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INFORMATEURS PRIVILEGIES ?

II. ACCEDER AU TERRAIN (DE LA DESTINATION)

Le sentiment d’exotisme tient à peu de choses : l’effort de la part de la demande sociale de recycler un regard usagé par la quotidienneté est encouragé par le recours partagé avec l’offre, de quelques analogies servant la (re)description du territoire urbain advenu une territorialité syncrétique [Raffestin, 1980]. Les mots ont donc pouvoir de transmutation symbolique de la ville, cet « archipel composé de petites îles qui ont chacune leurs traditions, leurs rites, leur dialecte » [Urbain, 2003 : 125]. Les artistes à l’initiative du GR2013 ne s’y sont pas trompés, jouant la carte de l’île (aux trésors). Marseille est dépeinte en « métropole sauvage », c’est « une ville étale, en archipel, pleine d’espaces non bâtis » (guide du GR2013).La cité dans cette optique, présente sans aucun doute un rivage des plus difficiles d’accès : le lexique imagé, empruntant lui aussi au thème de l’insularité et qui illustre la crise des banlieues , n’est-il pas marqué des termes de « cités interdites », « îlots d’insécurité », « zones de non-droit » ou « territoires perdus (de la République) » ?

Cette deuxième partie discute dès lors du mode d’accès des touristes et artistes à « l’île de la cité » - nous sommes bien loin du célèbre et chic quartier parisien - qui ne saurait s’effectuer au mépris de toutes les règles. Une règle fondamentale trouve un écho dans cette patience toute ethnologique avec laquelle le scientifique organise l’exploration d’un terrain dont il sait initialement peu de choses. Car force est de constater

Chapitre II. Penser la découverte des cités en termes ethnologiques : touristes et artistes en ethnologues, habitants en informateurs privilégiés ?

que l’on ne rentre pas toujours, bie n que soi-même banlieusard ou du coin, dans un tel lieu, plus encore selon une modalité apparemment touristique, sans quelques précautions. A la limite, celles -ci ne valent pas spécifiquement parce qu’il s’agit dans les cas explorés bien souvent, de cités d’habitat social : elles s’appliquent dans tout espace non historiquement reconnu pour sa fonction touristique. Qui plus est lorsque cet espace est foncièrement dédié à l’habitat. Et i l n’est pas seulement question de sécurité35 dans l’application de ces quelques règles : c’est davantage une déontologie qu’appliquent (à l’exception près de quelques aventureux au mépris de toutes les règles) ceux qui sont curieux de ces quartiers. Car le projet se veut éthique en même temps qu’il s’agit de contourner la difficulté de l’acceptation d’une présence inhabituelle par des habitants potentiellement agacés , car trop habitués à être considérés pour étranges et/ou étrangers ( du point de vue de l’appartenance ethnique et des normes sociales).

Cette deuxième partie expose donc ce qui a tout l’air d’un recyclage de quelques principes de la discipline ethnologique : si l’expérience (touristique, artistique) en tient compte, alors le terrain de la cité s’entrouvre et ses habitants l’accueille nt avec indifférence, voire sympathie. Trois manières de faire (qui ne s’excluent bien sûr pas , mais fonctionnent plutôt ensemble) destinées à faciliter l’accès au terrain de la cité sont identifiées. D’abord, il s’agit pour le touriste de faire passer ce qui peut être vécu comme une intrusion , pour un avantage (économique au premier chef). Ensuite, touristes et artistes ont intérêt à se faire accompagner d’une figure du quartier, alors garant de la légitimité de la démarche. Enfin, mobiliser patiemment le tissu d’initiatives locales de manière à s’immerger dans un réseau d’interconnaissances, y négocier sa place, compose le dernier axe d’une stratégie gagnante .

1. Intrusion ou source d’avantages ?

Créer les conditions de la balade en cité d’habitat social, c’est dissimuler au mieux l’intrusion et l’imposture d’une situation touristique qui ne va bien évidemment pas de soi. A la manière donc de l’ethnologue immergé sur son terrain dont l’exploration n’est pas autre chose que « la création artificielle d’une situation sociale a priori temporaire, même si elle doit être de longue durée, où l’on fréquente des gens avec lesquels on n’a aucune relation préétablie et qui n’ont pas demandé qu’on vienne s’intéresser à eux et encore moins qu’on s’installe à demeure » prévient Jean Copans [Copans, 1999 : 13].

35La dernière partie de ce premier chapitre évoque le problème de l’insécurité . Il peut se poser dans le cadre de projets touristiques et artistiques développés en cité d’habitat social.

Mobiliser les (rares) commerces

Si « l’ethnologue de terrain doit se créer un rôle ‘local’ ou ‘externe’ qui fasse passer l’inconvénient d’une intrusion pour un avantage et un contact imposé pour la sociabilité d’une relation ordinaire » [ Ibid. : 13], touristes et habitants-guides des quartiers d’habitat social ont aussi besoin de faire -valoir les avantages de l’entreprise touristique pour les locaux. Par exemple en ce qui concerne la balade d’Habib, à La Maladrerie, celle -ci débute toujours dans le café PMU36 situé à l’entrée du quartier : « Le patron ouvre la salle pour moi. Evidemment si y’a moyen de faire consommer dix cafés, faut le faire aussi » explique l’enfant du quartier devenu guide (slameur, entretien 26).

A Marseille, Christelle, l’habitante -guide de la cité de La Visitation procède également de la sorte lorsqu’elle intègre à son itinéraire un passage chez l’épicier arabe, dernier commerce en cœur de cité - la désertification commerciale touche cruellement ces quartiers37 - au sein duquel boissons fraîches et cafés sont consommés au fil de la c onversation avec le commerçant. Et dans un jeu d’emboîtement des postures, la guide elle-même, habitante par ailleurs, trouve avec la balade matière à avantage. C’est selon elle « un moyen de changer les choses », elle souhaite « dire les fermetures des locaux associatifs par le bailleur » qu’elle ne s’explique toujours pas. Elle escompte que peu à peu, l’initiative touristique fasse parler d’elle et finisse par « changer le regard du bailleur et des politiques » pour qu’ils y manifestent enfin « plus d’intérêt » (sans-emploi, la cinquantaine, entretien 6).

Reste qu’« il faut du temps pour que les gens comprennent l’intérêt qu’ils ont à raconter leur histoire et leur quartier » explique la directrice du centre de ressources sur l’immigration « Ancrages38 », basé dans les quartiers nord de Marseille et dont une partie des activités concerne une offre de balades (Leïla, la quarantaine, sociologue, entretien 22).

36On appelle un café PMU un établissement (populaire) dans lequel on peut parier sur les courses hippiques (les initiales de PMU réfèrent originellement à Pari mutuel urbain).

37 Sur la question des commerces dans les quartiers de grands ensembles populaires, voir la thèse en cours de Nabil Bellaft.

38« Ancrages » milite pour l’inscription de l’histoire des migrations dans le patrimoine national . Voir le site de l’association, URL : <http://ancrages.org/>, consulté le 20 juillet 2016.

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Cliché 31. Au café PMU « L’Expo », point de départ rituel de la balade d’Habib, avril 2014.

« L’Expo », dont le patron réserve l’arrière -salle à Habib et ses visiteurs, est

aussi bien souvent le point d’arrivé e de la balade. Les échanges peuvent se poursuivre en effet au café avant que le groupe ne se disperse.

2. La question cruciale de l’accompagnement

L’intégration d’habitants au projet de découver te, mieux, l’accompagnement par une figure du quartier participe d’un autre objectif de discrétion, sans laquelle l’acceptation de la démarche ne semble pas possible. C’est encore la balade d’Habib à La Maladrerie qui témoigne de façon éloquente de son rôl e crucial, pour la réussite du projet de découverte touristique (encadré 4).

Encadré 4. Carnet de terrain 3 : « Tant que c’est avec Habib ».

Balades avec Habib, habitant -guide de la cité de La Maladrerie, avril 2014, parcours commenté 12 a.

A la fin d’une balade, pendant que le groupe passe commande auprès du cafetier de « L’Expo » par l’entremise d’Habib, un homme accoudé au bar qui connaît le guide depuis l’enfance le tance, un brin moqueur : « Ça y est, t’a fait visiter la cité ? Ils sont contents ? » Nous lui demandons son sentiment sur l’idée d’une balade dans la cité. Il confie : « Je trouve ça bien que des gens viennent. Après

c’est avec Habib, donc ça va. Ce serait avec quelqu’un d’autre ça se passerait pas pareil à mon avis. Quelqu’un d’extérieur à la cité je veux dire. Déjà… peut -être que des petits jeunes ils vous auraient balancé des pierres, pour faire chier. Et puis le soir, il y a du deal. Mais là ça va, journée, Habib… c’est bon » (habitant de La Maladrerie, la quarantaine, d’origine maghrébine, parcours commenté 11 c).

S’appuyer sur des « leaders »

Parce qu’ « on n’est pas toujours bien accueillis dans une balade, que les gens se demandent parfois ce qu’on fait là », « une bonne préparation est indispensable » (la directrice d’ « Ancrages », entretien 22), un aspect important et récurrent de cette préparation est d’impliquer les habitants dans le projet. Par exemple à

La Viste, toutes les balades sont envisagées pour douze personnes maximum, « avec une moitié d’habitants de la cité à chaque fois ». L’objectif (pas toujours atteint toutefois39) vise alors à « éviter le voyeurisme » (Ludivine, salariée du centre social, guide du quartier, la trentaine, entretien 19). En tout cas la mixité des groupes est perçue comme moins intrusive par les promoteurs de la balade.

Mais c’est une sociétaire Hôtel du Nord, largement impliquée au sein de l’organisation pour la mise en valeur des quartiers d’habitat social, qui détaille de la façon la plus éclairante les enjeux de l’alliance avec les habitants : « Dans les cités, tu ne peux y aller que parce qu’il y a là -bas des gens qui… travaillent avec toi ». Ces alliés s’apparentent alors à des « leaders » au sens de l’ « empowerment » [Balazard, 2015], soit des habitants capables de mobiliser et de convaincre de la justesse du proje t auprès d’autres habitants moins bien dotés e n capital social [Bourdieu, 1980]. La légitimité de la démarche dépend de ces figures « militantes40 », qui agissent en moteurs. Sans eux, « on te regarde sinon comme un intrus, on te demande ce que tu viens fou tre là » termine Danielle (artiste -plasticienne, habitante d’une maison à Verduron, la cinquantaine, entretien 2). « Traverser une cité » n’est donc « pas si simple que ça pour un étranger » et « se prendre des cailloux » n’est pas à exclure, prévient Mathieu, artiste-guide dans les quartiers nord de Marseille. Il évoque des « territoires négociés » (diplômé en design industriel, la trentaine, entretien 23).

39Et lorsque des habitants se prêtent à l’initiative, ce sont en fait bien souvent les mêmes qui répètent l’expérience. Ils sont ceux que l’on connaît par ailleurs comme actifs au centre social. 40La sociétaire Hôtel du Nord évoque des individus au cœur de la vie de la cité, un type d’habitants « qui ont l’habitude de parler aux pouvoirs publics, aux bailleurs… ».

« DANS LES CITES, TU NE PEUX Y ALLER QUE PARCE

QU’IL Y A LA-BAS DES GENS QUI… TRAVAILLENT

AVEC TOI »,

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A l’évidence, cette idée de négociation sous-tend le patient développement d’un pacte de bonne entente au cœur du projet de découverte. Aussi en entrevue, le directeur du CDT 93 informera la responsable du pôle développement, également interviewé e (entretien 36), que « pour la balade au Blanc-Mesnil c’est un peu compliqué en ce moment d’après une habitante. Il faut attendre… ». Patience, négociation et identification des personnes susceptibles d’entrouvrir sans bruit les portes du quartier sont bien au fondement de l’expérience touristique décrite. Il s’agit toujours de réfléchir les modalités d’une présence, comme en réponse à l’invitation d’Yves Winkin faite à l’ethnologue : « Essayez de vous ‘planquer’ pour mieux voir. Cela ne marche pas. On finira toujours par vous voir, vous finirez par vous faire jeter. N’empruntez pas non plus de déguisement, de rôle, en vous disant : ce serait mieux si je faisais comme... Non. Négociez votre statut avec les autres, forcez-vous à entrer dedans, à jouer le jeu, à ne pas piéger les membres ‘naturels’ du lieu » [Winkin, cité par Urbain, 2003 : 36].

De l’insertion des artistes en cité

La catégorie touristique des acteurs interrogés n’est pas seule à devoir identifier quelques alliés susceptibles de faciliter l’expérience de la découverte. Les artistes impliqués au cœur des cités d’habitat social (et dont les réalisations alimentent du reste des mobilités curieuses) développent de pareils réflexes.

Le centre social, ce « foyer d’initiatives porté par des habitants » dont « l’action s’enracine dans l’expérience vécu e des habitants41 »est un acteur privilégié dans cette optique42. Ainsi l’administrateur d’une troupe de théâtre dont le lieu de travail ( la « Cité des Arts de la Rue ») est situé entre deux grands ensembles d’habitat social (La Viste et Les Aygalades, occasionnellement investis) explique bien que « les portes d’entrée ça peut

41Voir la « Charte Fédérale des Centres Sociaux et Socio-culturels de France », adoptée à Angers les 17-18 juin 2000, URL : <http://paris.centres-sociaux.fr/files/2011/03/Charte_FCSF.pdf>, consulté le 10 février 2016.

42Et ce, alors même que le centre social, en tant que structure apparentée aux institutions, peut symboliser le contrôle social auprès de la population susceptible de s’en méfier pour une part. L’expérience de cet artiste à la cité des 4000 à La Courneuve montre que la violence s’en mêle parfois : « On avait travaillé avec le centre social, qui nous avait mis à disposition un bureau. Un jour en arrivant le centre social avait brulé… il y avait des rumeurs comme quoi les aides sociales allaient être supprimées ! C’était l’ambiguïté de ma position, comme j’étais lié au centre social, j’étais associé à quelque chose comme du contrôle social. Un jour il y a une femme tamoule qui est arrivée, je lui ai proposé d’entrer et elle n’osait pas vraiment. Je lui ai dit mais vous pouvez aussi partir si vous voulez. Elle a dit : ah bon je peux partir ? Et elle est partie. En fait elle était venue parce que le centre social lui avait dit de venir » (Victor, artiste-metteur en scène pour le théâtre, travaille à Aubervilliers dans un ancien bâtiment industriel partagé avec d’autres artistes, la quarantaine, entretien 37). Ceci étant dit, si les actions du centre social ne touchent qu’une part des habitants, les moins éloignés de l’institution et de ses exigences donc, cela assure aux artistes l’identification d’habitants bienveillants et « leaders ».

être les centres sociaux43, les associations du quartier… ». Autrement dit « tous les acteurs locaux qui peuvent servir de médiateurs et entrer dans le processus si ça les intéresse » (Thomas, habitant du centre-ville, diplômé d’une maîtrise en Administration, économie et gestion, la trentaine, entretien 15). Si cette approche incarne une e xpérience ponctuelle et particulièrement limitée dans le temps, d’autres initiatives artistiques développées au cœur des cités d’habitat social vont plus loin. De fait à Vitry-sur-Seine (94), un artiste porteur d’un projet en lien avec la rénovation urbaine44 explique aussi que c’est via le centre social » qu’il a « commencé à rencontrer des jeunes qui vivent la démolition ». L’organisme ira jusqu’à mettre à sa disposition un bureau dans ses locaux, assurant à l’artiste une visibilité dans le quartie r et encadrant sa présence : « Le centre social était un médiateur fondamental entre moi et les habitants » assure-t-il (Sylvain, vit et travaille à Vitry -sur-Seine, architecte-urbaniste de formation, la trentaine, entretien 35). Ainsi installé, l’artiste pouvait en effet bénéficier, à la manière de l’enquêteur sur son terrain, d’« un repérage local » et d’une « insertion sociale dans le milieu enquêt é » [Beaud, Weber, 1997 : 102].

Plus extensives encore, sont les approches du terrain envisagées par d’autres artistes qui posent le principe d’immersion au cœur de la démarche. Ainsi à la cité de La Bricarde (projet « Cité des Curiosités »), les artistes sont en résidence pendant six mois dans un appartement vacant du rez-de-chaussée.

43Notons que les centres sociaux peuvent servir tout à la fois de portes d’entrées pour les artistes désireux de s’impliquer dans le quartier et de portes de sorties autrement. Une artiste chargée des relations à la « Cité des Arts de la Rue » à Marseille explique ainsi que « des jeunes des cités environnantes comme des mamans viennent créer ici via les centres sociaux ». Mais, reconnaît-elle par ailleurs, « c’est difficile de garder le lien avec les habitants, de conserver la confiance » (Julie, a toujours vécu dans les quartiers nord, entretien 21).

44Le projet (« La cité Balzac à Paris ») a constitué en l’exposition d’une façade d’un immeuble sauvée de la démolition. « Une façade de 3 étages du bâtiment ‘GHJ’ de la Cité Balzac de Vitry-sur-Seine a été reconstituée au cœur de Paris, dans le Marais, à côté de la Seine, pour la Nuit Blanche 2013, à partir les éléments récupérés avec l'aide des habitants avant la démolition du bâtiment ». Voir le blog du projet, URL : <http://citebalzac-paris.blogspot.fr/>, consulté le 07 juillet 2016.

« LES ARTISTES ETAIENT LA EN PERMANENCE, ILS ONT

TISSE UNE RELATION DE VOISINAGE »,

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Cliché 32. Le rez-de-chaussée dédié au projet « Cité des Curiosités », août 2016.

Le local jouxte des locaux voués à des activités associatives, comme celui de la CLCV (Consommation, Logement, Cadre de Vie) qui vien t en aide aux habitants

sur ces domaines de compétences. A l’entrée principale de la cité, le local

artistique est fléché au même titre que d’autres servic es du quartier.

Par exemple la compagnie britannique à l’origine d’une œuvre produite sur place, « ne voulait rien faire sans rencontre, sans concertation, cela fait partie de leur protocole » (et déontologie pourrait-on ajouter). « Ils étaient là en permanence ». Si bien qu’« ils ont tissé une relation de voisinage » et qu’« au bout de trois mois on les interpellait, ils étaient potes avec vachement de monde ! » explique celle qui a piloté le projet (Nathalie, licenciée d’esthétique de l’art, diplômée des Beaux -arts, la quarantaine, entretien 14). Insistant sur le force de l’implantation locale, Nathalie dit que les artistes ont su faire valoir auprès du bailleur (le commanditaire) qu’« ils devaient prendre le temps de tisser des relations avec les habitants » ou plutôt, corrige -t-elle - reconnaissant alors la difficulté de la tâche - « avec des associations déjà inscrites sur le territoire ou des groupes scolaires ».

Ce temps long de l’immersion est encore explicité par cette artiste montréalaise impliquée aux HJM. Souhaitant développer une œuvre

participative (« La musique de tout le monde45 »), c’est selon la métaphore du « squat » qu’elle envisage son approche marquée du « contact avec différents organismes du quartier et une personne -ressource en particulier [un membre de la CHJM] ». Plus généralement, poursuit -elle, il s’agissait de « squatter » : la fête des voisins, l’atelier c éramique, les bancs publics (« un lieu stratégique »), l’organisme de francisation ou les terrains de sports. « Tout ceci pour faire du lien » analyse Corinne (prépare une maîtrise en arts visuels et plastique s et projette un doctorat en études et pratiques des arts, la trentaine, entretien 39). C’est cette même importance de la fabrication du lien avec les habitants qui occupe la cofondatrice de « MU », bien consciente d’apparaître, elle -même et les artistes impliquées, comme une source d’interrogations (« ils se demandent ce qu’on fait là »). Elle dit que « c’est le temps le plus important », qu’« il faut apprivoiser les gens à leur rythme, pas au sien » (Estelle, la quarantaine, entretien 40). Pour l’accompagner dans cette approche, la CHJM à mis à disposition de « MU » des locaux au rez-de-chaussée d’un appartement vacant46.

A l’évidence, pour ces artistes impliqués en cité, à Marseille, Paris, ou Montréal, il apparaît impossible de ne pas « donner du sens à cette présence en rencontrant éducateurs du cen tre social, écoles, asso » résume

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