• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE 3 : LA VIE CACHÉE D’UN GROUPE HYPER COMPÉTITIF : INTÉGRATION,

3.3 Le développement d’attitudes : une modeste contribution à un édifice complexe

3.3.3 L’effet du cours

Le type de cours comme celui dans lequel se déroulait cette recherche tente généralement de faire réfléchir les étudiants sur une problématique particulière, comptant influencer leur perception et leur compréhension de celle-ci par les démonstrations et les analyses proposées dans le cours. L’opinion que se construira l’étudiant devrait normalement être influencée par les explications avancées dans le cadre du cours. Les étudiants ont-ils retenu et compris les principales thèses de celui-ci au plan des problématiques abordées?

Dans l’ensemble, ils semblent avoir très bien cerné les principales opinions avancées dans le cours, notamment celle de l’importance de mettre de côté ses préjugés lors d’une intervention et de faire preuve d’ouverture et de tolérance devant les minorités culturelles.

« Qu’il ne faut pas avoir de préjugés. On peut en avoir, mais il faut les mettre de côté quand tu travailles. J’ai remarqué que nos signes étaient bien différents de certaines nationalités. Je fais faire attention. Ça aide à

Collège de Sherbrooke

accepter les différences, à voir les différences ex: dans la coutume concernant le repas, plusieurs équipes ont vécu des expériences différentes. Par les visites dans leur milieu, je vais voir ces personnes dans leur état naturel et non seulement que par des préjugées, sans fondement, les rumeurs. (…) Sur l’immigration, j’en ai beaucoup appris. Je rencontre beaucoup de difficultés avec les personnes à tendances racistes (néo-nazi) et non avec les ethnies. Ex: J’ai appris quand et pourquoi les Italiens sont venus. (…) La visite à Montréal… J’ai appris leur manière de penser, de fonctionner. C’était le «fun». » (4a-4)

« Une conclusion très générale que j’ai retenue (du cours). Premièrement, dans une intervention, je devrai m’adapter aux personnes. Que les personnes sont tous très différentes de moi et que leurs perceptions seront faussées ex : certaines personnes me verront comme un agent de répression, d’autres comme une personne aidante. Aussi, j’ai appris à résoudre les conflits d’équipe (…). J’ai appris, par une démarche personnelle dans un travail, à m’accomplir ex: travail sur les autochtones. Ce sujet m’attirait et je l’ai approfondi. J’ai pu connaître la police et sa perception face aux autochtones ou vice-versa. Comme dans tous les autres cours, je prends ce qui me semble pertinent. Je le prends et d’autres choses en plus. Je fais des recherches. Je pense que ça va servir dans mon métier. (Au plan de l’immigration)… J’avais des préjugés. Et au niveau de ma réflexion, je dois dire que j’ai vraiment réfléchi au phénomène de l’immigration. Ce cours m’a permis de comprendre pourquoi les immigrants sont venus ici, ce qu’ils attendaient de nous, d’essayer de comprendre ce phénomène, les choses typiques, leurs réactions. J’ai pu confirmer ou affirmer certains préjugés que j’avais face aux immigrants. Je suis ouvert d’esprit. » (13-11-12)

En plus de réfléchir à partir d’une approche interculturelle au travail d’un policier en milieu ethnique, ils ont également pu parfaire leurs connaissances de l’immigration québécoise et des différentes communauté ethniques qui composent le Québec actuel. Ils sont également conscients qu’il n’est pas si facile de mettre de côté ses préjugés et d’exercer sa profession de façon neutre et ouverte.

« J’ai beaucoup appris sur les Indiens, les immigrés, les assistés sociaux, j’ai moins de préjugés, j’en avais plus que je le pensais. (…) Je croyais que (les immigrants) arrivaient ici, et qu’ils ne voulaient rien savoir, qu’ils n’apprenaient pas le français. Je croyais qu’ils acceptaient n’importe qui ; j’ai appris qu’il y avait des normes là-dessus. C’est vrai qu’il y en a qui ne veulent rien savoir, qui ne veulent pas apprendre le français, mais ce n’est pas la majorité. (…) Il ne faut pas que tu aies trop de préjugés, il faut que tu sois ouvert à d’autres choses, avoir la volonté de régler les conflits sans préjugés. » (9-11)

Collège de Sherbrooke

« Des préjugés ont tombé mais je garde une certaine crainte. Ça m’a permis de connaître leur culture. (…) Il faut de l’ouverture d’esprit. Si tu te bases que sur tes valeurs, tu ne réussiras pas. Tu dois avoir un minimum de formation. » (6-5,6)

« La sensibilisation face aux immigrants. Je n’avais pas de préjugés mais je pensais qu’ils étaient plus criminalisés, plus sur «B.S». Par les médias, je me disais que c’était toujours eux qui faisaient le mal. Par les statistiques, j’ai découvert que j’étais pour l’immigration. Dans le fond, ils nous aident par leur taux de natalité. Il y en a peut-être qui sont racistes. On le voit par les nouvelles. » (10-11)

« Il faut adapter l’intervention.... Je pense que c’est donner une bonne chance aux coureurs. Ils viennent d’arriver. Nous on sait mais eux c’est différent. (Il faut) de la logique, du raisonnement, du jugement et l’observation. » (10-11)

« La sensibilisation face aux immigrants. Je n’avais pas de préjugés mais je pensais qu’ils étaient plus criminalisés, plus sur le «B.S». Par les médias, je me disais que c’était toujours eux qui faisaient le mal. Par les statistiques, j’ai découvert que j’étais pour l’immigration. Dans le fond, ils nous aident par leur taux de natalité. Il y en a peut-être qui sont racistes. On le voit par les nouvelles. » (10-11)

Certains conservent cependant quelques doutes et ne sont pas entièrement convaincus que les principaux préjugés et stéréotypes au sujet des immigrants ne présentent pas un fond de vérité. On admet avoir eu un certain intérêt pour le cours mais des réticences subsistent. Ils admettent l’idée de devoir adapter l’intervention mais, comme on peut le constater, ce sont ce qu’ils appellent les «B.S.», les assistés sociaux qui heurtent davantage leurs valeurs et qui contribuent à les garder sur la défensive dans leur perception de l’immigration. En somme, ils sont prêts à s’ouvrir aux immigrants en autant que ces personnes s’intègrent au marché du travail et ne deviennent pas des assistés sociaux permanents.

« Les parties que j’ai faites moi-même, le travail sur l’Afghanistan. (…) Ça entrait directement dans la formation. Je retiens aussi au début de l’année, les renseignements sur les peurs et les symptômes et des aliénations. Ma visite à Montréal… (Suite à mon travail, j’ai vu que)… Lui n’avait pas le choix de venir au pays à cause de la guerre. Il m’expliquait les faits et les causes. J’ai des préjugés. Je pensais que d’importer des immigrés, cela nuisait au pays. On se plaint qu’il n’y a pas de travaux, trop de taxes, trop de «B.S.» etc. Je pensais que 75% des immigrés étaient sur le «B.S.» (…) Quand, je l’ai vu, il avait un travail ordinaire. Il voulait se renseigner sur le Canada. Il était intéressé à vivre ici

Collège de Sherbrooke

contrairement à ceux qui arrivent au Canada et vivent dans leurs communautés et ne veulent pas payer leurs taxes. Ça je trouve ça dur. Je travaille beaucoup et quand je vois le pourcentage de mon salaire qui va en impôts… ex : RAMQ etc. Je n’en bénéficierai peut-être jamais dans ma vie. (Quand je vois)…l’achalandage des hôpitaux par les «B.S.» et les immigrés… Ils écoutent la T.V. toute la journée...» (7-10-11)

« Il me semble que dans le cours, c’est toujours le policier qui doit faire le bout de chemin. J’ai l’impression, c’est tout Montréal et rien autour. Rien au Québec. Aussi, on a vu les valeurs religieuses. (…) Aussi plusieurs cultures qui sont différentes de la nôtre. Ex: la femme

Ma vision de l’immigration a changé en partie. (…) Par les médias, on dit que les immigrés profitent du système tandis que le cours on a eu d’autres chiffres. Donc, on a une autre vision du monde, on a eu des statistiques. Je les perçois moins comme profiteurs à cause des chiffres présentés. (…) Il faut de l’ouverture d’esprit. Essayer d’agir avec eux comme avec les autres, la légalité. Dans le cours, le fait de verbaliser, de nous sensibiliser aux immigrants, nous aide à les comprendre.(…) De traiter une personne qu’elle soit jaune ou noire, peut importe la couleur de sa peau de la même façon. (Adapter l’intervention) C’est un travail personnel que chaque policier doit développer. Ce n’est pas un concept théorique. Les policiers qui ont des préjugés devraient travailler un modèle de neutralité, d’égalité… » (2-8,9)

« De mettre nos préjugés de côté, d’essayer de voir le fond des choses, les cultures, d’aller plus loin que ça. Je ne pense pas avoir de problèmes avec les préjugés. En faisant le cours, je me suis rendu compte que je peux regarder la situation de loin, me mettre à la place de l’immigrant et de me dire si elle est bien comme ça. Mais dans l’autre cours avec les «B.S.», c’est impossible. J’ai beau me dire qu’il pourrait faire quelque chose. J’ai même vu un reportage, il était réaliste, mais j’ai de la misère. C’était dans J.E.. Je voyais bien que cette entrevue était correcte mais il y en a tellement à côté qui ne sont pas corrects. Ça, j’ai de la misère mais pas sur les ethnies. » (8-4)

Compte tenu de l’effet de la désirabilité sociale, c’est à dire de cette conformité à la norme que tout individu tente d’atteindre, surtout lorsqu’il s’agit d’avoir de bonnes notes ou d’éviter d’être mal jugé, il aurait été étonnant que les étudiants avouent à leur professeur que son cours ne leur a rien apporté… Cependant, même s’ils pouvaient à l’occasion contester la pertinence des analyses proposées, ils ont tout de même bien compris les thèses avancées dans le cours. Dans ce sens, la stratégie du cours semble avoir été efficace.

Collège de Sherbrooke

« C’est certain que cela intéresse moins sur les matières policières dans la police, (…) mais il y a quelque chose à apprendre quand même, surtout dans les recherches, cela m’aide à perdre mes préjugés. J’en avais beaucoup sur l’homosexualité, maintenant c’est moins pire. J’en avais aussi un peu sur le racisme. Avec les recherches, on apprend à connaître ces points de vue. » (1-7)

En somme, le cours leur a permis de se construire une opinion sur le phénomène de l’immigration et d’amorcer une réflexion sur leur réaction personnelle face à ce phénomène. S’ils ne sont pas tous devenus plus tolérants envers les néo-Québécois, ils acceptent mieux le fait qu’ils ont affaire à une réalité inéluctable. Comme beaucoup d’autres Québécois, ils estiment que les immigrants doivent travailler pour subvenir à leurs besoins et ne pas abuser de notre système d’aide sociale. De même, plusieurs croient que les immigrants devront tôt ou tard adopter les principales valeurs et traits culturels qui sont les nôtres. Cependant, le cours leur a permis de nuancer ces opinions et de ne plus percevoir l’immigration comme un phénomène menaçant. Un autre apport significatif du cours a consisté à leur faire prendre conscience des difficultés de communication qui peuvent résulter des différences culturelles. En outre, ils prennent conscience de l’importance d’évaluer leur propre niveau de tolérance dans des situations diverses. Par exemple, s’ils sont mal à l’aise avec la multiethnicité de la région montréalaise, ils perçoivent qu’ils devraient peut-être éviter d’y travailler. En ce sens, même si le cours ne les a pas rendus d’emblée plus tolérants, ils sont désormais au moins avertis du problème. Ils comprennent également pour la plupart qu’il sera nécessaire d’agir avec constance et rigueur dans leur pratique professionnelle et d’adapter l’intervention policière aux particularités culturelles de certains contextes.