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Le d´etachement est le r´esultat d’une excitation hydrodynamique faisant intervenir l’oscillation de l’interface liquide-air. Afin de mettre en ´evidence ce ph´enom`ene, nous enregistrons la dynamique de l’interface vue de cˆot´e `a l’aide d’une cam´era rapide.

5.4.1 R´egimes hydrodynamiques

La d´eformation cyclique de l’interface entre la forme d´eform´ee (figure 5.5 haut) et relax´ee (fi- gure 5.5 bas) est obtenue par la modulation en cr´eneaux de l’excitation (ON, OFF). Pendant la phase d’excitation, les effets d’acoustique non lin´eaire induisent un ´ecoulement interne et une d´eformation de l’interface dans le sens de propagation de l’onde. Puis lors de la phase de relaxation, l’´energie potentielle capillaire stock´ee par l’interface impose un ´ecoulement dans le sens inverse. La fr´equence de modulation (5 Hz) et le rapport cyclique (25%) sont d´etermin´es exp´erimentalement : la p´eriode du signal correspond `a la somme du temps de relaxation de l’in- terface (150 ms) et du temps d’´etablissement d’une forme stable sous une excitation acoustique (50 ms) de 30 dBm.

Forme  relaxée   Forme  excitée  

SAW  

Figure 5.5: D´eformations extrˆemes atteintes par une goutte soumise `a des onde acoustiques de surface (SAW) de 1 W modul´ees par un signal cr´eneaux de p´eriode 200 ms et de rapport

cyclique 25 %.

La br`eve excitation (50 ms) d´eplace la ligne de contact avant (`a gauche sur la figure 5.5) de quelques microns par cycle, alors que la ligne arri`ere reste pi´eg´ee du fait de la forte hyst´er`ese de

donc en s’´etalant dans le sens de l’onde `a une vitesse d’environ 0,01 mm/s. De cet ´etalement r´esultent trois r´egimes fluidiques, comme le montre la figure5.6.

Au d´epart, l’expansion est faible et une goutte oscille entre deux positions extrˆemes repr´esent´ees sur la figure5.6(b) et la figure5.5. Pendant la phase d’excitation, le liquide est emport´e par les effets d’acoustique non lin´eaire dans le sens de l’onde regroupant l’essentiel du volume `a l’avant d’une goutte, appel´e ici ”masse” liquide, et laissant un mince film liquide `a l’arri`ere, ph´enom`ene pr´ec´edemment observ´e par Kurosawa et al. [13], Rezk et al. [262] et Collins et al. [214]. Lors de la relaxation capillaire, la goutte revient `a une forme relax´ee sym´etrique.

SAW   T  =  200  ms  

Masse  liquide   Zone  d’oscilla8on  du  front  liquide   Film  liquide  

Temp s  ( s)   Vfront

 

liquide  ∼  100  mm/s   0   0,2   60   120   VgouCe  ∼  0,01  mm/s   (b)   (c)   (d)   (a)  

Figure 5.6: Diagramme des diff´erents r´egimes fluidiques sous une excitation modul´ee (ON : 50 ms ; OFF : 150 ms). Le champ d’observation du microscope est repr´esent´e en violet. (a) Forme au repos. (b) Formes extrˆemes initiales. (c) Apr`es plusieurs cycles, le temps de relaxation n’est plus suffisant et la sym´etrie de goutte est bris´ee. Trois r´egimes fluidiques apparaissent : une ”masse” liquide (bleu), une zone d’oscillation du front liquide (gris) et un film mince (orange).

(d) Lorsque l’´etalement est important, le champ de la cam´era est confin´e au film mince.

Apr`es un certain nombre de cycles, le d´eplacement de la ligne de contact avant devient signi- ficatif (∼ 0.5 mm). La largeur de goutte est augment´ee et un temps de relaxation de 150 ms entre deux excitations n’est plus suffisant pour ramener une goutte dans une position relˆach´ee sym´etrique. Trois r´egimes hydrodynamiques peuvent alors ˆetre distingu´es (figure 5.6

(c)). Comme pr´ec´edemment, les extremums sont : (1) une ”masse” liquide (en bleu) o`u le ci- saillement de la couche cellulaire est une combinaison de tourbillons `a grande ´echelle induits par le streaming d’Eckart [139] et de vortex `a petites ´echelles dus aux streamings de Rayleigh

et de Schlichting [161, 263] pr`es de la couche limite ; (2) le film mince (orange) o`u les strea- mings de Rayleigh et de Schlichting g´en´er´es par une onde stationnaire (mis en ´evidence par une d´eformation p´eriodique sur la figure 5.7 (a)) sont pr´edominants [262]. Entre les deux, une zone interm´ediaire apparait (en gris) o`u la couche cellulaire est balay´ee par la fronti`ere entre le film mince et la masse liquide, que nous appellerons dans la suite ”front liquide” (figure 5.7

(b)). Il est important de noter que la couche cellulaire de 10 µm d’´epaisseur est en permanence immerg´ee, mˆeme au sein du film liquide d’environ 100 µm d’´epaisseur, comme le montre la figure

5.7(b), maintenant ainsi les cellules en vie.

Vitesse  du    

“front  liquide”   ∼  λ  SAW  

 100  µm  

 ∼  

10  µm  

(a)   (b)  

Figure 5.7: (a) Zoom sur le film mince `a l’arri`ere d’une goutte. L’interface est d´eform´ee suivant un motif d’onde stationnaire. (b) Profil de vitesse lin´eaire induit par le front liquide, et grandeurs

caract´eristiques du film mince.

Le champ d’observation ´etant fixe (zone verticale sur la figure 5.6) par rapport `a l’´etalement de la goutte, ces r´egimes fluidiques sont successivement enregistr´es au cours d’une exp´erience. Il est alors possible de comparer l’efficacit´e du d´ecollement induit par ces diff´erentes excita- tions hydrodynamiques. Pour ce faire, des exp´eriences ont ´et´e r´ealis´ees sur des cellules adh´er´ees suivant les deux m´ethodes d´ecrites pr´ec´edemment : (1) adh´esion des cellules pendant la phase de croissance de 24h et (2) incubation du substrat dans une solution de cellules resuspendues pendant 60 min. Pour ces exp´eriences environ 300 cellules visibles (dans le champ de la cam´era) sont initialement adh´er´ees `a la surface.

5.4.2 Taux de d´etachement

Pour comparer ces deux exp´eriences en termes d’efficacit´e de d´ecollement, nous utilisons un taux de d´etachement. L’adh´esion et le d´ecollement d’une cellule sont extrˆemement sensibles `a de nombreuses conditions telles que son histoire ou son environnement (pH, temp´erature, com- position du milieu, cisaillement). Le taux de d´etachement est donc normalis´e afin de comparer les exp´eriences.

Pour un taux de d´etachement normalis´e (R0) constant, la proportion (en opposition au nombre) de cellules se d´etachant de la surface pour un intervalle de temps fix´e est la mˆeme `a n’importe quel instant. Dans ces conditions, le nombre de cellules adh´erant `a la surface en fonction du temps N (t) suit un profil exponentiel, N (t) = N0e−R0t, o`u N0 est le nombre initial de cellules. Or, au cours de nos exp´eriences, ce taux de d´etachement R(t) varie avec le temps. Nous l’´evaluons

donc de mani`ere ”instantan´ee” par :

R(t) = − 1 N (t)

dN (t)

dt . (5.1)

La figure5.8repr´esente l’´evolution de la fraction de cellules adh´er´ees et du taux de d´ecollement normalis´e, sous une excitation modul´ee, en fonction du temps pour des cellules HEK 293 pr´epar´ees suivant les deux protocoles : `a gauche pour une adh´esion pendant la croissance, et `a droite pour une incubation dans une solution de cellules resuspendues. Les diff´erentes couleurs de fond mettent en ´evidence les trois r´egimes fluidiques d´ecrits pr´ec´edemment (”masse” liquide, interm´ediaire et film liquide). Les transitions entre les diff´erents r´egimes sont d´etermin´ees par l’analyse de l’enregistrement sur lequel le front liquide est clairement visible. L’erreur de mesure sur les temps de transitions est estim´ee `a ± 5 s.

0 50 100 150 0 0.005 0.01 0.015 0.02 0.025 0.03 Temps (s) R(t) (1/s) Masse

liquide Intermédiaire liquideFilm

0 50 100 150 0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100 N(t) / N 0 (%) R(t) N(t)/N0 0 50 100 150 0 0.005 0.01 0.015 0.02 0.025 0.03 Temps (s) R(t) (1/s) Masse

liquide Intermédiaire Film liquide

0 50 100 150 0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100 N(t) / N 0 (%) R(t) N(t) / N0

Figure 5.8: Evolution de la fraction de cellule adh´er´ee (N/N0) et du taux de d´etachement normalis´e (R) en fonction du temps pour des cellules HEK 293 adh´er´ees pendant la croissance

(gauche) et apr`es 60 min d’incubation dans une solution de cellules resuspendues (droite).

5.4.3 Comparaison des diff´erents r´egimes

Lorsque les cellules sont soumises au r´egime de masse liquide, le taux de d´etachement est inf´erieur `

a 0,005 s−1 indiquant que le cisaillement impos´e est faible. Ici, seules les cellules partiellement adh´er´ees sont d´ecoll´ees. L’´etalement de la goutte expose alors la couche cellulaire observ´ee au r´egime interm´ediaire. Le taux de d´etachement augmente drastiquement pour atteindre un maximum sup´erieur `a 0,025 s−1apr`es un certain temps d’exposition `a ce r´egime. Au cours d’une excitation acoustique (50 ms), la vitesse du front liquide ´evolue en fonction du temps. Elle est maximale au d´ebut puis d´ecroˆıt rapidement. Donc, lorsque le r´egime interm´ediaire commence, la zone observ´ee est soumise aux cisaillements impos´es par les vitesses les plus faibles. Puis, au fur et `a mesure que la goutte s’´etale, cette mˆeme zone est soumise `a des vitesses de plus en plus importantes et le taux de d´etachement augmente jusqu’`a atteindre un maximum, comme

le montre la figure 5.8. Lorsque la goutte atteint des ´etalements extrˆemes, la zone observ´ee se trouve dans le film liquide. Le taux de d´etachement d´ecroˆıt alors jusqu’`a s’annuler pour des temps longs. Cependant, sur la figure5.8de gauche un taux de d´etachement (R ∼ 0, 13) constant est observ´e au d´ebut du r´egime en film mince, sugg´erant que les ´ecoulements g´en´er´es au sein du film liquide peuvent ˆetre efficaces. Pour des exp´eriences de tri cellulaire, un d´ecollement dans le r´egime en film mince est ´egalement observ´e.

En conclusion, le d´ecollement est maximal lorsque la couche cellulaire est balay´ee par le front liquide. Ce m´ecanisme impose des vitesses importantes proches de la paroi. Ainsi, la dynamique de goutte excit´ee par une modulation permet d’atteindre des cisaillements cons´equents grˆace aux d´eformations de la surface libre. Ce syst`eme en goutte cumule ainsi les effets de la pression de radiation et d’acoustic streaming contrairement aux ´ecoulements en microcanaux o`u seulement le vent acoustique est exploit´e.

5.4.4 Estimation du cisaillement impos´e par le front liquide

Le cisaillement impos´e par l’oscillation du front liquide est alors estim´e `a partir de la s´equence d’images. En supposant une condition de non-glissement `a la paroi et un profil lin´eaire de la vitesse, le cisaillement τ s’´ecrit :

τ = µ∂v ∂y ∼ µ

Vf ront liquide

h , (5.2)

o`u y est la coordonn´ee spatiale normale `a la surface, v la vitesse du liquide parall`ele `a la paroi `a l’altitude y, et µ la viscosit´e dynamique du liquide (10−3m2.s−1 pour le PBS) [264]. Dans cette formule, Vf ront liquide et h repr´esentent respectivement la vitesse de la surface et l’´epaisseur du film liquide estim´ees depuis la s´equence d’image (h ∼ 100 µm). Pendant l’excitation, la vitesse du front liquide est d’environ 100 mm/s correspondant alors `a un cisaillement de 1 Pa. Lors de la phase de relaxation, la vitesse du front liquide est bien inf´erieure (∼ 10 mm/s) et le cisaillement est estim´e `a 0,1 Pa. A titre de comparaison, les valeurs de cisaillement utilis´ees dans la litt´erature pour d´etacher des cellules d’une surface trait´ee, ou non, sont comprises entre 0,01 et 10 Pa [55,239,242,265].

En plus des forces visqueuses, un ´ecoulement oscillant impose ´egalement des forces instation- naires. La contribution relative de ces forces est quantifi´ee par le nombre de Womersley [266] :

W o = s ρ∂v∂t µ∆v = s ρωV L2 µ ∼ s 2πh2 V f ront liquide ν Tmodulation ∼ 0, 2. (5.3)

Les forces instationnaires ne jouent donc pas dans notre syst`eme un rˆole dominant dans le d´ecollement mais y contribuent notablement. L’utilisation de deux peignes interdigit´es de part et d’autre du liquide permettrait d’optimiser ces forces en s’affranchissant de la limite de fr´equence de modulation induite par la relaxation capillaire. D’autre part, les propri´et´es d’adh´esion d’une cellule diff`erent entre un ´ecoulement statique et puls´e [267]. Nous pouvons donc sp´eculer que le m´ecanisme de d´ecollement est ´egalement modifi´e par l’application d’une contrainte oscillante compar´ee `a un cisaillement statique.

5.4.5 Caract´erisation de la m´ethode

L’inverse du maximum de taux de d´etachement normalis´e (1/max (R)) peut ˆetre consid´er´e comme le temps caract´eristique du syst`eme lorsque l’efficacit´e est optimale, i.e. le temps n´ecessaire `

a ce que le nombre de cellules adh´er´ees soit ´egal `a N0/e lorsque le taux de d´etachement est maxi- mum. Ce temps est d’environ 35 s dans les deux cas et le syst`eme a une constante de temps de l’ordre de la minute.

La dur´ee d’exposition de la couche cellulaire au r´egime interm´ediaire est ´egalement un param`etre int´eressant `a consid´erer. Pour l’exp´erience d’adh´esion en croissance, le temps de ce r´egime est plus long (∼ 63 s) et l’efficacit´e finale est plus importante (N < 10 %) que ceux obtenus pour l’exp´erience d’adh´esion apr`es incubation, 46 s et N ∼ 25 %, respectivement. Cette diff´erence est due `a un ´etalement de la goutte plus rapide dans la seconde exp´erience. Une d´elimitation de la zone de travail par un traitement hydrophobe permettrait un meilleur contrˆole de la forme de goutte et de son avancement. Le r´egime, ainsi que sa dur´ee, pourraient alors ˆetre s´electionn´es. L’efficacit´e du syst`eme serait ainsi am´elior´ee.

Les graphiques de la figure5.8pr´esentent des maximums de taux de d´etachement comparables, indiquant que les deux m´ethodes d’adh´esion conduisent `a une force d’adh´esion similaire (sous l’hypoth`ese que le taux de d´etachement est une indication de l’adh´esion). Cela valide ainsi le protocole d’adh´esion de cellules resuspendues.