hf(x,t)i = 1 N N X n=1 fn(x,t) . (6.1)
On ´ecrit ainsi en tout point la d´ecomposition dite « de Reynolds »
v = V + v0 , p = P + p0 (6.2)
avec V = hvi la moyenne de v , P = hpi la moyenne de p , (6.3)
les0 indiquant les « fluctuations ». Par d´efinition, les fluctuations sont `a valeur moyenne nulle,
v0 = 0 et p0 = 0 . (6.4)
Par contre l’´ecart-type des fluctuations est non nul. Dans le cas d’une turbulence « stationnaire » ou « permanente », la moyenne d’ensemble co¨ıncide souvent avec la moyenne temporelle ; il s’agit l`a d’une propri´et´e d’« ergodicit´e ».
Dans le cas o`u un ´ecoulement moyen dans la direction x1 existe, de valeur typique V1, on d´efinit
l’intensit´e de turbulence dans la direction x1,
I1(x,t) =
p
h[v10(x,t)]2i
V1
. (6.5)
De fa¸con plus isotrope, en ne privil´egiant aucune composante de vitesse, on d´efinit l’´energie cin´etique turbulente massique moyenne
k(x,t) = 1 2
v0(x,t)· v0(x,t) . (6.6)
Si V est l’ordre de grandeur de||V||, on d´efinit l’intensit´e en ´energie de la turbulence IE(x,t) =
p 2k(x,t)
V . (6.7)
Ces rapports10permettent de distinguer les champs turbulents faibles, I ' 1%, moyens, I ' 10%, et forts, I' 20% et au-del`a.
6.2
Echelles caract´´
eristiques de la turbulence
et cascade de Kolmogorov
La turbulence est un ph´enom`ene physique o`u les fluctuations de vitesse, pression, concentration, etc... se font sur une large gamme d’´echelles. Consid´erons un ´ecoulement dont le champ de vitesse moyen a pour valeur typique V , et pour longueur typique L. Par exemple :
• un ´ecoulement de vitesse d´ebitante V dans un canal de diam`etre L,
• l’´ecoulement derri`ere un objet de taille L se d´epla¸cant `a la vitesse V dans un fluide au repos, • l’´ecoulement d’un jet de vitesse V par une embouchure de taille L,
9. Bien entendu le nombre de r´ealisations N 1. Dans le cas d’une turbulence « instationnaire » ou « non permanente » l’exp´erience est toujours red´emarr´ee de la mˆeme mani`ere `a l’instant de d´epart t = 0. La moyenne utilis´ee ici est souvent appel´ee « moyenne de Reynolds ».
128 Chapitre 6 ´Ecoulements turbulents • l’´ecoulement autour d’une turbine de rayon L tournant `a la vitesse angulaire ω = V/L, ... Nous notons D le domaine fluide et m la masse de fluide qu’il contient. Le temps caract´eristique de l’´ecoulement moyen est L/V . Les fluctuations sont caract´eris´ees non pas par une ´echelle, mais par toute une gamme d’´echelles. Cette id´ee a ´et´e propos´ee par un scientifique et m´et´eorologue anglais, dans le trait´eRichardson(1922), puis affin´ee par le math´ematicien russe Kolmogorov (cf.
Kolmogorov 1941).
Notons v et ` la vitesse et la longueur typique des fluctuations turbulentes de plus grande taille ; ` est la « macro-´echelle » ou « ´echelle int´egrale » de l’´ecoulement. En supposant que les temps caract´eristiques de l’´ecoulement moyen et des plus grandes fluctuations sont similaires, nous pouvons ´ecrire que
L
V ∼
`
v . (6.8)
La puissance massique inject´ee `a grande ´echelle est
= 1 m dEc dt ∼ dec dt (6.9) avec
ec = densit´e massique d’´energie cin´etique `a grande ´echelle ∼ v2 .
Une estimation purement « inertielle » du taux d’´evolution de l’´energie consiste `a poser qu’il est donn´e par un temps d’advection,
d dt ∼
1 `/v .
En cons´equence on obtient l’estimation « inertielle » aux macro-´echelles
∼ v
3
` . (6.10)
La validit´e de cette relation constitue une hypoth`ese importante que nous notons H1, et sur laquelle nous reviendrons en section 6.3.1.
Comme l’´ecoulement au niveau de la macro-´echelle est turbulent, le « nombre de Reynolds turbulent »
Re` =
v`
ν 1 . (6.11)
Suivant Richardson et Kolmogorov on suppose l’existence d’une cascade inertielle d’´energie vers les petites ´echelles, ces fluctuations macroscopiques transf´erant de l’´energie vers des plus petites ´echelles, disons m´esoscopiques, de taille `m et vitesse vm, qui elles mˆemes transf´erent de
l’´energie vers des plus petites ´echelles, etc... Cette id´ee peut par exemple ˆetre justifi´ee par une analyse en modes de Fourier spatiaux11. Cette cascade se termine `a l’« ´echelle de Kolmogorov » `Kqui correspond aux fluctuations les plus fines permises par la viscosit´e, o`u le nombre de Reynolds
est donc d’ordre 1. En notant vK la vitesse typique correspondante, on a
ReK =
vK `K
ν ' 1 . (6.12)
11. Si on consid`ere une « fluctuation » dont le champ de vitesse v est en cos(kx) avec k = 2π/Λ, il est clair que le terme non lin´eaire∇v· v de l’´equation de Navier-Stokes va cr´eer une nouvelle « fluctuation » en cos(2kx), donc d’´echelle λ = Λ/2.
6.2 ´Echelles caract´eristiques de la turbulence et cascade de Kolmogorov 129 La taille `m des fluctuations du « domaine inertiel », dans lequel a lieu la cascade, est grande
devant l’´echelle de Kolmogorov `K et petite devant la macro-´echelle `,
` `m `K . (6.13)
Cette cascade inertielle d’´energie des grandes vers les petites ´echelles se traduit par l’´egalit´e entre la puissance massique inject´ee `a grande ´echelle (6.10) et la puissance massique re¸cue `a toutes les ´echelles jusqu’aux ´echelles « visqueuses » de Kolmogorov, o`u elle est dissip´ee du fait des frottements visqueux, ∼ v 3 ` ∼ ... ∼ vm3 `m ∼ ... ∼ vK3 `K
= taux de dissipation moyen . (6.14)
Or, d’apr`es le bilan de la section1.8, ce taux de dissipation moyen, ´energie dissip´ee par unit´e de temps et de masse dans le fluide, vaut
= Pdissip´ee m = 2η m ZZZ D D : D d3x (6.15)
avec m = ρL3 la masse du fluide dans le domaine D, de taille L, consid´er´e. Ainsi
= 2ν L3
ZZZ
D
D : D d3x . (6.16)
Comme les seules fluctuations de vitesse donnant une contribution non n´egligeable `a cette int´egrale sont les ´echelles de Kolmogorov, nous avons
' 2ν L3
ZZZ
DK
D0 : D0 d3x
o`u DK ⊂ D est le support des ´echelles de Kolmogorov, et on a not´e D0 au lieu de D pour bien faire
apparaˆıtre le fait que ce sont les fluctuations de vitesse qui dominent la dissipation. En estimant que
D0 ∼ vK `K
aux ´echelles de Kolmogorov, nous obtenons ∼ ν vK `K 2 1 L3 ZZZ DK d3x = ν vK `K 2 Φ
avec Φ la fraction volumique des zones dissipatives. Dans le cadre de la th´eorie de Kolmogorov
(1941), on suppose que ces structures remplissent tout le domaine fluide12 de sorte que Φ ∼ 1. On en d´eduit l’estimation « visqueuse », valable aux ´echelles de Kolmogorov,
∼ ν vK `K 2 . (6.17)
En ´egalant les expressions inertielles de l’´energie inject´ee (6.14) `a l’expression visqueuse de la dissipation (6.17), on obtient l’ordre de grandeur des ´echelles de Kolmogorov,
`K ' ν3 1/4 ' ` Re−3/4` ` , (6.18)
12. Cette hypoth`ese est tr`es forte et il semble qu’en r´ealit´e les ´echelles fines n’occupent qu’une fraction du volume des plus grandes ´echelles. Le d´eveloppement de cette id´ee a men´e aux « th´eories fractales » de la turbulence.
130 Chapitre 6 ´Ecoulements turbulents compte tenu aussi de la d´efinition (6.11) du nombre de Reynolds Re` . L’´echelle de Kolmogorov ou
« ´echelle dissipative » `K peut ˆetre vue comme la dimension des « plus petits tourbillons » pr´e-
sents dans l’´ecoulement. L’existence d’aussi petites ´echelles implique que le calcul num´erique d’un ´ecoulement turbulent sera particuli`erement difficile, puisqu’il n´ecessitera une tr`es grande r´esolu- tion spatio-temporelle... Trop grande par rapport aux capacit´es de calcul des ordinateurs actuels13, d’o`u la n´ecessit´e de d´evelopper des « mod`eles de turbulence »...
Avant d’aller plus loin, il convient d’introduire la « micro-´echelle de Taylor » comme l’´echelle λ de fluctuations dont la vitesse typique serait v la vitesse des macro-´echelles et qui dissiperaient par frottement au taux , c’est-`a-dire
∼ ν v λ
2
. (6.19)
On montre facilement que
λ ' ` Re−1/2` `K . (6.20)
On construit le nombre de Reynolds correspondant
Reλ =
vλ
ν = Re
1/2
` . (6.21)