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9. Le cas Antoine

9.9 Ecart entre ce qu'il dit et ce qu'il fait

Cette partie vient compléter le recueil clinique du discours d'Antoine qui précède pour relever comment s'exprime son symptôme « sur le terrain » lors d'une séance de mathématiques d'une heure, observée et filmée, afin de croiser l'interprétation de sa parole et de ses actes.

Pour Montagne, (2011) « Ce sont les écarts entre ce qu'est le sujet, ce qu'il dit, ce qu'il ne peut pas dire, ce qu'il dit sans le vouloir qui l'incomplètent et lui barrent l'accès à la connaissance de ce qu'il est vraiment ».

Il s'agit par l'analyse de ces écarts entre la parole et les actes, d'y voir ou d'y entendre la part d'inconscient qui pourrait barrer son accès à l'erreur en classe.

9.10 Constat d'écarts entre ce qu'il dit et ce qu'il fait de l'erreur : le « déjà

là » et « l'épreuve » en classe.

Le premier écart flagrant entre ce qu'il dit et ce qu'il fait concerne sa pédagogie. Pendant l'entretien « ante », Antoine présente sa pédagogie comme ouverte, basée sur l'interaction entre élèves pour réfléchir ensemble et mieux apprendre, une pédagogie coopérative, pas « frontale » et explicite : « s'écouter, ensuite heuuu, eh benn, partager, des fois de travailler un petit peu en

groupes, s'entendre sur des sur des façons... après c'est, je suis pas sur du frontal, on va dire je donne pas la leçon et puis après on fait... » (E1<L171) « on travaille ensemble, on réfléchit, et puis on fait même les opérations ensemble, tout ça, et puis des fois, ils sont un peu en autonomie, ou on fait de la réflexion ensemble, on se dit : qu'est-ce qu'il va falloir chercher, attention, est ce qu'on peut répondre direct ou non ? Est-ce qu'on peut répondre directement à la question ? Qu'est ce que je dois chercher ? Le but de leur faire formaliser un peu ce qu'on cherche et après, eux ils font le travail tout seul. » (E1<L545)

« s'écouter » et « s'entendre » sont des mots qui présentent dans cette phrase une interaction de classe, où le langage mène à la réflexion dans une visée d'apprentissage. L'idée de communication, de groupe, est renforcée par l'utilisation du pronom personnel « on » qui est inclusif, Antoine parle des élèves et de lui.

Pendant la séance de classe, aucun de ces points annoncés n'est retrouvé. Antoine se place au tableau face aux élève (frontal), il n'y a aucun échange de travail, aucun « partage » entre les élèves. Il monopolise la parole pendant la quasi-totalité de la séance. Les moments de paroles des élèves sont des échanges de nature question-réponse entre le maître et un élève, (en alternant) avec

validation ou pas de l'enseignant, puis reprise et guidage jusqu'à formulation de la bonne réponse. (Séance<L555)

« Antoine : Je peux comparer deux fractions si quoi ? si elles ont quoi ? Elève : si elles sont égales, si on peut les...

Antoine : Si elles ont quoi ? Le même quoi ? Le même dénominateur, voilà c'est ça qui est

important le dénominateur, il est très important dans les fractions, il faut qu'elles aient le même dénominateur, quand elles ont pas le même dénominateur, il faut faire quoi ? chercher à faire quoi ?

Elève : Faut chercher à les, à les diviser.

Antoine : Non, à les, à en transformer, à les transformer pour avoir ??? le même.... Elève : Dénominateur

Antoine : Dénominateur ! »

Le signifiant maître pendant tout l'entretien ante est « ensemble ». Ensemble signifie, d'après la définition du dictionnaire Larousse : Simultanéité d'action de plusieurs êtres ou de plusieurs choses ; qualité d'un groupe à exécuter quelque chose simultanément et harmonieusement.

Or ici, cet « ensemble » est une répétition d'échanges « à deux ». De plus, « On » ne désigne pas Antoine et les élèves, comme il le dit, mais Antoine lui-même. Il utilise ce « on » jusqu'à la passation de la consigne : « on se dit : qu'est-ce qu'il va falloir chercher, attention, est ce qu'on peut

répondre direct ou non ? »

Quelle signification donner à cet écart ? « Ensemble » signifierait-il pour lui sa présence dans le groupe d'élève ? Cela ne rejoindrait-il pas l'idée de l'élève idéal pour lui qui doit « être présent » ? N'y aurait-il pas ici l'expression de l'imaginaire dans cette notion « d'être là », d'une unité recherchée ? Ne serait-elle pas l'expression d'une angoisse de laisser les élèves « pas ensemble » (pas avec lui) ? Quel risque l'erreur représente-elle pour lui, au point qu'il lui soit impossible de ne « pas être là » avec eux quand ils se trompent ?

Il « est là » pendant que les élèves font un exercice et intervient avant et pendant leurs erreurs. (Séance<L195) « Tu n'oublies pas de compléter avec le signe » (Séance<L197) « là le signe : est-ce

que cette fraction là est plus grande ou plus petite que celle-là ? », « Ben ce trois quart, tu cherches à le transformer en huitièmes, tu vois t'as ça, comme ça, qu'est-ce que ça fait ça en huitièmes ? Si tu veux ça, cette fraction, tu veux la mettre en huitièmes (il écrit sur la feuille de l'élève) D'accord ? Et fais-le d'accord ? Voilà. Et là tout va mieux. Est-ce que tu as fait, ça ? » (Séance<L244)

N'est-ce pas lui qui ne peut pas voir l'erreur ? N'est-ce pas pour lui que « tout va mieux » quand l'erreur disparaît ? Ne serait-ce pas l'expression de son angoisse, à lui, qu'il manifeste en empêchant l'erreur des élèves ?

Il dit au sujet de l'erreur des élèves : « déjà ce que j'aime bien c'est qu'ils aient un retour sur

eux-mêmes déjà eux » (E2<L132), « après maintenant par rapport à leurs erreurs à eux, c'est les mettre en évidence sur les erreurs, sur l'erreur qu'ils font pour arriver à la comprendre cette erreur là c'est ça qui est important, qu'ils comprennent cette erreur s'ils l'ont pas comprise ils vont la reproduire, pour moi elle est importante, de la comprendre cette erreur. » (E2<L259)

Or quand je lui demande de décrire comment il procède avec l'erreur en classe, ce temps de retour n'apparait pas. Aucun temps n'est dédié ou prévu dans son emploi du temps ou dans la séance pour ce « retour », pour « faire comprendre l'erreur ».

Au cours de la séance, malgré les très nombreuses erreurs des élèves, aucun d'entre eux n'a bénéficié de « retour » au sens de feed-back pour l'analyser et la comprendre. Les « retours » sont fait par lui-même à l'oral (soit il donne la bonne réponse, soit il guide un élève « mot à mot » pour lui faire prononcer). A l'écrit, Antoine efface à plusieurs reprises les erreurs des élèves et écrit la bonne réponse à leur place. « (Antoine va vers une élève) Alors, est-ce que tu as fait les

transformations ? Non. 7/8, t'as 3/4 , tu vois, tu écris (Il prend le crayon, il écrit sur la feuille de l'élève) et là tu fais pareil ». (Séance>L531) « Observe, qu'est-ce que tu fais pour passer de là à là ? Non. (il prend le crayon et écrit sur la feuille de l'élève) tu fais quoi pour passer de là à là ? Tu vois, oui ou non ? Fais pareil. » (L'élève efface toutes ses erreurs) (Séance>L538)

De quel « retour sur eux-mêmes, déjà eux » parle-t-il ? Pense-t-il (vraiment) qu'un retour est fait pour qu'ils « puissent comprendre leur erreur » ? Ne peut-il pas voir, qu'il n'y a pas de retour ? Pourquoi ne peut-il pas parler du (non) retour ? Est-ce un point indicible, une de marque du Réel ? Il constate pourtant que les élèves n'ont majoritairement pas compris : « (interviewer) « Est-ce que

tu as eu l'impression de les laisser dans leurs erreurs la dernière fois quand ils se sont trompés, tu as réexpliqué et... » (Antoine): « Oui, je pense. Moi j'ai eu l'impression que oui. Je pense que ils sont pour beaucoup restés dans des erreurs oui la dernière fois. » (E2<L604) mais il dit le contraire

quand je lui demande ce qu'il pense se sa manière de procéder : « Ce que j'en pense ? Ben, c'est que

pour l'instant, elle ne m'empêche pas de, on va dire, de ben de, si tu veux elle ne elle j'ai pas l'impression qu'elle ait mis des enfants dans l'échec, déjà. Voilà, enfin j'ai pas l'impression. »

(E3<L491).

contraire à cause d'une part de lui-même à laquelle il n'aurait pas accès, et qui ferait barrage à une approche de l'objet en profondeur ? Cette division ne serait-elle pas la cause de ce qui l'empêche de proposer un retour sur l'erreur par les élèves ?

Avec 27 occurrences du mot « reprendre » dans nos entretiens, « on va reprendre », est-ce qu'il considère que « reprendre » (en corrigeant à la place de l'élève, ou en l'amenant à la réponse) est un retour de l'élève ?

Quand j'évoque le fait que c'est lui qui donne la réponse à l'élève, il admet : « heu l'importance

de passer sous le même dénominateur, bon, c'est vrai que c'est moi qui l'apporte. » (E2<L22) Le fait

d'effacer les erreurs et d'écrire la bonne réponse « à la place » des élèves semble habituel dans sa classe, les élèves le font également, sans qu'il trouve cela anormal. Quand je lui fais remarquer : « Ils se sont tous corrigés dans ce groupe, l'erreur n'apparait plus dans ce groupe, si tu regardes,

avec le stylo effaçable, ils ont tout effacé », il répond « Hm oui oui, c'est Camille qui dit tout »

(E2<L427), ce qui semble être identifié comme une habitude.

Quel sens donner à cet écart ? A plusieurs reprises il mentionne le désir d'un travail réflexif de ses élèves, mais il fait l'inverse et ne leur permet pas. L'erreur disparaît sous la gomme des élèves, la réflexion aussi. Elle est remplacée par la bonne réponse qui vient su maître, su souffleur, ou du bon élève voisin. Antoine énonce ce qu'il aime(rait), reconnaît qu'il fait l'inverse, mais il y a un vide, un indicible, un « trou » entre les deux. A quoi renvoie-t-il ? Ne serait-ce pas la marque de son traumatisme d'élève qui lui barre l'accès à l'objet et ce qu'il en fait ?

Pour ne pas approcher l'erreur (lui et les élèves), et néanmoins parvenir à la réponse attendue, il « reprend », il « donne » « apporte » (E2<L22) c'est à dire qu'il répète, redit, reviens au début de la tâche, redit ce qu'il fallait faire étape par étape. Il le fait inlassablement, sans analyse. Il reconnaît « je dis ce qu'il faut faire », « c'est la pédagogie du modèle ». (E3<L256) Un effet de très grande lourdeur s'est installé dans la classe, l'atmosphère était pesante, ces « reprises » continuelles répétées et unilatérales ont épuisé les élèves. Il s'en rend compte : (interviewer) : « Tu leur dis que

tu peux leur redire encore, mais ils n'ont pas voulu « encore ». (Antoine) : « Ils en avaient peut-être ras le bol...» (interviewer): « Tu allais redire ? » (Antoine) : « Oui ! » (E2<L322)

Ces reprises, le fait de répéter sans l'adhésion des élèves donne un effet de « nourrissage ». N'est-ce pas sa manière de pallier l'absence de retour sur l'erreur, qui lui est impossible ? N'est pas son moyen de « bien faire », sans erreur, en « donnant », en nourrissant ? Ce rapport nourricier

n'aurait-il pas à voir avec le manque(ment) de la mère qu'il évoque dans le dernier entretien ?

9.11 Constat d'écart entre ce qu'il dit et ce qu'il fait.

Ce qu'il dit :

L'intégralité du discours d'Antoine concernant l'erreur, son statut, et « ce qu'il veut » en faire en classe est placé sous le signe d'une bienveillance extrême, du droit à l'erreur, qui est totalement dédramatisée. Il tient ce discours tout au long des 3 entretiens, avant et après la séance de classe filmée, l'« épreuve ».

« je veux que les enfants soient bien à l'école » (E1<L384), « S'ils ont pas le droit à l'erreur, moi je trouve que on les inhibe dans leur travail puis on leur enlève aussi le plaisir » (E3<L418)

« Ben parce qu'on parle beaucoup d'erreurs là, mais j'apporte beaucoup (prononcé avec insistance) d'importance à l'ambiance d'une classe, pour moi c'est super important si tu veux, c'est

les relations qu'on peut avoir tous ensemble, ça j'aime. » (E3<L143)

« Je voudrais pas que l'erreur soit pour eux un, une appréhension [...] il faut qu'il soient bien,

donc faut les mettre dans des situations où ils où ils doivent être bien parce que pour moi c'est important qu'ils soient bien pour heu on va dire avoir l'envie de faire les choses. » (E2<L573)

Il trouve préférable de ne pas exposer l'erreur d'un élève devant les autres, pour ne pas le stigmatiser et qu'il soit mal à l'aise : « Ben déjà quand on met un élève sur son erreur, vaut mieux le

faire en aparté par rapport au climat je trouve » (E3<L498) « j'ai pas envie de le mettre plus mal à l'aise je préférerais le prendre seul à seul […]que le mettre devant un grand groupe, parce que tout le monde n'est pas forcément bien devant un groupe, je fais attention à ça. » (E2<L354)

« Je veux pas blesser un gamin, ça ça c'est quelque chose que j'apprécierais pas ça ça

m'embêterait je veux l'éviter. » (E3<L426)

Ce qu'il fait : l'épreuve

Antoine fait l'inverse pendant la séance de classe à laquelle j'ai assisté. Pendant un moment le cours bascule lorsqu'il interroge un élève (Ben) qui donne une réponse erronée. Antoine répète l'erreur plusieurs fois d'un air accusateur, il laisse deux autres élèves se moquer de lui sans réagir. Il semble important de rapporter ici cet échange qui forme une unité de temps, et dénote de l'ensemble des entretiens.

« Antoine : Ben, j'aimerais bien t'entendre, qu'est-ce qu'on fait ? (silence) Si je veux les comparer qu'est ce que je suis obligé de faire ? » (posture « Napoléon », figé, droit, doigt devant la bouche) Ben : De changer le 5.

A : De changer le 5 ?? Non, c'est que t'as pas compris ce qu'on faisait, Ben. (Il secoue le doigt de manière menaçante) Ben, j'ai dit qu'on comparait deux fractions avec le même dénominateur. Ben, dis-moi ! J'attends une réponse !

A : Est-ce que tu as le même dénominateur ici ? Là et là ! (Il montre là et là) Ben: Nan.

A : Alors tu fais quoi ? On transforme laquelle, celle-ci ou celle-ci ? Ben: La 5/6

A : Tu vas transformer la 5/6 en quoi ? Ben : Deux troisièmes.

A : Deux troisièmes !? (élèves: nannn !)

A : Ca se dit comme ça !? 2 troisièmes !? (élèves: mais nannn)

A : 2 tiers, tu la transformes en quoi ? Ben: 4/3 (bruit, réactions moqueuses) A : En 4/3 !?

(Un élève : Nan, mais il est nuuul !)

A : Qu'est-ce que tu fais Ben ? Tu sais pas. On veut transformer celle-là en 6èmes, Ben, qu'est-ce tu fais pour passer de là à là ?

Ben : Tu fais divisé par 2. A : Fais divisé par 2 ???

Antoine change de posture, il fixe Ben et attend ses réponses sans le quitter du regard, il a un air sévère, il est insistant : « tu ne sais pas ». La scène dure plusieurs minutes. Antoine attend, même quand l'élève ne répond pas. Ce dernier se montre très mal à l'aise se ferme sur lui-même petit à petit. Antoine insiste.

(un élève répond): nan tu fais x2.

A : Donc ici tu fais quoi ? tu fais fois 2 aussi, et là ça nous fait quoi ? Ben: 4/6.

A : D'accord, et là tu peux comparer les 2, quelle est la plus grande maintenant ? Ben : 5/6 .

A : 5/6 d'accord ? Bien hein ! »

Ben n'est pas bien, reprend son souffle, se met à pleurer. Il essaie de dissimuler ses larmes. Il pleure pendant 7 minutes.

Antoine s'adresse une dernière fois à lui avant la fin de la séance : « Faut pas t'inquiéter, mais

faut essayer d'écouter, hein Ben. Tu discutes avec la voisine. » (Ben pleure.) « Non, j'ai pas discuté...» (Antoine) « Ah attends ! T'as compris maintenant ? hein ? oui ou nan ? » (Ben) : « oui ».

Antoine a été le contraire de bienveillant, l'erreur était « grave », il a changé d'attitude, de ton. L'élève a été dans une situation humiliante, touché jusqu'aux larmes qu'il a essayé en vain de dissimuler.

Antoine met son erreur sur le fait de bavardages, à tort. Après vérification sur la vidéo, il n'a effectivement pas discuté avec sa voisine.

Quel sens donner à cette réaction violente, en totale opposition avec ce qu'il prône, défend, cherche et a dit lors de l'entretien « ante » ?

Il lui a été « impossible de supporter » l'erreur de l'élève, justement là où il disait lui-même avoir une approche privilégiée, réfléchie, très respectueuse. Ces réactions ne seraient-elles pas la trace d'un conflit psychique dû à son histoire personnelle ? A son traumatisme ?

Sa propre réaction, « ce qu'il en dit » est importante pour mieux suivre son cheminement et cerner les instances psychiques en jeu.

Constat d'écart entre ce qu'il dit et ce qu'il fait : l'après coup.

Antoine se dit surpris. « Surpris dans le sens où je m'attendais pas à... j'ai vu qu'il y avait quand

même des interrogations hmm oh. Puis même si tu veux, j'ai vu même le comportement de certains gamins complètement différent » (E2<L34). Que signifie qu'il y a « quand même des

interrogation » ? Quand même dans le sens « Malgré tout » ? (Malgré lui ?) Quelles interrogations ? Malgré quoi ? Il n'utilise pas de pronom personnel, il ne s'identifie pas : « il y a des interrogations ». Y aurait-il un point de Réel à ne pas pouvoir énoncer qu'il s'interroge ?

Si « même le comportement » des élèves est « complètement différent », est-ce à dire que le sien l'était aussi ? Il ne l'énonce pas. Il dit sans le dire. Que signifie cet indicible ?

Son comportement ne correspond pas à ce qu'il dit, et il ne peut pas en parler. A nouveau il manque un lien entre Antoine, ses paroles, ses actes, sa conscience. Il manque quelque chose dont on peut penser que ce quelque chose lui échappe, jusqu'au déni.

Le déni est l'attitude de refus de prendre en compte une partie de la réalité, vécue comme inacceptable par l'individu. En psychanalyse c'est un mécanisme de défense, par lequel le sujet refuse de reconnaître la réalité d'une perception ressentie comme menaçante ou traumatisante.

Ce point de Réel ne serait-il pas l'expression du déni provoqué par le traumatisme de l'erreur qu'Antoine a vécu élève ?

Il continue : « tu vois par exemple j'ai vu Ben à un moment donné il était tout catastrophé,

même presque il pleurait, je ne l'ai jamais vu comme ça. ». A nouveau la cause des pleurs est neutre

comme s'il n'avait pas été là, ou à l'origine des pleurs. Pour lui, c'est Ben qui pleure, pas Antoine qui le fait pleurer.

La cause des pleurs est transformée en déception de l'élève qui ne trouve pas une réponse : « je

pense qu'il a pas dû être bien dans cette situation il était devant un problème qu'il n'arrivait pas à résoudre, à donner quoi. » (E2<L439) Antoine fait disparaître les pleurs : « presque il pleurait ».

Antoine ne fait-il pas disparaître son erreur « malveillante » lors de cette séance, comme il le fait habituellement lorsqu'elle le gêne ou lui « coûte » ? Comment interpréter qu'il minimise et change les faits alors qu'il sait que la séance est filmée et que je vais visionner et la retranscrire mot à mot ? Ne serait-il pas dans un déni si fort qu'il évacue tout ce qui peut lui porter préjudice ?

Sa réponse évolue quand je l'interroge sur la cause. Il dit : « De la pression. Et ça par exemple

les seules fois où je l'ai vu pleurer, c'est en cour de récré ou en sport où il y a un enjeu, l'enjeu d'un point... » « Je sais pas, est-ce que c'est moi qui lui ai mis une pression à ce moment-là sur la réponse, je ne sais pas, mais j'ai pas eu l'impression. Après, c'est possible... » (E2<L42)