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CONDITIONS D'EXISTENCE ET D'EXERCICE DE L'ACTION CIVILE D'INTERET COLLECTIF

L'action en justice dans le contentieux civil ou subjectif, est la faculté d'obtenir du juge une décision sur le fond de la prétention à lui soumise 113. Le titulaire d'une action en justice doit satisfaire à la charge de l'allégation, à la condition tenant à l'intérêt et à celle relative à la qualité. Il doit ainsi avoir un

"intérêt direct et personnel" pour agir. Ces conditions d'existence de l'action en justice sont autonomes dans le contentieux civil.

En revanche, dans le contentieux pénal ou objectif, les concepts d'intérêt et de qualité interfèrent 114 . L’expression "intérêt direct et personnel" est entendu comme se rapportant au fond : c'est le préjudice allégué, qui doit être subi personnellement et causé directement à la victime. Il ne s'agit plus d'un intérêt procédural à agir, mais bien d'un préjudice donc d'un droit substantiel invoqué. La victime d'infraction doit apporter la preuve d'un préjudice actuel, certain, personnel et direct 115 . Et ce préjudice doit consister dans l'atteinte à un intérêt légitime juridiquement protégé.

Mais les problèmes de qualité et d'intérêt, déjà discutés pour la recevabilité de l’action individuelle, resurgissent et retrouvent leur autonomie lorsqu'il s'agit d'une action civile collective. Cette action présente des particularités par rapport à l'action civile individuelle classique : l'action civile collective fait intervenir des notions "d'intérêt collectif" de "préjudice collectif", de "victimes collectives" ou de "groupement" avec le statut juridique d'association ou de syndicat.

Et, dans le cadre de l'action civile collective, l'impératif de la règle de droit ou le droit substantiel invoqué ne vise pas nommément le titulaire de l'action, ce dernier n'est pas nominativement bénéficiaire de l'impératif de la règle de droit ou du droit substantiel. Le groupement agit pour une collectivité dans laquelle il est intégré mais qui le dépasse. Le préjudice collectif subi n'est pas personnel au groupement. En outre, se pose le problème de la qualité pour agir.

113

- Henri Motulsky, Le droit subjectif et l'action en justice, in Archives de Philosophie du

droit, Tome IX, Le droit subjectif en question, p. 215 et s..

114

- Henri Motulsky, Droit processuel, éd. Montchrestien, cours de droit 1972-1973, p. 74 et s..

115

Aussi, en plus de la preuve du préjudice collectif (atteinte à un intérêt légitime juridiquement protégé mais qui ne lui appartient pas) le groupement doit-il justifier de sa qualité juridique pour défendre cet intérêt et enfin du lien de causalité directe entre le préjudice collectif subi et les faits incriminés. Le législateur lui-même a manifesté à de nombreuses reprises sa volonté à associer certains groupements à sa tâche d'assainissement socio-économique.

La loi attribue ainsi d'une façon disparate et non uniforme le droit d'agir à certaines personnes morales qu'elle qualifie pour défendre un intérêt collectif. Dans cette hypothèse, la qualité devient une condition spéciale de l'action dans la mesure où il y une sorte de confusion avec le tiers visé par l'impératif de la règle de droit.

Par une formule consacrée, la loi dans certaines matières 116 habilite spécialement certains groupements à « exercer devant toutes les juridictions (...)

l'action civile relativement aux faits de nature à nuire aux intérêts moraux et matériels » d'une collectivité, de certaines personnes nommément désignées. Il

s'agit invariablement de l'action en réparation du dommage causé par une infraction.

Cette technique législative est utilisée notamment dans le domaine des intérêts collectifs des consommateurs, des familles et des salariés. Seule l'action civile collective dans ces matières fera l'objet principal de notre étude.

Le législateur en qualifiant certains groupements en vue de défendre un intérêt collectif, pose dès lors un problème de preuve de la qualité à agir. A cet égard, on est en droit de se demander si les groupements expressément appelés par la loi sont les seuls qualifiés ou alors si cette qualification exclut l'action des autres groupements susceptibles de défendre le même intérêt collectif. Au demeurant cette qualification légale et nominative est-elle exclusive de toute autre qualification découlant d'autres fondements juridiques excipés par d'autres groupements non nominativement appelés par le législateur ? Et en quoi cette habilitation légale contribue-t-elle à déclarer recevable l'action civile du groupement par le juge ? Un accueil favorable de ce dernier serait-il conditionné

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à une habilitation spéciale ? En dernier lieu comment s'obtient cette habilitation et à partir de quand doit-elle être considérée comme acquise ? Il s'agit ici de déterminer les conditions d'habilitation pour chacun des groupements étant entendu que les lois qui les régissent sont différentes les unes des autres. En outre, une fois le droit d'action reconnu, comment administrer la preuve es qualité ?

Par ailleurs, les lois d'habilitation en matière de défense des intérêts collectifs des consommateurs, des familles et des salariés, ont semble-t-il résolu la question relative au lien de causalité directe entre le préjudice collectif subi et les faits reprochés qui doivent constituer une infraction pénale. Dans ces trois cas, les lois d'habilitation ont prévu que l'atteinte portée à ces intérêts peut être directe ou indirecte, ce qui rend peut-être sans intérêt l'exigence du lien de causalité directe entre le préjudice collective et les faits incriminés. Par voie de conséquence, seule suffit la preuve du préjudice collectif subi par l'intérêt collectif dont le groupement assure la défense. Cette preuve du préjudice collectif doit-elle consister à démontrer seulement que les faits incriminés concernent un intérêt collectif déterminé, ce qui ipso facto fait présumer de façon irréfragable ou relative une atteinte à cet intérêt ? Ou alors cette preuve doit-elle être corroborée par des éléments probants établissant de ce fait un certain lien de causalité entre le préjudice collectif subi et l'infraction pénale faisant l'objet de la poursuite ?

Autant de questions qui nous obligent à examiner dans un premier titre les conditions tenant à la qualité du groupement désirant exercer une action civile d'intérêt collectif avec ou sans habilitation légale. Un second titre sera consacré à la preuve du préjudice collectif découlant directement ou indirectement de l'infraction pénale et donc à l'étude de l'aptitude ratione matariae de l'action civile d'intérêt collectif.

Titre 1 : Conditions tenant à la qualité du

Titre 2 : La preuve du préjudice collectif

TITRE I

CONDITIONS TENANT A LA QUALITE