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B. L’ORIGINALITÉ DE L’ECDC DANS LA VEILLE ET LA SURVEILLANCE SANITAIRES

2. L’ECDC face à la grippe A(H1N1)

L’ECDC a fait une étude très intéressante de ce qu’on ne pouvait pas prévoir, de ce qui pouvait être attendu, des développements inattendus, et des connaissances sur les différences entre la grippe pandémique et la grippe saisonnière.

Les données qui en découlent ont ainsi été présentées à vos rapporteurs : Ce que l’on ne pouvait pas prévoir:

- le type antigénique et le phénotype,

- la susceptibilité et la résistance aux antiviraux,

- les groupes d’âge les plus atteints et les groupes d’âge les plus infectieux, - les taux d’attaque (cliniques), la pathogénicité (létalité), la sévérité de la

pandémie,

- les paramètres nécessaires pour la modélisation et les prévisions, - la définition précise des cas cliniques,

- la durée, l’amplitude et le moment des vagues épidémiques, - la dominance du nouveau virus par rapport aux virus saisonniers, - les complications,

- l’efficacité des mesures d’intervention, y compris des antiviraux et des vaccins,

- l’immunogénicité,

- l’innocuité des mesures pharmaceutiques.

Ce qui pouvait être attendu:

- les modes de transmission, - la période d’incubation, - la période d’infectiosité, - la définition des cas cliniques,

- l’efficacité globale des mesures d’hygiène,

- une moindre transmission au printemps et en été en zones à climat tempéré.

Les développements inattendus : - les cas sévères chez les obèses,

- les cas sévères avec une pneumonie virale causant une détresse respiratoire,

- la bénignité de la grande majorité des cas,

- l’excellente réponse immunogénique des vaccins avec une dose.

CE QUE L’ON SAIT SUR LES DIFFÉRENCES ENTRE LA GRIPPE PANDÉMIQUE ET LA GRIPPE SAISONNIÈRE

Grippe saisonnière Pandémie grippale Virus

circulants Deux virus (H1N1), (H3N2) &

B Presque exclusivement le virus

H1N1 pandémique Début des

vagues épidémiques

Généralement début après

Noël A débuté hors saison dans les pays les premiers affectés.

Suivie par une vague épidémique en automne Intensité de la

transmission

Variable d’année en année, 5 à 15%

Estimée à plus de 15%

Lieu de

transmission Endroits confinés Les écoles ainsi que le milieu familial

Groupes à risque de complication

Personnes âgées et celles porteuses d’une maladie chronique sous-jacente

Jeunes enfants, femmes enceintes, et personnes porteuses d’une maladie chronique sous-jacente. Environ 30% des cas sévères n’ont pas de risque sous-jacent. Ceux nés avant le milieu des années 1950 semblent protégés, mais lorsqu’ils sont atteints, la sévérité est plus grande Détresse

respiratoire Extrêmement rare Peu fréquente mais survient même chez le jeune adulte en bonne santé

Résistance

antivirale Fréquente résistance à

l’oseltamivir Rare et pas de transmission à ce jour, sauf très rares cas Mortalité et

années potentielles de vie perdues

Peu de décès confirmés Estimations jusqu’à 36.000 certaines années

Nombre substantiel de décès en Europe (2866 au 31 Mars)

Source : ECDC risk assessment

b) L’évaluation du virus et de la pandémie par l’ECDC Ce que l’ECDC a pu constater

Pour l’ECDC, le virus A(H1N1), qui est connu, a jusqu’à présent peu muté. Il est résistant aux amantadines. Le traitement antiviral est efficace. Il y a eu peu de résistance à l’oseltamivir et au zanamivir. Il y a peu de transmission des virus résistants. L’oseltamivir continue de faire l’objet d’interrogations. Ainsi, au Japon, s’interroge-t-on sur le lien supposé et possible entre son usage et les suicides chez les jeunes.

Les groupes d’âge les plus atteints et les plus contagieux sont les enfants.

Le taux d’attaque clinique est au maximum de 20%. La létalité est inférieure à 0.02%. Les études de séroprévalence montrent une infection asymptomatique chez les femmes enceintes. La plupart des personnes infectées ont été asymptomatiques ou ont présenté des symptômes bénins.

La définition précise des cas cliniques est difficile car beaucoup d’infectés sont asymtomatiques. Le traitement antiviral est efficace. Les cas sévères ont été plus difficiles à traiter que les cas de grippe saisonnière. La majorité des cas sévères présentaient un risque préalable. Toutefois, 30% ne présentaient aucun risque particulier. Les personnes âgées semblent protégées.

L’ECDC considère que les paramètres nécessaires pour la modélisation mathématique sont maintenant disponibles et qu’ils ont été résumés par l’OMS.

Ce que l’ECDC prévoit

Il est probable que le nouveau virus se soit développé aux dépens des virus saisonniers. L’efficacité des mesures d’intervention, y compris des antiviraux et des vaccins donne lieu à débats. Les mesures de masse semblent avoir un rôle mineur. Les mesures de distanciation sociale drastique (fermeture des écoles, suppression des événements de foule) auraient eu davantage de désagréments que d’avantages. Les mesures de protection usuelles semblent avoir été efficaces.

La pandémie grippale de 2009 a donc été moins sévère que prévu, mais reste une menace réelle. Le vaccin saisonnier disponible en automne 2009 n’a guère donné de protection. Les vaccins qui seront disponibles en 2010 devraient par contre offrir une protection importante. Le H1N1 pandémique sera inclus dans le vaccin trivalent saisonnier.

L’innocuité des mesures pharmaceutiques fait actuellement l’objet d’évaluation.

Il est peu probable qu’il y ait une autre vague de printemps ou d’été, à moins qu’une proportion significative de la population qui n’aurait pas été infectée rende le virus davantage transmissible. La circulation du virus ainsi que des

épidémies localisées devraient continuer lors de la saison 2010/2011. Il importe donc de préparer des stratégies de vaccination pour cette prochaine saison.

L’ECDC se prépare à faire face à plusieurs difficultés : l’hiver 2010 va être difficile. Il faut s’attendre à une pression sur les systèmes de soins à la notification d’effets secondaires liés aux vaccins, au développement de résistances aux antiviraux, et à la nécessité de répondre aux critiques sur la sécurité des vaccins et leur efficacité.

L’ECDC estime qu’il lui faut adapter son plan au long terme et être prête à répondre à toutes les questions. Elle devra renforcer la surveillance hospitalière. Il lui faut aussi s’interroger sur les catégories prioritaires à qui seront proposés les antiviraux.

Cela exigera plus de flexibilité, mais aussi d’adapter la réponse à la pandémie, de prendre les chiffres avec prudence (qu’il s’agisse du nombre de cas ou des prédictions), de ne pas sous-estimer la charge de travail, et de savoir si les lecteurs de journaux ont confiance dans les informations qu’ils lisent.

Pour l’année en cours, l’ECDC envisage plus précisément :

- de continuer la surveillance clinique et virologique des cas ambulatoires dans l’Union européenne durant toute l’année 2010 et dans tous les pays ;

- d’entreprendre et de coordonner des études sérologiques par groupes d’âge, dans le plus grand nombre possible de pays ;

- de faire une analyse rétrospective des groupes à risque dans les pays membres, par la surveillance des infections respiratoires aigues (IRA) et les décès qui y sont reliés afin d’affiner les recommandations antérieures. Une attention spéciale sera accordée aux “nouveaux” groupes à risque: jeunes enfants, femmes enceintes, majeurs obèses, dans le plus grand nombre possible de pays ;

- d’assurer la surveillance de façon routinière des IRA et des décès qui y sont liés, dans le plus grand nombre possible de pays ;

- de déterminer s’il y a des décès additionnels dans des tranches d’âge spécifiques, dans les Etats membres et au niveau international ;

- de déterminer la mortalité par âge et de la comparer avec la mortalité saisonnière, les années de vie perdues, les années de vie en bonne santé perdues ;

- de surveiller étroitement ce qui s’est passé dans l’hémisphère sud durant l’hiver 2010, de juin à septembre, par un travail conjoint avec l’OMS.

c) Les réflexions qui en découlent

1). Sur les méthodes permettant d’apprécier la gravité de la pandémie - Les méthodes actuelles sont insuffisantes, en grande partie parce qu’il n’y a pas de consensus sur la signification du degré de sévérité d’une pandémie.

Les données sur le nombre de personnes infectées sont insuffisamment précises et restent partielles. Elle proviennent pour la plupart des systèmes Sentinelle , réseaux qui existent dans les 30 pays membres de l’ECDC. Par contre, les infections respiratoires aigues (IRA) ne sont suivies que dans 11 pays. Les données fournies par ces réseaux ne sont pas toujours suffisamment précises et ne permettent donc de capturer qu’une partie de la réalité.

Malgré tout, des chiffres sont publiés. Il en est ainsi du nombre de décès liés à la grippe.

NOMBREDEDÉCÈSCONFIRMÉSDUSAUVIRUSPANDÉMIQUEINFLUENZA(H1N1)2009 PARSEMAINEDENOTIFICATION-PAYSDEL’UNIONEUROPÉENNEETDEL’AELE

(de la semaine 25 de 2009 à la semaine 10 de 2010)

Source : ECDC

Mais le nombre de décès n’est que l’indicateur le plus brutal de la gravité d’une pandémie. La mesure de son ampleur nécessite d’avoir d’autres éléments sur les différents niveaux de gravité de l’infection.

- Aussi faut-il utiliser d’autres approches :

des études sérologiques ;

des campagnes d’appels téléphoniques, permettant de faire des sondages au début de la pandémie, comme à New York ;

une étude des cas hospitalisés et de leur issue (mort ou survie) ;

une étude des patients sortant de l’hôpital ;

une estimation par modèles de la mortalité attendue, en la comparant au nombre de morts constatés en temps réel. C’est l’objectif du projet européen EURO MOMO, auquel la France n’a du reste pas participé.

2) Plus précisément, sur l’intérêt des études de sérologie et de la constitution de cohortes

Ces études permettent d’étudier les personnes ne présentant pas de symptômes. On s’aperçoit que certaines catégories de personnes étaient immunisées, ce qui implique de tenir aussi compte du nombre de personnes vaccinées. Ces études seront plus difficiles à interpréter si la vaccination se développe de manière importante. Leur coût empêche de les développer systématiquement. Mais des aides peuvent être apportées aux pays qui en ont besoin, et des standards peuvent être communiqués.

Ainsi que le montre une étude de M. Flahault sur les femmes enceintes à qui l’on a fait une analyse de sang, 80 % de celles qui avaient été infectées ne l’ont pas su, ce qui a été source de critiques. Mais il s’agit d’une catégorie particulière, et l’on ne dispose pas de données sur l’ensemble de la population. On peut regretter qu’il n’y ait pas eu d’autres cohortes, et d’autres études sérologiques dans diverses catégories de population, à partir de personnes choisies par hasard.

Certaines d’entre elles auraient été utiles si elles avaient été réalisées de manière immédiate et pas après l’épisode infectieux.

Il serait donc utile, dès le début d’une pandémie, de constituer plusieurs cohortes pour faire des études sérologiques, permettant d’évaluer l’étendue de l’infection.

Il faut envisager des diagnostics sanguins sur des segments de population, méthode qui n’est pas la même que celle utilisée pour faire le diagnostic chez un individu (réalisé à partir d’un examen de la gorge).

3) Sur la difficulté de faire des comparaisons internationales

Il est très difficile de faire des comparaisons de mortalité entre les pays. Le virus ne circule pas de la même manière à des endroits et à des moments différents. La population n’a pas les mêmes anticorps. Les systèmes de santé sont différents. Les politiques de vaccination sont aussi différentes. Les méthodes de diagnostic sont également différentes, de même que la manière dont le résultat de ces diagnostics est mis sur Internet.

Les données sont souvent inexistantes. Ainsi, n’y a-t-il pas de tableau récapitulatif des attaques dans chaque pays, comme il n’y a pas de comparaisons entre les divers vaccins existants de par le monde.

Il y a par contre des données, sous forme agrégée, par 100 000 habitants ou par médecin généraliste. Il y a des statistiques disponibles sur les décès, mais les modes de comptabilisation varient. Le nombre de morts dépend de la manière dont chaque pays fait rapport sur ce qui s’y passe. Même si théoriquement les pays ont la même définition de la mort due à la pandémie et utilisent éventuellement la même méthodologie, des différences subsistent, car certains ne parleront que d’arrêt respiratoire mais pas de décès lié à la grippe, ou du nombre estimé de morts, mais pas du nombre réel de décès. Dans beaucoup de cas, il n’y a pas de confirmation par des analyses faites en laboratoires.

Il y a en outre une grande confusion entre le nombre de décès déclarés au niveau national, par l’ECDC, et par la presse. Les données transmises par les experts nationaux sont différentes de l’information disponible sur les sites web des ministères de la santé. Cela pose un véritable problème de crédibilité de l’information. Qui croire ? Que croire ?

Cette situation suggère quel doit être dans l’avenir le rôle de l’ECDC, à qui il reviendra d’harmoniser les chiffres, de les valider. Il faut notamment définir les critères permettant de parvenir à une meilleure appréhension de la mortalité, et d’avoir des statistiques comparables au niveau international.

C. LE RÔLE FONDAMENTAL DE L’EMEA DANS LE PROCESSUS