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Chapitre 1 : Le stockage géologique des déchets radioactifs

1.4. Dynamique du stockage

2 F E pe= h et PCO2 à la pression partielle de dioxyde de carbone (en atm) qui est régie par l’équilibre entre la calcite, la dolomite et le silicate de magnésium.

1.4. Dynamique du stockage

Pendant la phase d’exploitation et après la fermeture progressive du stockage profond, de nouveaux équilibres vont se mettre en place et cela va modifier la configuration initiale et éventuellement affecter la stabilité de l’ensemble. Dans cette partie sera présentée l’évolution du stockage dans le temps, en prenant en compte différents paramètres tels que la température, pression, production de gaz…

1.4.1. Température

La majorité des colis de déchets sont exothermiques du fait de l’émission de rayonnements à haute énergie, surtout les déchets HA qui présentent l’activité la plus importante. La mise en place des colis HA s’accompagne donc d’une augmentation progressive de la température. Ce phénomène est transitoire, la température passant par un maximum puis déclinant avec la décroissance radioactive des déchets (Figure 8).

Figure 8 : Evolution thermique dans et autour d’une alvéole de déchets HA, la courbe rose correspond à la température au niveau du colis et la courbe violette à celle à mi-distance entre

alvéoles (à environ 34 m du colis) (ANDRA, 2005)

Cette évolution thermique est appréhendée à différentes échelles : au niveau des alvéoles de stockage, des premiers mètres du Callovo-Oxfordien (champ proche) et à l’échelle de la couche géologique (champ lointain). Dans les alvéoles de déchets HA, la température maximale limitée par conception, de l’ordre de 90°C, est atteinte au bout d’une dizaine d’années à l’interface chemisage-argilite. A l’échelle de la zone de stockage, la température va s’homogénéiser au bout de 3000 ans autour de 40 à 70°C et à l’échelle du Callovo-Oxfordien, vers 40°C au bout de 700 ans. La charge thermique dans la formation argileuse est limitée à quelques dizaines de milliers d’années.

1.4.2. Production de gaz

a. Origine

Une des évolutions géochimiques qui va intervenir au cours de la vie du stockage et qui pourra l'affecter ainsi que son environnement géologique est la production de gaz. Différents mécanismes produiront des gaz comme la corrosion des aciers, l’activité des micro-organismes et la radiolyse de l’eau et des matières organiques (production de méthane, dioxyde de carbone et hydrogène), la radiolyse alpha (production d’hélium)… On peut noter également la présence d’une faible quantité de radionucléides à l’état gazeux tel que 3H2,

36Cl2, 129I2, 39Ar… mais les quantités sont moindres par rapport aux quantités d’hydrogène gazeux produites. Celui-ci provient principalement de la corrosion des matériaux métalliques en conditions anoxiques après la fermeture des galeries. Les vitesses de corrosion sont faibles (de l’ordre de 2 à 3 μm.an-1), et ce phénomène va perdurer pendant de nombreuses années (de quelques dizaines d’années à environ 105 ans).

La production d’hydrogène est en premier lieu associée à la corrosion des aciers non alliés qui constituent le surconteneur de déchets vitrifiés et le chemisage qui assure le soutènement des alvéoles. Pour les déchets HA, l’essentiel de la production d’hydrogène se fait sur une période d’environ 5000 ans. Pour les déchets MAVL, la production d’hydrogène provient de la corrosion de différents composants métalliques qui constituent les déchets eux

même et certains colis primaires mais également dans des proportions significatives suivant la nature des déchets de la radiolyse des matières organiques (ANDRA, 2005).

A la fermeture des alvéoles, l’oxygène est consommé par les différents composés réducteurs présents au sein des alvéoles de déchets tels que le fer métallique, la pyrite, la sidérite… et le milieu va ainsi devenir réducteur. Cette transition de conditions d’oxydo-réduction intervient assez rapidement après la fermeture du stockage (moins d'une dizaine d’années). La corrosion des aciers en conditions réductrices est régie à pH < 8 pour PH2 = 1 atm (alvéoles HA) par l’équation suivante (Bataillon et al., 2001; Reardon, 1995) :

Fe(s) 2H O(aq) Fe2 (aq) 2OH (aq) H2(g)

2 → + +

+ + (1)

Les ions hydroxyles produits, peuvent en partie réagir avec les ions bicarbonates de la formation argileuse pour former des carbonates et on pourrait observer une précipitation de sidérite (FeCO3) à l’interface externe du conteneur (Figure 9):

Figure 9 : Micrographie en coupe d’un échantillon d’acier XC38 après corrosion anaérobique à 90°C pendant 328h en présence d’une argile FoCa7 et d’une eau de site granitique

(Bataillon et al., 2001)

Une autre partie peut réagir avec les ions ferreux pour former l’hydroxyde de fer Fe(OH)2(s), composé métastable qui en condition anoxique va réagir pour former de la magnétite Fe3O4(s) selon la réaction de Schikorr (Truche, 2009):

d’où la réaction globale de corrosion qui donne de l’hydrogène gazeux et de la magnétite:

3Fe(s)+4H2O(aq)→4H2(g)+Fe3O4(s) (3)

b. Conséquences de la présence de gaz

L’hydrogène gazeux, produit en continu pendant environ une centaine de milliers d’années, va entraîner une augmentation de pression de gaz dans les ouvrages du stockage. L’argilite, matériau très peu perméable (voir Chapitre 2), va fortement limiter la migration du gaz au sein de la couche géologique. Il va y avoir formation d'une bulle de gaz à l'interface colis de déchets/argilite et celle-ci peut conduire à une désaturation partielle de l’argilite et dans certains cas engendrer des dommages mécaniques tels que des micro-fissures au sein de la formation argileuse (Dridi, 2005; Rodwell, 2003). Les différentes étapes du transport d’un gaz au sein d’un matériau argileux sont schématisées dans la Figure 10. Dans un premier temps, le gaz est produit en faible quantité et va être dissous en totalité par l’eau du site, le transport est régi par un mécanisme de convection/diffusion (Figure 10A). Puis la solubilité de H2 dans l’eau étant faible et la production du gaz continuant, la pression de gaz devient suffisamment élevée pour vaincre les forces capillaires associées aux pores de plus grandes tailles connectés, un écoulement diphasique se met en place et le gaz pénètre au sein des pores (Figure 10B). Cette pression est définie comme la pression d'entrée. Si la pression du gaz continue à augmenter, elle peut entrer en compétition avec les forces assurant la cohésion entre certaines particules d’argile et créer ainsi des microfissures (Figure 10C). Enfin pour des pressions élevées, il peut y avoir apparition de ruptures au sein du milieu (Figure 10D). Ce dernier mécanisme intervient lorsque la pression est supérieure à la pression lithostatique qui est de 120 bar.

La présence d'une phase gazeuse, à une certaine pression, peut donc endommager la roche de couverture et ainsi accélérer le relâchement des radionucléides gazeux vers la biosphère, entraîner des phases liquides contaminées et libérer des gaz inflammables à la surface (hydrogène et méthane).

Figure 10 : Schéma des différents mécanismes de transport de gaz au sein de l’argilite du Callovo-Oxfordien. Dissolution et convection diffusion (A) ; Ecoulement bi-phasique (B) ;

Micro-fissuration (C) ; Fracturation (D) (ANDRA, 2005)

D’après des simulations réalisées dans le cadre de la thèse de Pierre Boulin (Boulin, 2008), la pression maximale en hydrogène au niveau des alvéoles de stockage de déchets HA est estimée à 80 bar. La production de gaz de corrosion étant la plus importante au sein des déchets de ce type, on peut donc supposer que cette pression est représentative de la valeur maximale attendue au sein du stockage. La pression attendue pour les alvéoles de déchets MAVL est de 70 bar. Ces pressions maximales sont atteintes après 5000 ans pour les déchets HA et quelques centaines d’années pour les déchets MAVL. Sachant que la contrainte verticale naturelle qui s’exerce sur la couche du Callovo-Oxfordien est de 120 bar, on peut éliminer le phénomène de fracturation, qui intervient pour des pressions supérieures à cette pression lithostatique. L’hydrogène gazeux produit va donc se déplacer par les trois autres mécanismes de transport (A, B, C) au sein de la couche géologique.

c. Relâchement des radionucléides

Les radionucléides proviennent de la décroissance radioactive de l’uranium 235, combustible pour l’industrie nucléaire. Une partie des éléments majoritaires tels que l’uranium (95% du volume total du combustible usé) et le plutonium (1%) est recyclée alors que les produits de fission et actinides mineurs sont stockés comme expliqué dans le paragraphe 1.1. Ces radionucléides vont être relâchés hors des conteneurs au bout de quelques milliers d’années au minimum. Ce phénomène dépend de la vitesse de dégradation des conteneurs métalliques et des matrices de confinement telles que le verre pour les déchets HA. Une fois dans la formation argileuse, le transfert des radionucléides va dépendre des propriétés de transport de la roche et plusieurs facteurs pourraient retarder le transfert des radionucléides vers la biosphère. Certains radioéléments, tels que Am et Pu ont une bonne affinité avec les produits de corrosion (Kirsch et al., 2011), ils vont donc rester proches de l’interface roche-conteneur. La présence d’hydrogène peut également avoir un impact sur le devenir des radionucléides, en changeant les propriétés d’oxydo-réduction de la roche et ainsi modifier la concentration en radionucléides sensibles à ces conditions chimiques, tels que U, Se, Tc, Np et Pu (ANDRA, 2005; Loida et al., 2005).