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L'ancienneté seule ne suffit pas à garantir le sérieux et la compétence de l'association. Pour ce faire, elle doit en plus justifier d'une activité effective et publique, c'est-à-dire faire des actions concrètes en vue de la défense des intérêts des consommateurs. Il s'agit ici entre autres des publications destinées à éduquer, informer, former et conseiller les consommateurs, des permanences tenues, des réunions d'informations en vue des mêmes fonctions sus-indiquées.

Mais cette liste n'est pas exhaustive. En effet, il existe d'autres types d'activités visées par l'alinéa 3 de l'article 1er du décret : ce sont les activités de recherche et d'analyse de caractère scientifique. A cela on peut aussi ajouter les relevés de prix ou tarifs, les enquêtes sur la qualité des produits proposés par les professionnels.

Mais cette mission d'information des usagers n'est pas sans limite, elle peut notamment engager la responsabilité de l'association.

La Cour suprême par un arrêt de cassation s'est déjà prononcée en faveur d'une telle responsabilité : « statuant sur la demande en dommages-intérêts

formée par un fabricant contre l'Union fédérale des consommateurs à la suite d'un article paru dans la revue par elle éditée dénonçant les risques encourus par l'utilisation d'un produit de ce fabricant, l'arrêt d'appel, qui, après avoir considéré que le caractère absolu des positions de l'Union fédérale des consommateurs découlait d'un postulat qu'elle avait adopté, selon lequel un produit doit être éliminé du marché dès qu'il existe une raison sérieuse de douter de sa totale innocuité et aussi longtemps que celle-ci n'a pas été démontrée avec certitude et que la diffusion dans le public de cette manière de voir, que chacun est libre d'accepter ou non, était parfaitement légitime, relève que, si les besoins de l'action de l’Union fédérale des consommateurs ne lui imposaient pas d'adopter à l'égard des fabricants un style où l'agressivité et la suspicion étaient constamment sous-jacentes, on ne pouvait néanmoins retenir dans les écrits incriminés aucun terme ni aucun propos qui dépassent les limites de la polémique tolérable, peut en déduire que n'était pas rapportée la preuve d'une faute de cet organisme.

(...) Cassation de l'arrêt qui déboute ce fabricant de sa demande en réparation du préjudice subi du fait de la critique par ladite union dans son journal (formulée contre la teneur de ses vins) qui comportait une erreur, au prétendu motif que l'erreur commise aurait été rectifiée dans le numéro suivant, sans s'expliquer sur le préjudice éventuellement subi entre-temps par le fabricant 160 ».

Cette jurisprudence sera reprise dans une autre espèce jugée par la Cour d'appel de Paris le 28 février 1989 161. Dans cette affaire, une association de consommateurs a été poursuivie en justice par un constructeur pour abus de son droit de critique. En effet, soucieuse d'assurer la protection des utilisateurs de

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- Civ. 2e, 17 juillet 1974, Bull. civ. II, n° 234 et les arrêts cités ; Civ. 2e, 3 avril 1970, Bull. civ. II, n° 113, p. 80. Sur le droit à la critique, v. l'intéressant article de R. Plaisant, Le droit à la critique, in. Mélanges offerts à Albert Chavanne, Droit pénal et Propriété industrielle, Litec, 1990, p. 275,. spéc. n° 10 et s. (critique et information du consommateur) ; adde Cas et Ferrier, Traité de droit de la consommation, P.U.F., 1er éd., 1986, n° 342 et s..

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voiturettes présentant un vice de construction prétendument mortel en raison de l'emplacement de leur réservoir d'essence, une association lance une campagne de dénigrement contre le constructeur alors que celui-ci avait déjà, ceci depuis plusieurs mois, modifié la structure de ce véhicule pour parer, précisément, aux dangers dénoncés, modification dont l'association s'était bornée à faire part en cours de polémique. Confirmant pour le principal la décision des premiers juges, la Cour d'appel de Paris avait retenu la responsabilité de l'association pour abus de son droit de critique. A cet égard, par ses attendus principaux, les juges du second degré avaient défini clairement les limites de cette mission d'information des usagers : « une association de consommateurs peut légitimement révéler aux

usagers les défauts ou les dangers que présentent les produits mis en vente sur le marché ; (...) il lui incombe de se livrer préalablement à une étude sérieuse et de ne donner au public qu'une information impartiale, respectueuse du droit des tiers ». Dans son commentaire, le professeur Aubert 162, avait fort justement fait ressortir les obligations auxquelles les associations de consommateurs sont tenues dans leur mission d'information : Il s'agit d'une part du devoir d'impartialité et ipso facto de l'obligation d'investigation d'autre part. Le manquement à ces obligations par l'association fait que « rien n'imposait au

constructeur, surpris à juste titre par l'accent comminatoire du télex le mettant brutalement en demeure (...) de suspendre la fabrication du véhicule, de fournir spontanément des explications ou des justifications que (l'association) avait pour sa part, le devoir impérieux de réunir avant de divulguer son opinion ». Aussi

cette responsabilité pour abus de droit est-elle encourue même en dehors de toute intention de nuire.

Par ailleurs, toujours dans le cadre d'une activité effective et publique, on peut signaler utilement la participation à des instances de concertation des professionnels et des associations de consommateurs sous l'égide de la Direction Générale de la Concurrence de la Consommation et de la Répression des Fraudes (D.G.C.C.R.F.). A l'échelle nationale, il existe le Conseil national de la

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consommation 163. Au niveau départemental, on peut citer les comités départementaux 164 et les nouvelles commissions de traitement du surendettement créés en application de la loi du 31 décembre 1989 165. Enfin, la « Boîte Postale 5000 » constitue une structure où siègent les représentants des consommateurs et des professionnels en vue de régler à l'amiable les petits litiges qui lui sont adressés.

Dans le souci d'encourager et d'inciter les organisations de consommateurs à participer à ces différentes instances de concertation, les pouvoirs publics ont prévu des subventions étatiques dont la distribution à été confiée à la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes 166. A cet égard, un « Fonds commun des Consommateurs » qui regroupe les 20 organisations nationales a été créé dès fin juin 1991. Ce Fonds aura pour but de recevoir une subvention que les organisations répartiraient entre elles en suivant les règles fixées par un cahier des charges convenues avec l'Etat. « Ce

système devrait faciliter, selon ses promoteurs, la réalisation d'actions communes et affirmer davantage l'indépendance des organisations de consommateurs vis-à-vis des pouvoirs publics » 167. Normalement cette politique d'encouragement des pouvoirs publics, d'une part, démontre leur volonté de voir les associations de consommateurs jouer un rôle actif dans la vie économique du pays et, d'autre part, semble qualifier ces associations à défendre en justice

163

- Décret n°83-642 du 12 juillet 1983, articles 1 à 17.

164

- Décret n° 86-1309 du 30 déc. 1986, article 34.

165

- Décret n° 90-175 du 21 février 1990, articles 1 à 6.

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- L'aide de la D.G.C.C.R.F. aux organisations de consommateurs s'est élevée en 1990 à 58 MF en progression de 26,5% par rapport à 1989 (20 MF ont été accordés pour cette même année aux associations nationales, cf. D.G.C.C.R.F., Rapport d'activité 1990, Rev. de la conc. et de la consom., supplément au n° 61). En 1991, cette aide s'élève à 69 MF ; voir D.G.C.C.R.F., Rapport d'activité 1991, Rev. conc. consom., suppl. au n° 68. Par ailleurs, selon la D.G.C.C.R.F, la majorité des assoc. locales (1000 assoc. recensées en 1988) ou départementales de consommateurs bénéficient de cette aide financière de l'Etat, sauf les associations locales autonomes qui représentent 7,5% du mouvement consommateur local. V. notamment D.G.C.C.R.F, Rapport d'activité 1988, Rev. conc. et de la consom., numéro spécial, suppl. au n° 49, p. 59. Nous reviendrons en profondeur sur les forces et faiblesses des groupements de consommateurs dans notre deuxième partie infra p. 423 et s..

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- D.G.C.C.R.F., Rapport d'activité 1991, Rev. conc. et de la consom., suppl. au numéro 68,

l'intérêt collectif dont elles ont la charge. Mais encore faut-il que le ministère public et les juges en général adhèrent à cette politique. Même en associant le ministère public, comme nous le verrons, à la décision d'agrément des associations de consommateurs, le législateur ne fournit pas pour autant un gage quant à l'adhésion de ce ministère public à sa politique.

L'intérêt général ne va-t-il pas s'imposer par la constatation de l'ampleur de la représentation ? Une troisième condition devrait y conduire, tenant au nombre d'adhérents.