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Economie planifiée, franchise et distribution : des logiques incompatibles

Jusqu’à la fin des années 80, les pays Est-européens ont fait l’expérience commune, à des degrés divers, d’un système économique planifié et centralisé, où l’Etat pourvoit aux besoins de chacun et où l’initiative privée est illicite.

Franchise et économie planifiée : des fondements contraires

Dans les économies socialistes, « l’entreprise » est une structure non autonome (Lowit &

Frattelini, 1992), dont les dirigeants sont guidés par le plan publié par les organes bureaucratiques de l’Etat. L’objectif des managers est d’atteindre les normes de production fixées, non de développer une activité sous contrainte d’efficience économique (Gordon-Dickson, 2000). En outre, les économies socialistes adoptent une logique industrialiste de

développement d’entreprises internalisant la filière de production et les prestations de services annexes à l’activité et au personnel. Les structures les plus grandes possibles sont privilégiées ; ceci ne laisse aucune place pour un tissu de petites et moyennes entreprises industrielles ou de services (OCDE, 1998).

Or, les notions de propriété privée et de réseau de petites structures entrepreneuriales constituent les bases mêmes d’un système de franchise, puisqu’il repose sur la transmission d’un concept, élaboré par un franchiseur, à un franchisé entrepreneur indépendant. Les fondements de cette forme d’organisation sont, par essence, contraires à la logique d’une économie socialiste. Deux éléments viennent mettre en perspective ce propos. D’une part, des unités franchisées ont existé, avant la seconde guerre mondiale, dans les pays d’Europe Centrale. Les racines historiques du développement du secteur de la franchise sont donc différentes selon les pays, avec un cas extrême pour la Russie qui a une inexpérience totale de l’économie de marché (Magnin, 1999). D’autre part, dans les années 70, quelques contacts avaient été établis avec des franchiseurs occidentaux, du secteur de l’hôtellerie et de la distribution, par des entreprises de Pologne et de République Tchèque, pays qui connaissaient une libéralisation progressive. Néanmoins, jusqu’à la fin des années 80, la franchise était une structure de fonctionnement quasiment inconnue dans les pays en transition Est-européens, qui ont été décrits comme des territoires vierges pour les franchiseurs (Swartz, 1997). Cette forme d’organisation des réseaux de points de vente se trouve aujourd’hui classée, sur ces marchés, dans les nouveaux modes de distribution (Nestorovic, 1995 ; Theulet, 1999 ; Alon &

Welsh, 2001).

Un secteur de la distribution sous contrôle

Ainsi, dans cette logique de planification de l’activité économique, les « entreprises » de commerce, monopoles d’Etat, ne disposaient d’aucune autonomie de décision. La politique de distribution des produits était imposée par les structures étatiques qui, suivant les thèses

marxistes-léninistes, analysaient la distribution comme une fonction non créatrice de valeur : sources d’un gaspillage social, les distributeurs étaient perçus comme des intermédiaires parasites (Dentiste-Mueller & Broderick, 1995). Les produits étaient acheminés en quantités fixées par le plan par un unique canal composé d’intermédiaires obligatoires jusqu’aux deux structures commerciales officielles, les magasins d’Etat et les structures d’exportation d’Etat (Naor, 1991). Jusqu'à la fin des années 80, les pays socialistes Est-européens ont disposé d’un appareil commercial uniforme et réduit (Quelch & al., 1991 ; Werwicki, 1992), officiellement organisé autour de deux formats de vente : d’une part, des magasins « universels » proposant un assortiment large et peu profond, de surface moyenne et situés en centre ville ; d’autre part, des boutiques à dominante alimentaire, de petite surface et localisées dans les zones à forte densité de population. L’assortiment disponible était donc directement défini par les organismes de planification, sans analyse des attentes des consommateurs, et présenté sans qu’aucune technique de merchandising ne soit mise en oeuvre. Les consommateurs ont développé une forte aspiration à un autre univers commercial. Ces éléments ont conduit à caractériser les points de vente comme « insuffisants, non attractifs, consommateurs de temps et frustrants » (Quelch & al., 1991).

Accéder à une consommation de masse nécessite, en quelque sorte, des canaux de distribution

« de masse ». La transition vers une économie de marché passe par l’organisation d’un secteur structuré de la distribution. La réforme de ce secteur a constitué, dès la fin des années 80, une priorité des gouvernements des économies en transition, qui ont fondé leur politique sur deux axes : encourager l’implantation de commerçants indépendants et attirer des acteurs étrangers.

De profonds bouleversements structurels ont alors modifié le paysage commercial des pays d’Europe centrale et de l’Est nordique, et dans une moindre mesure, de l’Europe de l’Est méridionale. Les structures traditionnelles ont très rapidement vieilli sous l’effet du développement de multiples points de vente indépendants de très petite surface dès 1989, puis

de l’arrivée à partir de 1993 d’enseignes étrangères de grande distribution et de distribution spécialisée (Forte & Trotemann, 2001). La privatisation et la restructuration des structures existantes, ainsi que l’explosion du nombre de commerces indépendants ont abouti, au milieu des années 1990, à un système de distribution complètement atomisé et peu professionnel, marqué par une inertie des pratiques anciennes de management de la filière et des points de vente héritées de la période communiste.

Les économies en transition Est-européennes sont confrontées à la nécessité de se doter d’un système commercial organisé et efficient, s’appuyant sur l’entrepreneuriat individuel : cette situation ouvre la voie à un développement international en franchise pour les distributeurs étrangers.

2.2 Panorama de la franchise dans les pays en transition Est-européens : un secteur en