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en particulier les réserves successorales

C. Protection des créanciers du settlor

VIII. Droit de suite des bénéficiaires et responsabilité de tiersresponsabilité de tiersresponsabilité de tiers

Les bénéficiaires d’un trust n’ont pas seulement des droits personnels à l’encontre du trustee, dont ils peuvent mettre en jeu la responsabilité lors-que celui-ci viole les obligations qui résultent du trust268. Selon la concep-tion anglaise du trust – que l’on retrouve dans tous les systèmes juridiques qui en sont issus – les bénéficiaires jouissent, sur les biens du trust, d’un

264Cf. proposition d’art. 527 al. 2 CC supra V.A.2.c). RIEMER (1975) Art. 82 N. 9 relève d’ailleurs que la mention “par les créanciers du fondateur” à l’art. 82 CC est une simple confirmation.

265Art. 290 LP: “personnes… qui ont bénéficié d’avantages de [l]a part” du débiteur; cf.

SchKG-STAEHELIN (1998) Art. 290 N. 5. Dans la révocation pour surendettement, l’ac-tion ne peut être que contre les bénéficiaires qui connaissaient ou ne pouvaient ignorer le surendettement du settlor, art. 287 al. 2 LP.

266Art. 289 LP.

267Cf. art. 7 (cumul d’actions) al. 1 LFors. La convention de Lugano (RS 0.275.11) n’est pas applicable à raison de la matière (art. 1er al. 2 ch. 2).

268Cette responsabilité est bien sûr soumise à la loi applicable au trust, cf. art. 8 lit. g de la Convention.

equitable interest opposable aux tiers269. Lorsque le trustee manque à ses obligations envers les bénéficiaires, ceux-ci disposent presque toujours de prétentions (remedies) contre le trustee et, sous certaines conditions, de prétentions contre certains tiers ayant participé à ou bénéficié de ce breach of trust. Ces droits ne sont pas cumulatifs: ainsi, les bénéficiaires doivent en principe choisir entre exercer le droit de suite sur le bien vendu par le trustee en violation de ses devoirs (tracing) ou exiger du trustee la remise du profit qu’il a tiré de la vente. La jurisprudence montre que les tiers ne sont généralement recherchés que lorsque le trustee ne peut plus faire face à ses obligations envers les bénéficiaires.

Lorsque le trustee aliène un bien soumis au trust ou constitue un droit réel limité en violation de ses devoirs (breach of trust), chaque bénéficiaire peut exercer, contre l’acquéreur concerné:

– un droit de suite sur le bien lui-même, ses revenus, le produit de son aliénation ou les biens acquis en remploi (proceeds ou product);

– lorsque le tiers a agi avec une mauvaise foi caractérisée, une action personnelle tendant à l’indemnisation de la pleine valeur du bien.

a) Le droit de suite repose sur l’idée que, lorsque le trustee dispose d’un bien du trust contrairement à ses devoirs, cet acte ne fait en principe pas perdre au bénéficiaire son equitable interest de sorte que le tiers acquiert le bien grevé du trust. Le bénéficiaire peut donc exiger du tiers qu’il restitue au fonds du trust le bien lui-même, ses revenus et accroissements, et lors-qu’il a été aliéné son produit de réalisation ou d’autres biens acquis en remploi. Le droit de suite incorpore donc un élément de subrogation réelle.

Il peut cependant s’éteindre dans diverses circonstances, dont les plus im-portantes sont:

– l’acquisition onéreuse par un tiers de bonne foi dans l’ignorance que le trustee viole ses obligations (bona fide purchaser without notice)270; – la dissipation (en fait, la consommation ou la dépense sans remploi,

e.g. perte au jeu, financement de vacances, etc.) du bien grevé du trust,

269“Just as every owner of a legal interest has the right that others shall not, without lawful excuse, interfere with his possession or enjoyment of the property or adversely affect its value, so the beneficiary, as equitable owner of the trust res has the right that third persons shall not knowingly join with the trustee in a breach of trust.” BOGERT & BOGERT

(1977) § 901 in initio.

270Cf. infra VIII.A.1.

de ses revenus, de son produit de réalisation ou d’autres biens acquis en remploi271;

le change of position, c’est-à-dire le fait que la position du défendeur innocent a changé de telle manière qu’il serait désormais inéquitable de l’astreindre à restitution272.

b) La responsabilité personnelle éventuelle du tiers pour la valeur du bien – qui présente de l’intérêt pour le bénéficiaire notamment lorsque le bien a été dissipé ou lorsqu’il a perdu de sa valeur – repose sur l’assimilation du tiers fautif à un trustee sous l’angle de la responsabilité. Un constructive trustee encourt des obligations semblables à celles d’un trustee ordinaire (fiduciary duties, notamment devoir de loyauté). Il est donc exposé à une responsabilité qui va au-delà de la simple restitution des biens concernés.

Cette responsabilité accrue n’est justifiée que par une faute particulière, dont les limites ne sont pas toujours faciles à cerner. La jurisprudence an-glaise distingue diverses situations et semble, d’une manière générale, po-ser un test de dishonesty273. Le droit américain assimile l’ignorance délibé-rée de circonstances suggérant une violation des devoirs du trustee à la connaissance effective (actual knowledge) du breach of trust comme fon-dement de la responsabilité du tiers274. La simple négligence du tiers ne suffit pas à fonder sa responsabilité; sa mauvaise foi doit être caractéri-sée275.

271Idem.

272Reconnu depuis longtemps par le Restatement (Second) of Trusts, §§ 291 comment g et 292 (3), l’objection tirée du change of position n’a été accueillie que récemment par la Chambre des Lords dans Lipkin, Korman v. Karnpale, [1991] 2 AC 548 (pp. 558 &

579-581), [1992] 4 All ER 512 (pp. 516 & 532-534); cf. cependant déjà In re Diplock, [1948] Ch. 465 (C.A., pp. 546-548). Voir aussi OAKLEY (1998) pp. 738-740, UNDERHILL

& HAYTON (1995) pp. 927-929 et infra VIII.A.3.

273PEARCE & STEVENS (1998) pp. 722-740, qui considèrent que le critère retenu par le Privy Council dans Royal Brunei Airlines v. Tan, [1995] 2 AC 378, [1995] 3 All ER 97, pour le tiers complice du breach of trust (knowing assistance) s’applique également au tiers qui reçoit sciemment le bien en trust (knowing receipt).

274“… where facts suggesting fiduciary misconduct are compelling and obvious, it is bad faith to remain passive and not inquire further because such inaction amounts to a deliberate desire to evade knowledge.” New Jersey Title Insurance Co. v. Caputo, 163 N.J. 143, 748 A.2d 507 (2000) et les nombreux précédents cités; BOGERT (1987) § 167; cf. déjà le Uniform Fiduciaries Act de 1922.

275“The so-called dishonesty standard… [is] a way of differentiating bad faith from mere negligence in terms of purpose.” New Jersey Title Insurance Co. v. Caputo, 163 N.J. 143 (p. 156), 748 A.2d 507 (p. 514).

À la différence du droit de suite, qui se limite au bien lui-même, à ses revenus et à ses remplois, la responsabilité du constructive trustee est en réalité une dette de dommages-intérêts qui grève l’ensemble de son patri-moine. Le constructive trust est le fondement théorique de la responsabilité de tiers dans trois situations où le trustee lui-même agit en violation de ses devoirs: lorsque le tiers assume délibérément la fonction d’un trustee sans avoir été régulièrement désigné (trustee de son tort), lorsqu’il acquiert ou reçoit de mauvaise foi un bien du trust (knowing receipt), ou encore lors-qu’il participe de mauvaise foi au breach of trust (knowing assistance)276. Les actions contre les tiers sont exercées par les bénéficiaires du trust au profit du fonds du trust. Le trustee peut faire de même277; le cas échéant, ce sera le nouveau trustee désigné par le tribunal compétent en remplace-ment de celui qui a manqué à ses obligations.

Lorsque le trustee et les tiers concernés sont établis dans le système juridique auquel le trust est soumis, la situation des tiers traitant avec le trustee s’intègre dans l’ensemble des règles et pratiques juridiques qui leurs sont habituelles. Lorsqu’en revanche ces tiers sont établis ou résident dans un état qui ne connaît pas l’institution du trust et le type de responsabilité qui peut résulter d’une transaction avec un trustee, l’application de la loi du trust peut produire des résultats inattendus parce sensiblement différents des principes du droit des biens et des contrats qui leur sont familiers.

Conscients de cette difficulté, les rédacteurs de la Convention ont voulu

“que la revendication des biens du trust soit permise, dans les cas où le trustee, en violation des obligations résultant du trust, … en a disposé”278, sous réserve cependant de deux limites notables:

– “La Convention ne fait pas obstacle à l’application des dispositions de la loi désignée par les règles de conflit du for lorsqu’il ne peut être dérogé à ces dispositions par une manifestation de volonté”, notam-ment en ce qui concerne “le transfert de propriété et les sûretés réel-les”279.

276Royal Brunei Airlines v. Tan (n. 273); Agip (Africa) Ltd v. Jackson, [1990] 1 Ch 265, [1992] 4 All ER 385; Restatement (Second) of Trusts, §§ 321–326; cf. surtout PEARCE &

STEVENS (1998) pp. 720-740.

277Restatement (Second) of Trusts, § 294.

278Article 11 al. 3 lit. d, 1ère phrase de la Convention.

279Article 15 al. 1 lit. d.

– “Toutefois, les droits et obligations d’un tiers détenteur des biens du