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Effet de l’hydrophobicité sur la sorption d’hydrogène gazeux

Chapitre 5 : Réactivité de l’hydrogène gazeux vis-à-vis de matériaux argileux

5.6. Effet de l’hydrophobicité sur la sorption d’hydrogène gazeux

Dans le paragraphe 5.3., il a été démontré que l’hydrogène gazeux se sorbe sur des matériaux argileux secs tels que la montmorillonite et l’argilite du Callovo-Oxfordien. Dans nos conditions réactionnelles, cette sorption dépend peu de la température contrairement à ce que prédit la littérature pour la sorption de gaz (Busch et Gensterblum, 2011; Huang et al., 2011) (Crosdale et al., 2008; Sumida et al., 2009) et est indépendante de la teneur en Fe(III) structural présent dans l’échantillon. Outre ces conditions expérimentales, il serait intéressant d’estimer l’effet de la présence d’eau sur la sorption du gaz. La montmorillonite est considérée comme une argile hydrophile, elle contient une surface chargée négativement et l’interfoliaire est occupé par des cations compensateurs. Dans ce paragraphe, des matériaux avec différents degrés d’hydrophobicité sont étudiés de manière à estimer l’impact de l’eau sur la sorption de l'hydrogène. Enfin, l’effet de l’état de saturation de l’échantillon sur la sorption du gaz sera également développé.

5.6.1. Matériaux étudiés

Le talc et la kaolinite sont des matériaux réputés pour être hydrophobes. Le talc est un silicate de magnésium doublement hydroxylé de formule structurale Mg3Si4O10(OH)2.Le talc utilisé pour nos essais de sorption est naturel et provient de Luzenac (petite commune située dans le sud-ouest de la France). Cet échantillon nous a été fourni par la société Rio Tinto Minerals basée à Toulouse. La kaolinite est composée de silicate d’aluminium hydraté, de formule Al2Si2O5(OH)4. L’échantillon naturel de kaolinite utilisé pour les essais provient de Georgie (Mineralogical Society of America). La gibbsite Al(OH)3 a également été étudiée. Celle-ci a été cristallisée via le procédé Bayer (Wefers, 1990) et nous a été fournie par Flore Campa du laboratoire Jefe de San Ciprian (Espagne). Enfin, de l’imogolite a été synthétisée au sein du laboratoire ISTerre par Sarah Bureau via le protocole de Denaix et collaborateurs (Denaix et al., 1999). Ce matériau est un aluminosilicate hydraté Al2SiO3(OH)4 qui présente une structure particulière en cylindre creux (Cradwick et al., 1972). Cette structure va ainsi empêcher l’élimination totale de l’eau présente dans le matériau. La surface externe de l’imogolite est arrangée selon un feuillet de type gibbsite.

L’isotherme d’adsorption à N2(g) a été mesurée afin d’estimer la surface spécifique (SSA) des matériaux via l’approximation BET (Gregg et Sing, 1982). Cette caractérisation utilise les mêmes conditions que celles exposées dans le chapitre 4. Le Tableau 8 présente les résultats de surface spécifique obtenue. Globalement les échantillons étudiés présentent une gamme de surface spécifique assez variée. L'imogolite présente la surface la plus importante du fait de sa structure en cylindre. Pour être rigoureux, il aurait fallu estimer la surface spécifique réellement perçue par l'hydrogène gazeux en réalisant les isothermes d'adsorption de H2(g) à 20K et basse pression (< 2 bar). En effet, l'azote étant une molécule plus grosse que l'hydrogène, celle-ci ne va sonder que la surface externe et non la surface cristallographique.

Tableau 8: Surface spécifique (m².g-1) de différentes espèces minérales obtenue à l’aide de l’approximation BET à N2(g) dans la gamme de pression standard (0,05 < P/Po < 0,2)

Echantillon Talc Kaolinite Montmorillonite Gibbsite Imogolite SSA (m2.g-1) 12 ± 1 9 ± 1 91 ± 9 1,6 ± 0,2 172 ± 2

Afin d’estimer l’impact de l’état de saturation sur la sorption de gaz, les montmorillonites synthétiques (SM0 et SM1) et les échantillons de COx (COx purifié et COx EST35058) ont été préalablement saturés sous une humidité relative de 95 et 98%. Ces échantillons ont été placés dans un dessicateur rempli de solution saline (KNO3 pour HR = 95% et K2SO4 pour HR = 98%) à température ambiante. La saturation est considérée comme complète lorsque la masse de l’échantillon varie de moins de 1% entre trois pesées successives séparées d’une semaine.

Il n'existe pas vraiment d'échelle pour quantifier l'hydrophobicité d'un matériau. On peut citer l'angle de mouillage qui décrit l'affinité d'une surface avec l'eau et pour les molécules organiques, on peut utiliser le coefficient de partage eau/octanol Kow. Ce coefficient correspond au rapport entre la concentration de l'espèce étudiée dans l'octanol sur celle dans l'eau. Nous avons réalisé des mesures de Kow au cours de ce travail. Cependant cette technique n'étant pas très adaptée pour les échantillons argileux, le mode opératoire et les résultats ne sont pas donnés ici mais renvoyés dans l'annexe du chapitre 5.

5.6.2. Essais de sorption de H2(g) sur des matériaux argileux avec différents degrés de saturation

La quantité d’hydrogène sorbé sur le matériau est déterminée via le protocole décrit dans les paragraphes 5.2 et 5.3. Trois humidités relatives ont été testées : 0, 95 et 98% et les résultats sont exposés dans la Figure 30. Les conditions expérimentales sont les mêmes que précédemment, avec une masse proche de 0,5 g, une pression partielle en H2(g) proche de 0,45 bar et une durée de réaction d’environ 40 jours. La température a été augmentée volontairement par rapport à l’essai à HR = 0% et T = 25°C, afin d'éviter les fluctuations quotidiennes de températures.

SM0 SM1 COxp COx EST35058 H 2 so rbé ( w t% ) 0,00 0,02 0,04 0,06 0,08 0,10 HR = 0% HR = 95% HR = 98%

Figure 30 : Teneur en H2 sorbé à différentes valeurs d'humidité relative. Les températures utilisées sont les suivantes: T = 25°C pour HR = 0%, T = 35°C pour HR = 95% et T = 30°C

pour HR = 98%. Pour HR = 98%, la teneur sorbée est proche de 0 pour les échantillons de COxp et COx EST35058. Pour SM1 à HR = 0%, le système a présenté une fuite.

Les quantités d’hydrogène sorbé pour des températures proches de la température ambiante sont assez faibles et varient de 0,005 à 0,03% massique. Concernant l’essai réalisé sur les échantillons saturés sous une humidité relative de 98%, aucune sorption n’a été observée pour les échantillons de COx ou alors celle-ci est très faible et inférieure à la limite de détection de l’appareil. Globalement pour l’ensemble des matériaux étudiés, on remarque que la quantité de H2(g) sorbé diminue avec la saturation de l’échantillon. Par exemple, pour la montmorillonite synthétique sans Fe(III) (SM0), on passe de 0,03 wt% à HR = 0%, 0,009 wt% à HR = 95% et 0,005 wt% pour HR = 98%. La présence d’eau sur la surface du matériau et dans la porosité va donc inhiber la sorption du gaz. Il y a donc une compétition entre l’eau et l’hydrogène pour se sorber sur le matériau. Cette observation corrobore les études menées sur la sorption de méthane sur des charbons par exemple (Busch et al., 2003; Crosdale et al., 2008) .

5.6.3. Essais de sorption de H2(g) sur des matériaux avec différents degrés d’hydrophobicité

Des essais de sorption ont également été réalisés sur les matériaux avec différents degrés d’hydrophobicité, présentés précédemment. Les échantillons ont été préalablement séchés de manière à éliminer l’eau non liée. Pour le talc, kaolinite, montmorillonite et gibbsite, l’élimination de l’eau a été effectuée dans une étuve sous air à 120°C pendant 48 heures. Concernant l’imogolite, pour laquelle l’eau est assez difficile à éliminer, on a choisi de la lyophiliser après l’avoir préalablement congelée à -18°C pendant 24 heures. La

quittant le produit va être capturée par congélation à l’aide d’un condenseur. Cette technique a le grand avantage de garder en grande partie intact l’échantillon étudié. On va ainsi éliminer une grande partie de l’eau présente dans l’imogolite. Les conditions de température et de pression sont les mêmes que précédemment et les essais sont réalisés à 90°C. Le Tableau 9 présente les résultats de sorption.

Tableau 9 : Résultat de sorption de H2(g) pour les essais réalisées à T = 90°C sur des échantillons secs

Echantillon Talc Kaolinite Montmorillonite Gibbsite Imogolite H2 sorbé (wt%) 0,046 ± 0,005 0,034 ± 0,004 0,1 ± 0,05 0,007 ± 0,001 0,051 ± 0,004 Nb molécules H2 /

nm2 11,0 ± 1,2 11,2 ± 1,3 3,3 ± 1,4 16,5 ± 2,5 0,87 ± 0,05 Pour faire une réelle comparaison entre les sorptions des différents échantillons étudiés, on utilise la notion de nombre de molécules de H2/nm² calculée à partir de la teneur sorbée en wt% et de la surface spécifique. On peut remarquer que les matériaux hydrophobes (talc et kaolinite) sorbent plus d'hydrogène par rapport à l'échantillon de montmorillonite qui est un matériau hydrophile. Plus la surface est hydrophobe et plus la quantité d'hydrogène sorbé est importante. Cette remarque est cohérente avec les résultats précédemment obtenus sur les échantillons avec différents états de saturation pour lesquels la sorption de H2 diminuait avec la saturation. Concernant l'imogolite, cet échantillon présente une sorption moindre comparée aux autres matériaux (environ 0,9 molécules/nm2) alors que l’on attend une sorption plus importante à la vue de sa surface spécifique. Ce résultat peut s'expliquer par le fait qu'il reste encore des molécules d'eau dans la cavité. Celles-ci sont complexes à éliminer du fait de sa structure particulière en cylindre creux. Pour préparer l'échantillon, nous avions choisi la lyophilisation qui visiblement ne semble pas déshydrater complètement le matériau et il faut noter qu'après la lyophilisation, l'échantillon a été à l'air le temps de le mettre dans le réacteur pour la réaction de sorption. Il a donc pu se réhydrater pendant cette courte période. Concernant la gibbsite, celle-ci sorbe le plus de molécules de H2 par nm2 de surface bien que cet échantillon présente la surface spécifique la plus faible. Son Kow est le plus élevé d'où une surface très hydrophobe ce qui va permettre une sorption de H2 plus importante (Annexe chapitre 5).

Ces résultats obtenus feront l'objet d'un article intitulé Hydrophobicity control of H2

adsorption on porous minerals dans lequel les essais de sorption de H2(g) sur différentes

espèces minérales seront couplés à des modélisations de type ab-initio (réalisées par Dr. Alejandro Fernandez-Martinez) pour estimer la répartition des molécules d’eau sur la surface. Cette étude va nous permettre de déterminer les propriétés d’hydratation des matériaux qui dépendent de la surface minérale et on pourra également définir des sites préférentiels de sorption pour l’hydrogène.