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Le dépôt du dossier obligatoirement établi en trois exemplaires, doit être adressé à la Direction Départementale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (D.D.C.C.R.F.), concrètement la Direction du département dans lequel l'association a son siège social.

Le dépôt du dossier est fait contre récépissé. Un exemplaire du dossier est transmis par la D.D.C.C.R.F. au procureur de la République 176. Alors que l'arrêté du 24 juin 1988 parle du procureur de la République, l'article 2 du décret du 6 mai 1988, lui, mentionne le procureur général près la Cour d'appel dans le ressort duquel l'association a son siège. Logiquement ces différences de textes ne doivent soulever aucune difficulté si l'on applique le principe de la hiérarchie et

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de l'indivisibilité du Parquet. Ainsi, il va de soi que le dossier destiné au procureur général transite d'abord par le procureur de la République ou que par voie de délégation de pouvoir, le procureur de la République instruit le dossier et donne l'avis requis.

Toutefois, sur le plan théorique et des principes, on peut quand même se demander qui doit donner l'avis requis en l'absence de délégation de pouvoir ? Sur cette question aussi, la hiérarchie entre les textes doit l'emporter, à savoir l'article 2 du décret du 6 mai 1988 qui prévoit l'avis du procureur général près la Cour d'appel dans le ressort duquel l'association a son siège.

C/ - La décision d'agrément ou de refus

Selon l'article 2 du décret du 6 mai 1988, sur avis du ministère public, en l’occurrence le procureur général près la Cour d'appel, l'agrément des associations nationales est accordé par arrêté conjoint du ministre chargé de la consommation et du Garde des sceaux.

En revanche, l'agrément des associations locales, départementales ou régionales est accordé, toujours sur avis du ministère public, par arrêté du préfet du département dans lequel l'association a son siège social.

Le pouvoir accordé à l'autorité compétente chargée de prendre la décision d'agrément ou de refus, semble, a priori, être un pouvoir lié 177 ou plutôt partiellement lié, car une des conditions d'agrément pose problème : l'avis du ministère public.

Si les conditions tenant à l'ancienneté, à une activité effective et publique et au nombre d'adhérents constituent des conditions objectives, en revanche, l'avis du ministère public semble mystérieux et subjectif dans la mesure où les

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- « Il y a pouvoir (ou compétence) lié lorsque, dès lors qu'il se trouve en présence de telle

ou telle circonstance de fait, l'administrateur est tenu de prendre telle ou telle décision, il n'a plus le choix entre plusieurs décisions, sa conduite lui est dictée à l'avance par la règle de droit ». de Laubadère, Traité de droit administratif, Tome 1, L.G.D.J., 1984, n° 594.

critères qui permettent à ce ministère public de donner son avis ne sont point prévus par les textes. Ne s'agit-il pas là d'un pouvoir discrétionnaire 178 ?

La question qui se pose est de savoir si l'avis que doit donner le ministère public porte sur les conditions relatives à l'ancienneté, au nombre d'adhérents et à une activité effective et publique ou si elle porte sur un autre plan, notamment les critères définis par le parquet en matière de politique criminelle ?

Logiquement, la première hypothèse doit être écartée car cela n'a rien d'original ni d'utile dans la mesure où la constatation matérielle desdites conditions relève déjà de la compétence de la D.D.C.C.R.F. Au contraire, en matière de politique criminelle, l'avis du ministère public prend un autre visage, ce qui met en valeur son concours, notamment sa compétence et sa collaboration en matière d'administration de la justice.

Certes, en subordonnant la décision d'agrément ou de refus à l'avis du parquet, le législateur semble, a priori, opter pour la collaboration du ministère public dans la défense en justice de l'intérêt collectif des consommateurs. Indirectement, le législateur exige pour avoir l'agrément, l'autorisation ou l'approbation sous forme d'avis du ministère public, représentant de la société et organe exerçant l'action publique pour la défense de l'intérêt général. En d'autres termes, le législateur d'une part résout virtuellement l'important problème de la délimitation, de la cohabitation, de la coexistence, d'indépendance, d'autonomie entre l'intérêt collectif des consommateurs et l'intérêt général et, d'autre part, consacre une hiérarchie tout aussi virtuelle entre intérêt collectif et intérêt général, puisque l'organe susceptible de défendre cet intérêt collectif ne peut être habilité pour cette fin, en théorie et en pratique, sans l'avis du parquet. Or, ce qui est particulièrement intéressant ici est le fait pour la loi de n’avoir donné de critères précis, objectifs et indicatifs permettant au ministère public de donner un avis favorable ou non. Concrètement, il relèvera de la compétence du parquet et plus généralement, ceci par voie hiérarchique du Garde des Sceaux, de déterminer ces critères sous forme de circulaires ou de directives. Certes, la

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- On reconnaît qu’« il y a pouvoir discrétionnaire, toutes les fois qu'une autorité agit

librement, sans que la conduite à tenir lui soit dictée à l'avance par une règle de droit ». de

pratique dans chaque parquet sera prise en compte ; ce qui peut-être peut justifier ce pouvoir discrétionnaire. Mais cela n'empêche nullement l'autorité compétente et hiérarchique de poser des critères objectifs et généraux.

Même si la décision de refus devrait être motivée 179 par l'administration, ce qui doit aussi contraindre le parquet à user "objectivement" de son pouvoir

discrétionnaire 180, il n'en demeure pas moins qu'il subsiste une difficulté liée aux rapports entre associations de consommateurs et la société judiciaire en général. En principe, si le ministère public donne son avis en fonction de sa politique générale, cette dernière ne peut lier les associations de consommateurs dans la défense de l'intérêt collectif des consommateurs : c'est tout le problème des finalités de l'action civile d'intérêt collectif et de l'action publique d'intérêt général.

Mais, la rédaction de l'article L. 411-1 du Code de la consommation et celle de l'article 2 du décret du 6 mai 1988, laissent supposer que l'avis du ministère public constitue une condition déterminante dans la prise de décision de l'autorité chargée d'accorder ou non l'agrément. Aussi un avis défavorable du

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- Art. 5 du décret du 6 mai 1988. En effet, la loi du 11 juillet 1979, modifiée par les articles 26 à 29 de la loi du 17 janvier 1986 portant diverses dispositions d'ordre social, a établi une exigence de motivation pour un certain nombre d'actes administratifs, notamment les actes administratifs individuels défavorables à des personnes physiques ou morales. V. notamment Debbasch, Science administrative, Dalloz, 5 éd., 1989, n° 107 et s. ; de Laubadère, op. cit., n° 708 et s..

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- Si par définition même, en matière de compétence discrétionnaire « le contrôle du juge de

l'excès de pouvoir, ne peut porter sur l'appréciation de la valeur des motifs puisque cette appréciation a été précisément laissée par la loi à l'administration, s’il procédait à ce contrôle, le juge substituerait son appréciation à celle de l’administration et deviendrait juge de l'opportunité. Cependant cette soustraction des motifs au contrôle du juge n'est plus aujourd'hui absolue ». Il sera question ici du principe de l'examen individuel de chaque

affaire, c'est-à-dire que son pouvoir de « libre appréciation ne le dispense de procéder à

l'examen particulier des circonstances de l'affaire qui lui est soumise ; elle ne peut pas prendre sa décision en se contentant de se fonder sur des considérations générales de principe, en négligeant de "se pencher sur le dossier" ». En définitive, il s’agit du « contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation » et de « l’extension au domaine du pouvoir discrétionnaire du contrôle de proportionnalité » ; jurisprudence établie par le Conseil

d’Etat. Voir notamment de Laubadère, op. cit., n°s 599, 600, 1208 et 1209 plus les références citées par l’auteur ; voir aussi Jean-Pierre Bourgois, L’erreur manifeste d’appréciation, thèse Lille 2, 1986.

ministère public justifiera-t-il le refus d'accorder l'agrément bien que les autres conditions soient remplies. Ou alors peut-on considérer que l'administration dispose en général d'un pouvoir discrétionnaire relativement à cet avis ? Il semble qu'il faille considérer que l'administration dispose en général d'un pouvoir discrétionnaire car l'avis du ministère public ne peut la lier en droit. Comme son nom l'indique, il ne s'agit que d'un avis, acte qui n'a aucun effet ou force juridique. Toutefois, en pratique cet avis sera suivi par l'administration dans la mesure où seul le ministère public est compétent pour apprécier l'opportunité d’offrir l'action judiciaire à l'association demanderesse.

Par ailleurs, la décision d'agrément qui doit être notifiée au procureur général, emporte aussi obligation pour l'association ainsi agréée de rendre compte annuellement de son activité 181. Pour ce faire, l'association doit adresser chaque année, en trois exemplaires, à la direction départementale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, son rapport moral et son rapport financier dont les contenus obligatoires sont visés à l'article 1er , al. 3 de l'arrêté du 24 juin 1988. Un exemplaire est transmis au procureur.

Enfin, la décision d'agrément ou de refus est notifiée dans un délai de six mois à compter de la délivrance du récépissé. Passé ce délai, l'agrément est réputé accordé 182. La décision de refus doit être motivée et est susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir 183. Toutes ces décisions sont notifiées au procureur général compétent.

Quant à l'organe qui doit prendre la décision, sur le plan national, l'agrément des associations nationales est accordé par arrêté conjoint du ministre chargé de la consommation et du Garde des Sceaux. Cette décision est publiée au journal officiel de la République française.

En revanche, l'agrément des associations locales, départementales ou régionales, est accordé par arrêté du préfet du département dans lequel

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- Art. 6 du décret du 6 mai 1988 et art. 2 de l'arrêté du 24 juin 1988.

182

- Sauf pour l'administration à user, dans les formes, des prérogatives de l'art. 7 du décret du 6 mai 1988 relatif au retrait d'agrément.

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- Dans un délai de deux mois à partir de la publication de la décision suivant les cas soit au Journal officiel soit au Recueil des actes administratifs.

l'association a son siège social. Cet agrément est publié au recueil des actes administratifs.

Pour ce qui est du cas de plusieurs associations, dont l'une au moins est agréée, qui se transforment en une seule, l’agrément doit être à nouveau sollicité. Dans ce cas, la condition d'ancienneté n'est plus exigible 184.

La durée de l'agrément est de cinq ans dans tous les cas.

En somme, c'est la tutelle administrative et judiciaire qui est consacrée par le législateur en matière de défense en justice de l'intérêt collectif des consommateurs. Ce caractère tutélaire démontre bien l'absence d'indépendance, d'autonomie des associations vis à vis de l'Etat d'une part et à l'égard du pouvoir judiciaire d'autre part. Cette idée est confortée, d'ailleurs, par les conditions et la procédure de retrait ou de renouvellement de l'agrément.

II Renouvellement et retrait d’agrément

L'agrément, qui est accordé pour cinq années, est renouvelable. La demande de renouvellement doit être déposée pendant le huitième mois précédant la date d'expiration de l'agrément en cours. Elle est accompagnée d'un dossier contenant la mise à jour des documents déposés lors de la demande initiale 185. La décision de renouvellement suit la même forme que la décision d'agrément initial.

En revanche, relativement au retrait d'agrément, le décret consacre les droits de la défense, avant même la décision de retrait. Toutefois, cette nouveauté ne remet pas en question le caractère discrétionnaire de la décision de retrait qui est aussi susceptible d'un recours pour excès de pouvoir.

Tout comme pour la décision d'agrément, on est en droit de s'interroger sur la portée réelle de l'avis du ministère public en matière de retrait. En effet, le décret prévoit dans son article 7 que l'agrément peut être retiré, après avis du procureur général, dans trois cas :

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- Art. 3 du décret du 6 mai 1988.

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- Lorsque l'association ne dispose plus du nombre d'adhérents requis ; - Lorsqu'elle ne peut plus justifier d'une activité effective et publique ; - Ou lorsqu'elle n'est plus indépendante de toutes formes d'activités professionnelles, à l'exception des associations émanant de sociétés coopératives.

Mais si l'un des trois cas susvisés vient à se réaliser, quelle sera l'incidence d'un avis favorable au maintien de l'agrément du Procureur Général sur la décision de retrait ? Dans une hypothèse contraire où aucun cas de retrait n'est retenu à l'encontre de l'association agréée, quel sera le poids d'un avis défavorable du ministère public sur la décision de retrait ? Au demeurant, l'avis favorable du Procureur pourra-t-il justifier le maintien de l'agrément malgré le défaut manifeste de l'une des conditions requises, ce qui constitue ipso facto un

cas de

retrait ? La rédaction de l'article 7, notamment l'emploi du verbe pouvoir montre bien que le législateur donne une faculté ou un pouvoir discrétionnaire à l'autorité chargée de prendre la décision de retrait. Ainsi, par exemple, malgré la réalisation d'un cas de retrait, l'agrément peut être maintenu. Cependant, qu'en

est-il de

l'incidence de l'avis du Procureur ? A cet égard, on ne peut que transposer ici les hypothèses déjà soulevées dans l'étude de la nature et de la porté de l'avis du Procureur dans la décision d'agrément.

III Portée de l’agrément

Il convient d'étudier successivement la portée de l'agrément d'une part quant au secteur territorial considéré et quant au secteur économique revendiqué et, d'autre part, dans le temps quant à l'action en justice exercée par l'association agréée.

A/ - La délimitation territoriale de l'agrément

Il faut distinguer ici entre l'agrément accordé à titre national et l’agrément accordé pour un secteur géographique déterminé.

En ce qui concerne l'agrément à titre national, il est accordé aux associations nationales. Il peut don être invoqué sur tout le territoire national.

En revanche, lorsque l'agrément est accordé par arrêté du Préfet du département dans lequel l'association a son siège social, il est question dans ce cas des associations locales, départementales ou régionales.

La compétence territoriale de chacune de ces associations est fonction du secteur géographique pris en compte lors de l'examen des conditions d'agrément.

B/ - Le secteur économique revendiqué

Il est évident que lorsque l'association agréée s'est spécialisée uniquement dans un secteur économique bien déterminé, elle ne peut agir pour la défense des intérêts collectifs des consommateurs que dans cette branche économique. Cette spécialisation si elle est ainsi voulue, doit apparaître dans les statuts de ladite association.

En ce qui concerne les associations ayant un objet général, celles-ci peuvent agir en justice pour défendre l'intérêt collectif des consommateurs dans n'importe quel secteur économique pourvu que leurs statuts soient conformes à cette fin.

C/ - La portée de l'agrément quant à la validité dans le temps du droit d'action en justice de l'association

Certes, l'agrément est accordé pour une durée de cinq ans, cependant la difficulté surgit lorsqu'il s'agira pour le juge d'examiner la recevabilité de l'action en justice de l'association agréée ; ceci compte tenu de la date de survenance des faits incriminés et poursuivis. Plus précise est la question de savoir à quel moment par rapport aux faits incriminés doit-on se placer pour apprécier la validité de l'agrément invoqué par l'association qui exerce une action en justice ?

Pour résoudre ces différentes questions, il sied d'examiner au premier abord le problème d'application de la loi d'habilitation dans le temps, en particulier le droit transitoire. Ensuite sera examinée la portée de l’agrément avant et après la survenance de l’acte incriminé.