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L'intérêt de cette étude vient du fait que souvent la loi d'habilitation donne compétence au pouvoir réglementaire, ceci par un décret d'application, pour déterminer les conditions et les modalités par lesquelles l'agrément doit être accordé aux groupements habilités par ladite loi.

De même, il est aussi acquis qu'il s'écoule toujours un temps plus ou moins long entre la loi d'habilitation et son décret d'application.

Or selon une jurisprudence bien établie 186, «les lois de procédure et

d'instruction régissent, dès leur promulgation, les poursuites pénales en cours, quel que soit l'état de la procédure, dès qu'il n'a pas été prononcé sur le fond».

Ainsi, «les dispositions d'une loi nouvelle qui déterminent les personnes ayant

qualité pour mettre en mouvement l'action publique et qui précisent le mode de poursuites revêtent le caractère de loi de forme, ou de procédure, et doivent à ce titre, trouver application dans les instances pénales en cours au moment de la promulgation de la loi 187.

Cette solution a été déjà retenue lors de l'entrée en vigueur de la loi du 1er juillet 1972 relative à la lutte contre le racisme. En effet, il était question de savoir si cette loi devrait recevoir une application immédiate même dans les instances pénales en cours. Certes, la loi du 1er juillet 1972 contenait des dispositions procédurales, mais touchait aussi aux incriminations prévues par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. Par un arrêt du 15 février 1973

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, la Chambre criminelle avait estimé que la loi nouvelle ne formait pas un tout indivisible, et par conséquent les dispositions procédurales devaient recevoir une application immédiate dans les instances pénales en cours : Il s'agissait de la constitution de partie civile d'une association contre le racisme.

186

- Crim. 9 avril 1970, Gaz. Pal. 1970, 1, somm. p.7 ; Crim. 15 février 1973, Gaz. Pal. 1973, 1 ; 247 ; Crim. 14 déc. 1977, Gaz. Pal. 1978, 2è sem., 1, 393.

187

- P.L.G., note sous Crim. 30 novembre 1977, Gaz. Pal. 1978, 395.

188

Mais le problème devient très délicat lorsque la loi d'habilitation conditionne l'application des dispositions procédurales nouvelles relatives à l'action en justice des groupements ainsi habilités, à un décret d'application et plus précisément à une procédure d'agrément préalable dont les conditions et les modalités doivent être déterminées par ledit décret. En d'autres termes, lorsque la loi d'habilitation conditionne l'action en justice du groupement habilité à l'obtention préalable d'un agrément, ce groupement en exerçant son action civile dès l'entrée en vigueur de la loi doit-il justifier de cet agrément alors qu'aucun décret d'application n'est encore pris à cette fin ? La question s'est déjà posée lors de l'entrée en vigueur de l'article 40 de la loi du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature et des articles 160-1 et 480-1 C. urban., modifiés par la loi du 31 décembre 1976. Dès l'entrée en vigueur de ces dispositions, une association de défense de l'environnement non agréée avait déposé une plainte avec constitution de partie civile dans une affaire 189 alors qu'aucun décret d'application relatif à la procédure d'agrément n'avait encore paru. La Chambre d'accusation de la Cour d'appel de Dijon avait déclaré irrecevable cette constitution de partie civile au motif entre autres que l'association de défense de l'environnement ne justifiait pas avoir obtenu l'agrément ministériel prévu par l'art. 40 de la loi 10 juillet 1976, relative à la protection de la nature.

L'association s'était alors pourvue en cassation sur le fondement de l'article 575-2 C. pr. pén.. La Chambre criminelle, dans son arrêt du 30 nov. 1977 décidait : «(...) il résulte des dispositions de l'art. 40 de la loi du 10 juillet 1976,

comme des art. 160-1 et 480-1 C. urban., modifiés par la loi du 31 déc. 1976, ainsi que du décret du 7 juillet 1977 pris pour leur application, que les associations agréées, exerçant leurs activités dans le domaine de la protection de la nature et de l'environnement ainsi que l'amélioration du cadre de vie, peuvent exercer les droits de la partie civile en ce qui concerne les faits constituant une infraction, soit aux art. 3, 4, 5, 6, 7, 18 de la loi du 10 juillet 1976, soit aux art. 160-1 alinéas 1 et 2 et 480, alinéa 1 C. urban. ; (...) les faits

189

- Crim. 30 nov. 1977, Gaz. Pal. 1978, I, 393. Il s'agit d'une affaire de faux en écriture publique et usage de faux. Infraction qui selon la partie civile rentrait dans les prévisions de l'art. 40 de la loi du 10 juillet 1976 et des articles 160-1 et 480-1 C. urban.

dénoncés par l'association partie civile 190 n'entrent pas dans les prévisions de ces textes, (...) au surplus, la dite association n'invoque, en l'espèce, aucun préjudice personnel distinct de celui de ses membres (...)».

Il apparaît qu’en statuant ainsi, la Chambre criminelle n'avait aucunement apporté une réponse à la question soulevée plus haut, ni même fait une allusion implicite à l'agrément de l'association. Selon un commentateur 191, «il semble

même qu'elle ait censuré, sur ce point l'arrêt fondé sur le défaut d'agrément de l'association pour déclarer l'action de celle-ci irrecevable. L'arrêt attaqué avait, ainsi, quelque peu anticipé sur la réalité juridique : la procédure d’agrément des associations devait être précisée par un décret qui est intervenu, durant l'instance en cassation, le 7 juillet 1977 (J.O. 10 juillet), et dont la parution conditionnait l'application des dispositions procédurales nouvelles relatives à l'action civile des associations écologiques».

On peut considérer comme certaine cette censure dans la mesure où la décision d'irrecevabilité de la constitution de partie civile confirmée par la juridiction suprême ne s'est pas fondée sur une question de pure forme mais plutôt sur une question de fond. En effet, conformément aux dispositions de l’article 40 de la loi du 10 juillet 1975 et des articles 160-1 et 480-1 C. urban, modifiés par la loi du 31 décembre 1976, ainsi que du décret du 7 juillet 1977 pris pour leur application, la Chambre criminelle avait estimé que «les faits

dénoncés par l'association partie civile n'entrent pas dans les prévisions de ces textes ; qu'au surplus, ladite association n’invoque, en l’espèce, aucun préjudice personnel distinct de celui de ses membres». Ce qui semble dire explicitement

que les dispositions auraient, vocation à s'appliquer si les faits dénoncés entraient dans leur prévision quand bien même il y a défaut manifeste d'agrément prévu à cet effet. Toutefois, ce défaut d'agrément n'emporte pas l'irrecevabilité mais seulement dans l'hypothèse où au moment de l'exercice de cette action civile, il n'existait aucun décret d'application. Cette solution est satisfaisante car il est

190

- Plainte avec constitution de partie civile dans des poursuites contre personne non dénommée, des chefs de faux en écritures publiques et usage de faux concernant les

délibérations d'un

Conseil municipal.

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question, en réalité, d'un vide juridique ou d'une période de non-droit. Néanmoins, la portée de ce vide juridique est quelque peu atténuée par l'application immédiate de la loi d'habilitation.

Dès lors que le législateur n'a pas jugé utile de reporter l'entrée en vigueur de la loi d'habilitation jusqu'à celle de son décret d'application, cette loi d'habilitation entrée en vigueur doit recevoir une application immédiate, étant entendu que c'est une loi de procédure ou de pure forme qui ne porte pas préjudice sur le fond du droit, notamment sur le droit d'action en justice.