ̴ 100 nm et 0,5 dpa). Les boucles sont également présentes et leur densité semble être similaire à celle au maximum d’endommagement (4,6 dpa). Cependant, aucune quantification de la taille et de la densité des boucles de dislocation n’a été effectuée. De plus, les précipités intermétalliques observés sur la lame mince irradiée sont restés entièrement cristallins comme l’indique le cliché de diffraction des électrons de la figure 3.2. La tache indiquée par la flèche sur ce cliché révèle la contribution cristallographique du précipité. Soulignons que si le précipité était amorphe, un anneau diffus aurait été obtenu.

3.1.1.2 Courbes cinétiques d’oxydation

Les cinétiques d’oxydation du matériau référence et du matériau irradié sont présentées sur la Figure 3.4. En parallèle, la Figure 3.3 indique le niveau d’endommagement de la matrice lorsque cette dernière est affectée par la progression du front d’oxydation. Dans un premier temps, l’échantillon irradié s’oxyde plus rapidement et sa vitesse est environ 1,5 fois supérieure à celle de l’échantillon non irradié. Ensuite, la transition cinétique se déclenche aux alentours de 1,7 µm d’oxyde soit, une épaisseur de transition équivalente à celle de l’échantillon référence. Au-delà, la vitesse d’oxydation semble plus élevée en post-transition pour l’échantillon irradié jusqu’à la fin de l’oxydation de la partie endommagée. Elle diminue ensuite pour redevenir probablement proche de celle de l’échantillon non irradié.

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Figure 3.3 : Profil d’endommagement dans la matrice métallique d’un échantillon de Zircaloy-

4 irradié avec des protons de 300 keV à une fluence de 1018/cm² à 350 °C.

Figure 3.4 : Cinétique d’oxydation entre un échantillon de Zircaloy-4 référence et irradié avec des protons de 300

keV à une fluence de 1018/cm² à 350 °C.

En simulant les courbes cinétiques par des lois polynomiales, on en déduit l’évolution de la vitesse d’accroissement de la couche par dérivation de ces lois. La figure 3.5 décrit les variations des vitesses d’oxydation en fonction de l’épaisseur.

D’après la Figure 3.5, l’irradiation de la matrice a un effet marqué dans les premiers instants de l’oxydation alors que le matériau est faiblement endommagé. Il semblerait que dans les premiers instants d’oxydation, la couche d’oxyde a du mal à passiver le matériau. Cette influence cinétique de l’irradiation a tendance à s’estomper au-delà de 15 jours d’oxydation, et ce, jusqu’à l’épaisseur de transition. En post-transition, alors que l’endommagement nucléaire est maximal, l’accroissement de vitesse entre l’irradié et la référence est plus faible que celui mesuré pendant la phase pré-transitoire. En résumé, l’effet de l’irradiation sur la vitesse d’oxydation ne semble pas suivre le profil d’endommagement du métal par les ions.

Figure 3.5 : Vitesse d’oxydation en fonction de l’épaisseur d’oxyde pour un échantillon référence et irradié avec des protons en température et oxydés en autoclave à 360°C.

90 3.1.1.3 Analyses SIMS

Une exposition isotopique est réalisée sur des couches d’oxyde de l’ordre de 1,5 µm. Les épaisseurs des échantillons soumis aux expositions isotopiques sont entourées sur les courbes cinétiques de la Figure 3.4.

Figure 3.6 : Profils de diffusion de l’18O après exposition isotopique de 24h dans des oxydes préformés sur un matériau référence et irradié aux

protons en température.

Figure 3.7 : Profils de diffusion du D après exposition isotopique de 24h dans des oxydes préformés sur un

matériau référence et irradié aux protons en température.

Comme l’indique la Figure 3.6, après 24 heures d’exposition isotopique, le flux en oxygène 18 est plus important dans l’oxyde formé sur l’échantillon irradié. La différence de flux résulte :

- d’une concentration superficielle en oxygène 18 plus élevée pour l’échantillon irradié. - d’un coefficient de diffusion de l’oxygène dans la couche d’oxyde formée sur

l’échantillon irradié plus important.

Conformément aux courbes cinétiques de la Figure 3.4, le flux d’oxygène 18 dans la couche formée sur le métal irradié est typiquement 1,7 fois supérieur à celui du matériau référence. La Figure 3.7 décrit les profils de diffusion du deutérium dans les couches d’oxyde formées sur un échantillon irradié et référence. La quantité de deutérium intégré en 24 heures est moins importante dans l’oxyde formé sur l’échantillon irradié. De plus, le deutérium semble diffuser légèrement moins profondément dans l’oxyde. Ces résultats indiquent potentiellement une vitesse d’hydruration plus faible pour l’échantillon avec la matrice métallique endommagée dans ces conditions d’irradiation. Ils nécessitent néanmoins d’être corroborés par des analyses complémentaires comme des dosages d’hydrogène par fusion.

Le Tableau 3.2 résume les conditions d’irradiation et les résultats obtenus à partir des analyses SIMS.

Tableau 3.2 : Paramètres d’irradiation, descriptif des échantillons, rapport des flux de diffusion et coefficient de diffusion apparent de l’oxygène dans la couche d’oxyde.

91 3.1.1.4 Microstructure des couches d’oxyde

Les couches d’oxyde ont été ensuite caractérisées par MET. Elles ont été obtenues après oxydation respectivement de 30 jours pour le matériau référence (Figure 3.9) et 14 jours pour le matériau irradié (Figure 3.8). La première observation qui ressort de la Figure 3.9 concerne la forte densité de fissures dans la couche d’oxyde formée sur l’échantillon irradié. Deuxièmement, l’épaisseur d’oxyde pour l’échantillon référence est de 1,2 µm après 30 jours d’oxydation alors que l’épaisseur de l’oxyde formé sur l’échantillon irradié est de 1,5 µm après 14 jours d’oxydation. Cette observation confirme une nouvelle fois que la vitesse d’oxydation de l’échantillon avec la matrice métallique endommagée est plus élevée que celle du matériau vierge.

Figure 3.8 : Cliché MET de la microstructure de l’oxyde formé sur un échantillon référence (30 jours

d’oxydation).

Figure 3.9 : Cliché MET de la microstructure de l’oxyde formé sur un échantillon irradié avec des protons de 300 keV à une fluence de 1018/cm² à 350

°C (14 jours d’oxydation).

Figure 3.10 : Cliché MET de la microstructure de l’oxyde formé sur un échantillon référence (30 jours

d’oxydation).

Figure 3.11 : Cliché MET de la microstructure de l’oxyde formé sur un échantillon irradié avec des protons de 300 keV à une fluence de 1018/cm² à 350

°C (14 jours d’oxydation).

En comparant les clichés des Figure 3.12 et Figure 3.13, on peut remarquer que la couche d’oxyde en sub-surface formée sur l’échantillon irradié admet une microstructure différente de celle de l’échantillon référence. Elle présente en effet une densité de pores nanométriques jusqu’à 100 nm au-dessous de la surface comme l’illustre la Figure 3.13. Cette sous-couche n’est en revanche pas présente dans l’oxyde formé sur l’échantillon référence.

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Figure 3.12 : Cliché MET de la surface de l’oxyde formé sur un substrat vierge.

Figure 3.13 : Cliché MET de la surface de l’oxyde formé sur un substrat irradié avec des protons de

300 keV à 350 °C à une fluence de 1018/cm².

Cette microstructure particulière révèle soit la difficulté de la couche à passiver le matériau soit la présence de courts-circuits de diffusion. Cet état dégradé est probablement à l’origine de l’accroissement de vitesse d’oxydation observée entre l’échantillon irradié et la référence.