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Différence entre le volant en plume et en plastique

3.3 Jeu long au badminton

3.3.1 Différence entre le volant en plume et en plastique

Les joueurs de badminton expérimentés préfèrent les fragiles volants en plume aux vo- lants moins onéreux en plastique. Selon eux, le volant en plume possède une trajectoire plus "piquée". Cette propriété permet aux joueurs de frapper plus fort ce projectile sans qu’il dépasse les limites du terrain. Afin de comprendre les différences entre les trajectoires d’un volant en plume et en plastique, chacun de ces deux projectiles a été soumis à l’expérience. La figure 3.10 montre les trajectoires de ces deux volants pour des conditions initiales de tir sensiblement identiques.

0 2 4 6 8 10 −3 −2 −1 0 1 2 3

x

(m)

y

(m)

Plastique Plume

Figure 3.10 – Trajectoires d’un volant en plastique et en plume pour des conditions initiales identiques. Les ronds bleus représentent la trajectoire expérimentale du volant en plastique et les carrés rouges celle du volant en plume. Les lignes solides correspondent à la résolution numérique de l’équation (2.3) avec les conditions initiales expérimentales et les longueurs aérodynamiques issues des mesures réalisées en laboratoire.

L’observation des deux trajectoires des volants en plume et en plastique permet d’inter- préter le ressenti des joueurs. Pour des conditions de tir identiques, le volant en plastique possède une portée supérieure à celle au volant en plume de plus d’un mètre. En com- paraison avec la distance horizontale parcourue, qui est de l’ordre de neuf mètres, cette différence est notable. Le fait que le volant en plume ait une portée moins importante que

celui en plastique pour des conditions initiales identiques est un constat valable sur un grand nombre de modèle et de marque de volant [61]. Cette observation expérimentale est en accord avec le ressenti des joueurs de badminton selon lequel il est plus difficile de sortir un volant en plume des limites du terrain.

Le chapitre 2 a montré que la portée d’un volant pouvait être correctement évaluée à l’aide de l’expression (2.15). Dans le cas des dégagés où la vitesse de frappe du volant est grande par rapport à sa vitesse terminale, la portée sature vers une valeur qui ne dépend principalement de la quantité L cos θ0. Dans ce régime, la portée x0 croît linéairement avec

la longueur aérodynamique L du projectile. L’observation précédente sur la portée des volants peut être interprétée comme une différence entre la longueur aérodynamique du volant en plume et de celui en plastique. Reste à comprendre l’origine physique de cette différence.

Dans ce but, la mesure des différents paramètres intervenant dans la longueur aérody- namique L a été réalisée pour des volants ayant une jupe synthétique et naturelle. L’étude des coefficients de traînée des volants a été menée dans les souffleries du FAST à Orsay. Les résultats de ces expériences sont regroupés sur la figure 3.11.

2 4 6 8 10 12 14 16 x 104 0 0.2 0.4 0.6 0.8 1

Re

C

D Plastique Plume

Figure 3.11 – Mesure du coefficient de traînée (CD = 2FD/ρπR2U2) en fonction du

nombre de Reynolds de l’écoulement (Re = 2RU/ν). Les ronds bleus correspondent au volant en plastique et les carrés rouges à celui en plume. Les lignes continues représentent les valeurs moyennes des coefficients de traînée pour chacun des deux volants.

Ce graphique permet de comparer les valeurs de CD pour les volants en plume et en

plastique. L’évolution de ces coefficients avec le nombre de Reynolds étant faible, nous considérons leurs valeurs moyennes sur la gamme où les expériences ont été réalisées. Pour le volant en plume, la valeur moyenne est égale à CD plu = 0,65 tandis que pour celui en

plastique CD pla = 0,68. Ces valeurs sont en accord avec celles obtenues expérimentalement

par Alam Firoz [62, 63] et numériquement par Verma [64]. La section transverse S = πR2

des deux volants étudiés étant égales à 28 cm2, la différence de leurs coefficients de traînée implique celle de leurs traînées. Cependant, la différence entre la traînée du volant en plume et en plastique n’est pas suffisante pour expliquer une modification de portée supérieure à 10 % comme observée sur les trajectoires de la figure 3.10 . La pesée des volants donne une masse Mplu = 5,0 g pour celui en plume et Mpla = 5,3 g pour celui en plastique.

En regroupant ces données, on estime les longueurs aérodynamiques relatives aux deux volants : Lplu= 4,04 m et Lpla= 4,48 m. Afin de savoir dans quelle mesure cette différence

avons procéder à la résolution numérique de l’équation du mouvement (2.3) avec les valeurs précédentes de longueurs aérodynamiques. Les conditions initiales de tir choisies pour cette intégration sont celles des expériences de la figure 3.11. Les trajectoires résultantes de cette approche sont représentées par des lignes continues. Ces dernières correspondent aux trajectoires expérimentales et reproduisent la différence de portée observée entre le volant en plume et celui en plastique. La différence entre les longueurs aérodynamiques de ces deux projectiles permet d’expliquer qu’ils n’aient pas la même portée. Il est important de remarquer que cette différence provient en majeure partie du poids plus important du volant en plastique. L’augmentation de ce poids réduit relativement l’effet de la traînée et rapproche la portée du volant vers sa limite gravitaire.

Le poids plus élevé du volant en plastique n’est pas spécifique aux volants considérés dans cette expérience. Ceux en plastique sont systématiquement plus lourds que leurs homologues en plume. Ceci provient du fait qu’il n’existe pas encore de matériaux plastique aussi rigides et légers que la plume.

Sur la forme des trajectoires, la différence entre le volant en plume et celui en plas- tique n’est pas marquée. La figure 3.10 reporte les trajectoires résultantes de l’intégration numérique de l’équation (2.3) réalisées avec les conditions initiales expérimentales et les lon- gueurs aérodynamiques estimées précédemment. Les deux trajectoires expérimentales sont convenablement capturées par cette résolution qui tient uniquement compte d’une force de traînée à grand nombre de Reynolds avec CD constant. Cet accord entre les trajec-

toires expérimentales et numériques a également été observé par Chen, Chan & al. [65, 66]. Même si la longueur aérodynamique du volant en plume est inférieure à celle de celui en plastique, les deux trajectoires ne différent pas de nature et sont de type "Tartaglia". La sensation de trajectoires plus "piquées" dans le cas des volants en plume peut provenir de leur courbure au sommetÄdθdsä

θ=0. Il est possible de montrer que cette courbure au sommet

est inversement proportionnelle à L et indépendante de la vitesse initiale. Ceci implique que les volants en plume ont des trajectoires plus courbées au passage par le sommet. Ce phénomène pourrait expliquer les observations des joueurs sur le terrain.

La comparaison menée entre les volants en plume et en plastique montre la forte in- fluence des caractéristiques d’un volant sur sa trajectoire. Ceci explique la sensibilité des joueurs au modèle de volant utilisé dans le jeu. Le matériau de la jupe n’est d’ailleurs pas le seul paramètre capable d’influencer sur ces trajectoires, les conditions atmosphériques jouent également un rôle prépondérant.