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5.2 Sur un terrain de sport

6.1.3 Dynamique du volant

Afin de comprendre le comportement d’un volant après son impact avec une raquette, il faut estimer les forces qu’il subit et leurs points d’application. Ces dernières sont composées du poids du volant et des forces de pression dues à l’écoulement de l’air autour de cet objet. Les forces appliquées par le fluide se regroupent sous la forme d’une résultante aérodynamique de type traînée. Le point d’application de cette force est le point où le moment des forces de pression appliquées au volant est nul. Il est appelé centre de pression ou centre aérodynamique. La position de ce point varie selon le profil de l’écoulement. Si le profil de pression autour du volant est homogène, son centre aérodynamique est confondu avec son barycentre, c’est-à-dire le centre de son volume. En réalité, l’existence d’une zone de basse pression en aval du volant, déplace la position de ce point vers le bouchon. Dans cette étude, nous considérons que le centre de pression est confondu avec le barycentre du volant. En revanche, ce dernier reste distinct de son centre de gravité en raison de la répartition hétérogène de la masse (le bouchon est plus massif que la jupe). La non concordance du centre de pression et du centre de gravité implique que la résultante aérodynamique exerce un couple sur le volant. Cette force étant opposée à la vitesse, elle exerce un couple stabilisant sur cet objet. Le schéma de la figure 6.6-(a) permet de visualiser l’effet de la résultante aérodynamique FD sur le volant incliné d’un angle ϕ avec la direction

de sa vitesse U .

(a) (b)

Figure 6.6 – (a) Application de la force de traînée FD sur le volant lorsque son axe fait

un angle ϕ avec la direction de sa vitesse U . Le point P est le centre de pression du volant. Il est distant de l du centre de gravité G de cet objet. (b) Volant modèle constitué par une sphère de section S et de masse MB placée en B représentant la jupe et par une sphère de

section s et de masse MC placée en C représentant le bouchon.

Ce schéma distingue le centre de pression P du centre de gravité G du volant, ces deux points étant séparés d’une distance l. Compte tenu du fait que la force aérodynamique est de type traînée, elle est de sens opposé à celui de la vitesse U et exerce un couple stabilisateur sur le volant. Ce couple tend à aligner l’axe du volant avec la direction de sa vitesse et le bouchon en avant (cet équilibre correspond à l’angle ϕ = 0). La position inversée du volant (ϕ = 180◦) correspond à un équilibre instable qui n’est jamais maintenu en pratique.

L’explication précédente permet de comprendre le comportement du volant de badmin- ton après l’impact avec la raquette. Elle va également nous permettre de modéliser son retournement et sa stabilisation. Puisque le comportement versatile du volant provient de

la distinction entre son centre de masse et son centre de pression, nous allons le modéliser par deux sphères. La première possède une section S et une masse MB qui correspondent

à celles de la jupe. La seconde sphère modélise le bouchon et possède une section s et une masse MC. Les volants commerciaux sont tous construits tel que s < S et MB < MC.

Les caractéristiques du volant sont ainsi réduites à l’essentiel : un bouchon massif et une jupe subissant la traînée. Le modèle précédant, symbolisé sur la figure 6.6-(b), permet d’appliquer le théorème du moment cinétique par rapport au point G. Cette approche est développée dans l’annexe D et mène, dans le cas où SMC  sMB, à l’équation suivante :

¨ ϕ + ρSCDU 2MB(1 + MB/MC) ˙ ϕ + ρSCDU 2 2(MC+ MB)lGC sin ϕ = 0 (6.1)

où CD est le coefficient de traînée associé à une sphère et lGC la distance séparant les

points G et C (cf. figure 6.6-(b)). Cette équation différentielle du second ordre en ϕ donne lieu à des oscillations amorties. Le carré de la pulsation ω02 = ρSCDU2/2M lGC (avec

M = MC + MB) correspond au couple stabilisateur engendré par la traînée. Le terme

d’amortissement, α = ρSCDU/2MB(1 + MB/MC), résulte du mouvement orthoradial du

volant lorsque ϕ varie. L’équation (6.1) permet d’exprimer différents temps caractéristiques. On se propose dans la suite d’évaluer leur signification physique et leur ordre de grandeur afin de les comparer aux valeurs expérimentales.

Temps de retournement

La linéarisation de l’équation (6.1) permet d’exprimer analytiquement sa solution ϕ(t). Cette dernière dépend des deux conditions initiales ϕ0 = ϕ(t = 0) et ˙ϕ0 = ˙ϕ(t = 0).

Dans ce cadre, le temps de retournement est défini par la relation ϕ(τf th) = 0 et s’exprime

comme : τf th = 1 ωatan Ç ωϕ0 ˙ ϕ0 å (6.2) où ω = »ω2

0 − α2/4. Pour les volants utilisés au cours de nos expériences, MC = 3,0 g,

MB = 2,0 g et S = 28 cm2. Par ailleurs, nous estimons que ρ = 1,2 kg.m−3, CD = 0,44 et

lGC = 1,0 cm conformément à la détermination faite par A.Cooke sur plusieurs modèles de

volants [105]. Ces valeurs permettent d’estimer que α/ω0 =

2M ρSCDlGC/2MB(1 + MB/MC) '

0,04. Ceci nous permet de considérer que ω ' ω0 dans la suite de ce travail. Les valeurs

de U0, ϕ0 et ˙ϕ0 correspondant aux expériences montrées sur les figures 6.4-(a) et (b) per-

mettent d’estimer le temps de retournement au moyen de la relation (6.2). On trouve que τf tha = 15 ms et τf thb = 42 ms pour les expériences respectives (a) et (b). Ces prédictions sont proches des valeurs expérimentales : τf expa = 16 ms et τb

f exp = 39 ms. L’étude du temps

de retournement expérimental peut être systématisée à des impacts d’intensités différentes. À chaque essai, la vitesse de rotation initiale ˙ϕ0 et la vitesse de départ du volant U sont

mesurées. Dans toutes les expériences, l’angle initial est identique et approximativement égal à ϕ0 ' π. La figure 6.7-(a) montre l’évolution du temps de retournement expérimental,

τf exp, avec celui théorique τf th, prédit par l’expression (6.2).

L’observation de cette courbe montre que les différents essais s’ajustent sur une même droite de pente approximativement égale à 1,15. Le modèle basique proposé pour décrire le retournement d’un volant de badminton capture raisonnablement ce phénomène.

La figure 6.7-(b) révèle le lien entre la vitesse de rotation initiale du volant ˙ϕ0 et sa

(a) 0 10 20 30 40 0 10 20 30 40 τf th(ms) τf exp(ms) (b) 0 10 20 30 40 0 10 20 30 40 U (m/s) L ˙ϕ0(m/s)

Figure 6.7 – (a) Temps de retournement expérimental τf exp en fonction de celui théorique

τf th. Ce dernier est estimé au moyen de la relation (6.2). (b) Variation de la vitesse angulaire

initiale, ˙ϕ0, multipliée par la longueur L du volant en fonction de la vitesse du volant U

après l’impact avec la raquette.

pas être choisies indépendamment par un joueur lors d’un impact usuel. Période d’oscillation

Dans le modèle précédent, le temps d’oscillation du volant est donné par τo = 2π/ω.

Dans la limite où α  ω0, il découle l’expression théorique suivante pour le temps d’oscil-

lation :

τo th' 2π

√ L lGC

U (6.3)

où L = 2M/ρSCD. En utilisant les valeurs introduites précédemment pour les différentes

caractéristiques du volant et les valeurs de vitesses initiales mesurées dans les expériences correspondant à la figure 6.4, nous pouvons estimer le temps d’oscillation par le biais de la relation (6.3). Ceci donne τa

o th = 102 ms et τo thb = 183 ms pour respectivement, les

expériences (a) et (b). Ces valeurs sont proches de celles expérimentales dans les même situations : τa

o exp = 92 ms et τo expb = 168 ms. Aussi, il est possible d’avluer le temps de

retournement expérimental τo exp pour un même volant subissant des impacts d’intensités

différentes. À chaque essai, la vitesse la vitesse de départ du volant U est mesurée. La figure 6.8-(a) montre l’évolution du temps d’oscillation expérimental avec celui théorique estimé à l’aide de la relation (6.3). Toutes les données expérimentales (ronds bleus) se distribuent autour d’une même droite de pente approximativement égale à l’unité.

Stabilisation du volant

En plus du phénomène de retournement et des oscillations, le volant subit un mou- vement amorti. Ce dernier est déterminé expérimentalement à environ une centaine de millisecondes (cf. figure 6.5) et prit en compte dans l’équation (6.1) par le biais du terme d’amortissement α ˙ϕ. Dans le cadre de ce modèle, le temps de stabilisation s’exprime :

τs =

2MB(1 + MB/MC)

ρSCDU

(a) 0 50 100 150 200 0 50 100 150 200 τo th(ms) τo exp(ms) (b) 0 200 400 600 800 0 50 100 150 200 250 τs th(ms) τs exp(ms)

Figure 6.8 – (a) Temps d’oscillation expérimental τo expen fonction de celui théorique τo th.

Cette quantité est déterminée au moyen de la relation (6.3) incluant la valeur expérimentale de la vitesse U du volant. (b) Temps de stabilisation expérimental τs exp en fonction de celui

théorique τs th. Ce dernier est déduit par l’intermédiaire de la relation (6.4).

Pour les vitesses typiques du jeu de badminton (U = 20 m/s), cette relation donne τs ∼ 0,3 s. Plus quantitativement, l’évolution du temps de stabilisation d’un volant en

fonction de sa vitesse U peut être étudiée expérimentalement. La figure 6.8-(b) montre le temps de stabilisation expérimental en fonction de celui prédit par le biais de la relation (6.4).

L’ensemble de données expérimentales (ronds bleus) se distribuent autour d’une même droite dont la pente est environ égale à 0,4. Le fait que cette valeur soit inférieure à l’unité peut provenir de la valeur non constante du coefficient de traînée CD lors de l’évolution de

l’angle ϕ.

Lorsque le temps de l’échange est long par rapport au temps de stabilisation, le volant pourra être considéré comme aligné avec la direction de sa vitesse tout au long de sa trajectoire. C’est le cas des dégagés de fond de court qui durent de deux à trois secondes. Ceci justifie l’approche du chapitre 2 et 3 où la surface S exposée à l’écoulement est supposée constante.

À l’inverse, à proximité du filet, le temps de stabilisation devient comparable au temps de l’échange qui alors d’une fraction de seconde. Pour ces échanges, la prise en compte de la phase de stabilisation du volant devient déterminante. Le joueur joue alors sur les vitesses linéaires et angulaires initiales afin de modifier les temps de retournement et d’oscillation. L’objectif du joueur consiste alors à retarder le retournement du volant afin de prolonger le moment où son adversaire pourra le frapper le bouchon en avant.

Au cours des expériences menées sur les différents temps caractéristiques, nous n’avons pas étudié l’influence de la rotation du volant autour de son axe principal sur son com- portement après impact. Une rotation importante du volant sur lui même pourrait avoir comme effet de le stabiliser dans une direction autre que celle de sa vitesse. Les joueurs auraient alors intérêt à maitriser cette rotation pour leurrer d’avantage leurs adversaires dans le jeu au filet.