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Le mode de constitution des équipes : un processus qui change la face

CHAPITRE 3 : LA VIE CACHÉE D’UN GROUPE HYPER COMPÉTITIF : INTÉGRATION,

3.1 Travailler en équipe, « c’est pas de la tarte! »

3.1.2 Le mode de constitution des équipes : un processus qui change la face

Comme on peut le constater, la perspective de travailler en équipe ne suscite pas automatiquement de l’enthousiasme chez les étudiants. Ils doivent souvent, bien malgré eux, le faire; suite au constat de ce manque de motivation de certains d’entre eux, il est apparu pertinent de déterminer comment ils procèdent pour choisir leurs équipiers lorsqu’un professeur leur demande de faire un travail en équipe. Comme les sessions d’études antérieures avaient contribué

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à mettre en place des équipes stables dans ce groupe, il semblait important de tenter de comprendre le processus de stabilisation de ces équipes. Comme mentionné précédemment, une équipe stable se compose d’étudiants qui préfèrent travailler avec les mêmes personnes lorsqu’ils en ont le choix.

C’est par essais et erreurs que les équipes semblent le plus souvent se former et se stabiliser. Au départ, comme ils ne se connaissent pas, ils expérimentent avec des personnes choisies au hasard. Au bout d’un certain temps, ils en viennent à connaître leurs compagnons de classe et à développer des affinités avec certains.

« La première année on travaille avec des gens que l’on ne connaît pas. En travaillant avec beaucoup de gens on apprend à les connaître et on développe des affinités. On sait comment la personne va réagir, comment elle va travailler, ce qu’elle va pourvoir t’apporter. » (13-5)

La complémentarité perçue dans leurs habiletés et dans leurs « styles » respectifs de même que les affinités personnelles qui se développent avec le temps, suite à la série d’essais effectués avec différents équipiers, constituent des éléments-clés du processus. On a conscience que chacun peut faire montre d’une habileté qui contribuera à renforcer l’équipe et qui favorisera une entraide plus grande. Voici un point de vue qui résume bien cette perception.

« (…) On cherche tous (…) dans une équipe (des éléments) de complémentarité pour faire quelque chose de meilleur - Au niveau du français, je ne suis pas très bon, je peux compter sur Ray12 pour compléter mon français. Joe et Tony, au niveau de l’ordinateur, peuvent m’aider et moi au niveau du contenu, je peux les aider. On s’apporte tous quelque chose mutuellement. C’est à ce niveau-là, quand on se connaît, quand on entre dans les travaux d’équipe, instinctivement, on sait qu’on se met ensemble et on sait qu’on n’a pas peur de travailler. (…) Ce sont souvent des gens qui se rapprochent le plus de mes perceptions et de mes valeurs, des gens qui me ressemblent.(…) C’est une des raisons pour laquelle je travaille avec eux. Aussi, le fait qu’on se rencontre en dehors du cadre scolaire, je suppose que j’ai une multitude d’affinités avec eux, on s’endure…» (13-5 et 8)

Les critères de sélection d’équipiers s’appuient sur la perception qu’on a de l’autre au plan de sa manière de travailler et de son rendement mais ils tiennent également compte des affinités personnelles qu’ils se reconnaissent. Ils finissent même par nouer des amitiés qui se poursuivent en dehors du cadre scolaire. La qualité des relations interpersonnelles qu’ils développent constitue

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un critère important de stabilisation des équipes. Les liens d’amitié et de confiance réduisent les sources de tensions, facilitent l’adaptation et rendent le travail efficace, plaisant, voire amusant pour certains. L’amitié qui se développe cimente la cohésion de l’équipe.

« Il y a quatre gars avec qui je suis habitué de travailler et il y a des filles qui travaillent toujours ensemble… Les relations interpersonnelles entre les personnes font que je me place avec eux (…) c’est parce que je m’entends bien avec eux. Cela évite bien des conflits. Une équipe décousue, ce n’est pas aussi efficace. C’est certain qu’il faut se brasser quelquefois, s’adapter. Moi, j’ai une certaine facilité à m’adapter avec différentes personnes, c’est plus facile. » (14-2)

« Depuis la première session qu’on est ensemble. On est tous du même style. (…) On travaille quand c’est le temps de travailler. On aime aussi à se détendre, à faire des jokes. On n’est pas le style à se faire remarquer dans la classe. Entre nous autres, on s’amuse. (…) On fait plusieurs activités ensemble. On va se voir cet été. » (10-3)"

Parfois, ils se sont rencontrés dans des circonstances fortuites puis ont choisi de travailler ensemble ; ils en sont venus ainsi à former une équipe fondée sur cette amitié naissante qui se confirmera à travers les activités et travaux scolaires qu’ils réaliseront par la suite. Pour certains, la qualité du travail qu’ils croient pouvoir fournir et le fait qu’ils s’entendaient bien dans d’autres circonstances les a incités à former une équipe stable et à oeuvrer ensemble lorsqu’ils en ont l’occasion.

« On travaille bien ensemble et en plus, le fait qu’on ait une bonne dynamique fait qu’on travaille encore mieux. Le fait d’être cinq personnes qui travaillent bien ensemble n’est pas suffisant pour travailler en équipe. Nous étions amies avant, et on s’est rendu compte qu’on travaillait bien en équipe. » (3-4)

« C’est arrivé comme ça. On se connaissait un peu. On se cherchait une équipe. Il était seul et j’étais seul. On s’est mis ensemble. Je ne connaissais pas personne quand je me suis mis dans le groupe. Il y en a qui sont tombés dans une équipe et sont devenus super chum et ce, depuis le début de l’année. » (2-2)

La sélection d’équipiers s’effectue aussi à partir de l’évaluation que l’on fait de la compatibilité et de la complémentarité des individus dans l’équipe. Les diverses expériences de travail effectuées au cours des premières sessions avaient conduit à une classification des individus en termes de compatibilité et de performance. C’est ainsi que la réputation des personnes se construit au fil des sessions et fournit les critères avec lesquels on retiendra un équipier potentiel.

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« Le travail d’Ariane, c’est toujours correct. Tu sais, on est ensemble depuis deux ans, je sais qu’elle travaille fort, je la connais. Pour d’autres, on sait à l’avance que cette personne ne fournit pas d’effort, ils ne prennent rien au sérieux, on les connaît. » (3-4)

Ce processus d’étiquetage des individus comporte des effets négatifs en faisant en sorte que des étudiants jugés moins performants ou peu compatibles au plan interpersonnel risquent de se voir marginaliser. En fait, ces marginaux finissent même par devoir se regrouper ensemble. À l’intérieur de chacune des équipes, des liens positifs de respect et d’amitié se tissent mais dans l’ensemble de la classe, les interrelations qui se construisent ne sont pas nécessairement aussi positives…