• Aucun résultat trouvé

INFORMATEURS PRIVILEGIES ?

I. DU SENTIMENT D’ETRE AILLEURS

Il n’existe pas de lieu touristique a priori, pas plus qu’il n’existe de territoire exotique en soi, car c’est moins l’espace qui détermine l’usage, que l’inverse. A propos du désert par exemple, Jean -Didier Urbain postule ainsi que « c’est le vécu, donc l’usage : l’attitude, le regard, et le comportement qui en découle, qui font l’espace, désertique en l’occurrence, qu’il soit île, erg, cap, mer, cité endormie, ruelle obscure ou

Chapitre II. Penser la découverte des cités en termes ethnologiques : touristes et artistes en ethnologues, habitants en informateurs privilégiés ?

banlieue incertaine ; bout, pourtour, alentour ou centre du monde ; ou, plus généralement, univers étranger, étrange ou familier » [Urbain, 2003 : 17]. Autrement dit, il insiste décidément sur l’idée que « c’est le voyageur qui fait l’espace du voyage, non l’inverse » [Ibid. : 221]. Partant, la mise à distance d’un lieu à première vue ordinaire, demande aux curieux, ethnologue ou touriste de proximité, une capacité à s’étonner et questionner contre toute évidence, le banal et le quotidien, registres associés à bien peu d’intérêt jusqu’alors. Car il est c lair que de manière générale, « ici » (perçu comme un lot quotidien à endurer, « métro, boulot, dodo », dit-on) s’oppose à un autre déictique, l’ailleurs, compensatoire et source d’une vie autre, même temporaire. Le temps d’une immersion, certaines prestations touristiques n’offrent-elles pas une authentique plongée dans la vie autochtone ? A n’en pas douter, ce genre d’offres répond à la critique de la bulle touristique imperméable au contexte de la destination5.

La bulle touristique concernant encore bon nombre de touristes, on peut logiquement s’interroger quant à savoir qui, du citadin à l’affût des bizarreries de sa propre ville ou du touriste du bout du monde centré sur son complexe hôtelier de type continental, est le mieux à même de satisfaire à un décentrement du regard. Le premier, bien sûr, est dans des dispositions favorables à un exotisme entendu en dehors de toute définition métrique. L’étrangeté d’un lieu n’est donc pas affaire de distance. Elle n’est pas même liée à un gouffre socio -culturel. L’excursionniste du dimanche et l’ethnologue du métro [Augé, 1986] attestent d’une construction de l’altérité dépendante des sentiments, du regard, en définitive du positionnement de soi par rapport au monde. Une certaine littérature ne s’y est pas trompé e, en proposant à rebours du récit de voyage, genre particulièrement en vogue au XIXème siècle, des descriptions étonnées et étonnantes de la vie quotidienne. Ainsi au cours du même siècle, Alexandre Privat d’Anglemont pouvait -il s’enthousiasmer de l’étrangeté de la capitale : « Dans nos excursions à travers le douzième arrondissement, nous avons vu des choses si surprenantes qu e nous n’avons pu résister au désir de les livrer à la curiosité des lecteurs. Ils verront que bien des gens entreprennent de longs voyages, des courses périlleuses, pour trouver des choses extraordinaires, lorsque, à leur porte, à une course d’omnibus de leur foyer, le nouveau, le bizarre, l’extraordinaire, se rencontrent à chaque pas » [Privat d’Anglemont, 1854 : 14].

Ceci étant dit, cette première partie s’appuie en particulier sur le stimulant concept d’« exotique de proximité » proposé par le géographe Laurent Matthey, qui tente à travers lui d’expliquer une autre des raisons du retour

5La bulle touristique fait ici référence aux enclaves touristiques construites ex-nihilo, qui concentrent des hébergements et des services dans des sites où la présence de la population locale se manifeste uniquement dans quelques catégories d’emplois associés (restauration, ménage, …), et dont le lieu de vie se situe à l’écart [MIT, 2002].

en ville6. Il postule que « le proche est exotisé après avoir été constitué comme emblématique ou typique et que l’enjeu pour celui qui renouvelle son regard habituel est d’ouvrir des interstices dans une trame urbaine susceptible d’être aliénante , car ce qui est peut-être recherché, c’est l’occasion d’une confrontation quotidienne – mais fugace – à des fragments d’exotisme, à savoir des éléments revêtant un caractère extraordinaire d’étrangeté qui permet de se penser – de manière passagère – comme un autre » [Matthey, 2007]. Partant, trois observations vont être développées.

D’abord, une première sous-partie constate que ce tourisme des quartiers populaires se fonde sur la conviction partagée chez les offreurs comme les demandeurs que l’environnement proche est néanmoins source d’étonnements. Ensuite, la deuxième sous-partie montre que ce tourisme fonctionne par analogies, dans le but de faire de l’espace proche un ailleurs désirable en même temps qu’il en opère la reconnaissance par des références centrales de l’imaginaire touristique. Ce jeu de mises à distances/rapprochement s en vient alors à alimenter une géographie imaginaire paradoxale, revisitant, mariant et opposant, les référents du proche et du lointain. Enfin, la dernière sous-partie suggère que touristes et artistes (des visiteurs dans les deux cas) investis dans ces quartiers caractérisés par une forte diversité culturelle sont en quête d’un Autre, dès lors doté des qualités de la proximité géographique et du lointain culturel.

1. Le quotidien banlieusard transmuté

« C’est là l’ambition de l’ethnologie de proximité » écrit Jean-Didier Urbain : « rapatrier cette féconde extériorité, cette autre ‘distance’ chez nous. Ce moment [il parle du sentiment d’exotisme] peut -être ici comme là-bas. Il dépend d’abord du regard. Car l’ailleurs peut être dedans, ravivant un exotisme perdu de vue à l’intérieur de l’ici, tout comme il peut être absent là-bas, en ces ‘non-lieux’ internationaux si standards qu’ils annihilent tout exotisme, ou qu’ils soient », poursuit -il en faisant référence au travail de Marc Augé [Urbain, 2003 : 19, 2 0]. Il faut dire que Marc Augé écrit, dans une même veine favorable à une ethnologie du monde contemporain : « Ce n’est pas l’anthropologie qui, lasse des terrains exotiques, se tourne vers des horizons plus familiers (…) , mais le monde contemporain lui-même qui, du fait de ses transformations accélérées, appelle le regard anthropologique, c’est -à-dire une réflexion renouvelée et méthodique sur la catégorie de l’altérité » [Augé, 1992 : 35].

6 « Le ‘retour à la ville’ recouvre un ensemble de transformations internes des villes centrales, qu'il s'agisse de l'afflux de nouveaux types de résidents dans les quartiers anciens, de l'évolution des modes de vie dont ces quartiers sont le cadre, ou encore de pratiques de restauration - revitalisation - réhabilitation de ces quartiers, et des nouvelles orientations de l'architecture urbaine » [Germain, 1984].

Chapitre II. Penser la découverte des cités en termes ethnologiques : touristes et artistes en ethnologues, habitants en informateurs privilégiés ?

Un tourisme de grande proximité

C’est en se rangeant derrière une telle conception de l’exotisme que cette participante à une balade urbaine dans les quartiers nord de sa ville peut affirmer : « Il y a des choses à découvrir tout près, c’est pas la peine d’aller au bout du monde » (Marseillaise, sexagénaire7). De même cette autre Marseillaise, qui développe davantage ses motivations fondées sur un besoin de découverte qu’elle satisfait à quelques stations de métro de chez elle, dans le cadre d’une offre estampillée Hôtel du Nord. Ainsi ce qu’elle dit lorsque le

groupe de dix visiteurs - tous marseillais - traverse une copropriété (particulièrement dégradée) : « Je me suis rendu compte que j’avais une micro-vision de Marseille. Je vais sur la Cannebière, le Vieux -Port, la Corniche. Je vais à L’Estaque, un peu au Panier… mais les quartiers nord , jamais ! Et à un moment j’ai eu le sentiment de ne plus rien pouvoir explorer. Et Hôtel du Nord quand j’ai vu ça je me suis dit tiens, des balades dans des endroits inconnus… » (habitante de la partie sud de la ville, enseignante retraitée de français dans un collège des Bouches-du-Rhône, la soixantaine, parcours commenté 2 a8).

Un couple de sociétaire s Hôtel du Nord, Anaïs et Loïc, qui propose balades et chambres d’hôtes, résume : « Ce qui nous a frappés, c’est que dans les balades il y a beaucoup de Marseillais. Qui ne connaissent pas leur ville en fait. Et qui sont tout étonnés de découvrir de ce qu’ils découvrent. Ils sont à la fois stupéfaits et très curieux » (retraités, la soixantaine, parcours commenté 1).Les quartiers nord sont de fait mal connus du reste des habitants de la métropole marseillaise, comme l’au -delà du périphérique est une zone d’o mbre pour une large partie des Parisiens. C’est ce qu’expose le co -fondateur d’un média en ligne (« Enlarge your Paris ») destiné à promouvoir la vie cul turelle et les loisirs offerts à quelques kilomètres de Paris intra-muros : « Cette diversité-là, cette richesse, cette offre de loisirs, de culture, elle est souvent inconnu e

7Verbatim extrait du clip promotionnel « Balades Urbaines Capitales, six parcours thématiques à Marseille et Miramas », URL : <https://www.youtube.com/watch?v=8qPf-IBL2iA>, consulté le 08 février 2016.

8Il est notable que cette Marseillaise explique ne jamais se rendre dans les quartiers nord de sa ville avant de découvrir Hôtel du Nord, tout en citant L’Estaque comme un quartier qui lui est familier. Car L’Estaque est de fait situé dans les quartiers nord. Toutefois emblématisé par de célèbres peintres hier, vitrine touristique de Marseille à la forme urbaine et à la composition sociale singulière dans le paysage des quartiers nord, L’Estaque semble parvenir à faire oublier son inscription territoriale.

« J’AVAIS UNE MICRO-VISION DE MARSEILLE.

LE SENTIMENT DE NE PLUS RIEN POUVOIR EXPLORER. AVEC HOTEL

DU NORD JE ME SUIS DIT : TIENS, DES BALADES DANS DES

ENDROITS INCONNUS… », Une Marseillaise en balade

de ceux qui vivent à proximité » (Réjean, journaliste, la trentaine, entretien 30).

L’offre touristique est structurée par c ette idée selon laquelle « là », autant que là-bas, existent diversité et richesse. Ce tourisme métropolitain dès lors, en invitant à repenser l’espace urbain de proximité, en produit par l’expérience décalée, sa reconnaissance en tant que lieu richement doté, au-delà des apparences. A la cité La Rose, le directeur du centre social, devenu également prestataire d’un tourisme de proximité dans le cadre de MP2013, acte le constat de l’inopérante distinction entre les provenances : « Il y aussi des habitants de la cité qui ont fait la balade, qui ont redécouvert leur propre quartier. Et beaucoup de gens de l’extérieur du quartier. Des Marseillais qui venaient découvrir les quartiers nord, ce qui est assez incroyable quand même. Des gens qui ne seraient pas venus sinon. Donc on a eu des gens du centre -ville, qui habitaient le Vieux -Port, etc. » (entretien 9).

Si le tourisme des lisières métropolitaines est donc essentiellement de proximité (ainsi des Marseillais visitent les quartiers nord), il devient une forme de « tourisme intime »9 lorsque, très souvent, les habitants eux -mêmes à l’origine de l’offre de découverte revisitent leur lieu de vie (des Marseillais des quartiers nord visitent alors les quartiers nord). Le cas limite peut être incarné par cette habitante de la cité de La Visitation depuis 1988. Sociétaire Hôtel du Nord, Christelle es t tout à la fois guide de son quartier10, et touriste par ailleurs, le long d’itinéraires superposés (ou non loin) de ceux qu’elle emprunte quotidiennement : « Grâce à Hôtel du Nord j’ai découvert la cascade des Aygaldes11 ! Alors que c’est à côté de chez moi, je ne connaissais même pas. C’est un endroit magnifique ! Qui pourrait être touristique, ouvert aux touristes. Mais c’est fermé au public ». Christelle poursuit en évoquant l’acquisition d’un « œil différent » et en reconnaissant que la « routine » pousse à ne « regarder plus rien » (sans-emploi, entretien 6). Ce contre quoi la balade, manifestement, permet de lutter.

Le tourisme est affaire « d’état », pas de kilomètres

Le tourisme est donc affaire de regard, peu ou prou de kilomètres. Citant Pascal Dibie, Jean-Didier Urbain rappelle que « la banalité d’un petit

9L’expression de « tourisme intime » (« Intimate tourism ») est empruntée à Paula Bialski [2007] qui caractérise ainsi la pratique du « Couch Surfing » (littéralement, « surfer sur le canapé »), soit un réseau de voyageurs mis en relation par Internet qui proposent un couchage, chacun étant susceptible d’être accueilli et accueillant. Nous pensons que le tourisme exploré participe de l’enrichissement de cette qualification car, dans ce tourisme aussi, s’érodent les lignes de partage historique entre l’offre et la demande ainsi qu’entre le quotidien et le hors-quotidien.

10Christelle est à ce jour, pour rappel, l’une des deux seules habitantes de cités d’habitat social à proposer une balade dans le cadre d’Hôtel du Nord et de son offre dédiée : « Terroir des cités. » 11Le ruisseau des Aygalades, largement canalisé, offre en effet, une étonnante cascade dans le 15ème arr. Il donne également son nom au quartier des Aygalades.

Chapitre II. Penser la découverte des cités en termes ethnologiques : touristes et artistes en ethnologues, habitants en informateurs privilégiés ?

village de Bourgogne n’est pas plus banale que celle d’un village d’Arizona, elle est ni plus ni moins exotique. Le sens est en nous, et pas… ailleurs », ajoute-t-il [Dibie, cité par Urbain, 2003 : 181]. Une autre habitante « depuis toujours » des quartiers nord de Marseille, Julie, sociétaire Hôtel du Nord, affirme sans détour : « J’ai découvert mon quartier que j e trouve assez extraordinaire » (habitante des Aygalades -village, la trentaine, entretien 21). L’ordinaire est dès lors doté de valeurs le requalifiant en son contraire : « Le GR2013 est une espèce d’odyssée de la vie ordinaire » promet quant à lui Bastien (la trentaine), éditeur à l’initiative du GR2013 . Il défend un « tourisme métropolitain à l’usage des métropolitains » et croit beaucoup au développement d’un tourisme local. Cette croyance se fonde sur des convictions environnementales pour une part : ce « passionné d’écologie urbaine » pense que « ça va être de plus en plus compliqué de faire 6000 km pour 15 jours de vacances. « C’est absurde », pense-t-il, « quand on ne connaît même pas sa propre région ». C’est pour cela qu’il offre des « vacances qui coûtent zéro euro » et au cours desquelles l’on peut « vivre des aventures merveilleuses ! » (entretien 13). L’édito du guide associé au GR, qui s’adresse donc à ces randonneurs d’un genre nouveau, précise d’emblée de quelle aventure il s’agit : « L’aventure que nous vous proposons est d’abord de découvrir d’un œil nouveau, par des chemins de traverse, des territoires apparemment bien connus. Aller une fois de Marseille à Aix à pied, c’est modifier pour toujour s sa représentation des lieux »12.

Il est clair que le regard s’use, figeant l’idée de l’endroit. « Les réalités mille fois vues d’espaces banalisés sont des « réalités ‘trop connues’ (…) si immédiatement données que leur invisibilité procède non de la dissimulation, mais de l’aveuglement ; non du refoulement, mais de l’indifférence ou de l’inattention. L’invisible naît ici de l’usure du regard : de cette perte de vigilance que produisent familiarité et répétition ; de cette paresse, de cette langueur, de cette panne de perception critique que suscite la routine et que l’on nomme ennui ou monotonie » [Urbain, 2003 : 102]. Il apparaît alors que le tourisme de proximité, offrant le cadre d’un changement d’optique, est le moteur de la (re)découverte. Amélie, avec l’association « A Travers Paris »13, fait ainsi découvrir en banlieue parisienne le quartier du Pont -de-Sèvres (92) dont elle est originaire. En « ôtant les œillères » de celle qui a grandi dans le quartier, incapable de ne plus rien voir, elle dit s’être aperçu e que « finalement » elle ne « connaissait pas très bien le quarti er » (la vingtaine, entretien 32 ). En somme, l’habitant-guide est aussi touriste, les postures étant successivement voire simultanément endossées.

12 Guide GR® Marseille-Provence, 2013, Sentier métropolitain autour de la mer de Berre et du massif de l’Etoile, Marseille, Fédération française de randonnée/Wildprojetc, 200p.

13« A Travers Paris » est une association pilotée par des étudiants, qui propose de découvrir Paris et sa banlieue.

Grande est donc la part de ces (re)visiteurs du proche à réaliser l’invitation décalée de Georges Perec, qui suggère de reconsidérer autrement les sentiers battus de la quotidienneté : « Mais qu’a-t-on toujours rêvé de voir ? Les grandes pyramides ? Le portrait de Melanchthon par Cranach ? La tombe

de Marx ? Celle de Freud ? Boukhara et Samarkand ? Le chapeau que porte Katherine Hepburn dans Sylvia Scarlett ? (…) Ou bien plutôt découvrir ce que l’on n’a jamais vu, ce qu’on n’attendait pas, ce qu’on n’imaginait pas. Mais comment donner des exemples : ce n’est pas ce qui a été, au fil des temps, recensé dans l’éventail des surprises ou des merveilles de ce monde ; ce n’est même pas forcément l’étranger : ce serait plutôt, au contraire, le familier retrouvé, l’espace fraternel… » [Perec, 1974 : 154-155]. C’est ainsi le dispositif touristique (la balade) et l’œil qu’il convoque (un regard renouvelé) qui assied la destination dont on n’est jamais parti, de fait lorsqu’on l’habite. Voilà pourquoi Julia, artiste qui propose dans le cadre d’Hôtel du Nord des balades, « ne fait pas de différences entre les gens du quartier et les touristes ». Car à ses yeux, « nous sommes tous voyageurs », puisque d’une part « la balade réussit si à un moment donné toi aussi comme offreur tu bascule s », et d’autre part parce que « ceux du quartier ont l’impression d’avoir fait un voyage dans leur propre quartier. Y compris quand ils pen saient bien le connaître. » Ce qu’elle vise, c’est « mettre tous les particiants dans un état de réceptivité. Etre touriste chez soi, c’est être dans cet état de réceptivité, d’étrangeté » (la trentaine, diplômé d’un magistère de sciences sociales appliquées aux relations interculturelles et d’une maîtrise de sociologie, entretien 20).

Une offre intitulée « Paysages de ville pour explorateurs de l’urbain », en cours d’élaboration à Hôtel du Nord, est pour l’heure effectivement décrite en ces termes : « C’est quoi pour vous être un touriste ? Etre un consommateur de paysages, un sujet industriel, une valeur monétaire pour un territoire ? Et si c’était plutôt retrouver sa capacité à explorer, à s’étonner, à percevoir ? Si c’était un état plutôt qu’un statut ? Si c’était une remise en jeu, une remise en joie, qui peut se faire loin là -bas, mais aussi tout près ici ?14 ».

14La présentation de cette offre naissante eu lieu dans le cadre d’une journée (23 juin 2014, Marseille, Maison des Associations de l’Estaque, « Les nouvelles formes du tourisme responsable : quelles synergies pour leur promotion ? Acteurs, filières et pratiques du tourisme responsable en contexte urbain ») à l’initiative d’Hôtel du Nord. Elle visait à faire se rencontrer un certain nombre d’acteurs œuvrant dans le champ du renouvellement touristique (formes « responsables »). Ce jour-là d’ailleurs, le représentant de l’association de tourisme « Bastina » (basé à Paris) dont le slogan est « Si loin, si proche », précisa que l’association « propose un tourisme équitable et solidaire en Afrique ou en Asie mais aussi en bas de chez soi, dans les

« ÊTRE TOURISTE CHEZ SOI, C’EST ETRE DANS UN

ÉTAT DE RECEPTIVITE, D’ETRANGETE », Julia, sociétaire Hôtel du Nord

Chapitre II. Penser la découverte des cités en termes ethnologiques : touristes et artistes en ethnologues, habitants en informateurs privilégiés ?

Du côté du département du Val-de-Marne (94) également, « on milite pour dire que le tourisme est un état d’esprit ». Aussi, « on peut avoir cet état d’esprit au coin de la rue » (directrice du Comité Départemental du Tourisme du 94 - CDT 94 -, urbaniste de formation, entretien 31). Dans le 93, le réseau des « Greeters »15, d’abord confiné à Paris intra-muros puis étendu à la banlieue sous l’impulsion du CDT de la Seine-Saint-Denis, a même été pour sa part contraint d’annoncer sur son site Internet, de sorte à limiter l’engouement des locaux : « Chers Franciliens ou Parisiens, nous ne vous apprendrons certaine ment pas grand-chose, c’est pourquoi, nous donnons la préférence aux visiteurs étrangers et provinciaux16». Cette mesure traduit en tout état de cause une incorporation habitante d’un schème de perception historiquement touristique, en capacité de mettre à mal la vocation d’un réseau initialement tourné vers l’accueil de touristes

Documents relatifs