• Aucun résultat trouvé

en particulier les réserves successorales

D. Application dans le temps (article 22)

Les mêmes raisons valent mutatis mutandis pour l’application de la Con-vention dans le temps. Dans la mesure où les règles conCon-ventionnelles con-sacrent une amélioration par rapport à la situation existante sans restreindre la liberté des parties, il n’y aurait pas de justification à refuser de l’appli-quer à des situations nées avant que la Suisse ne soit liée par la Convention.

XIII. Réserve de la souveraineté fiscale

Conformément à son article 19, la “Convention ne porte pas atteinte à la compétence des États en matière fiscale.” Le régime fiscal des trusts en Suisse est l’objet d’une pratique administrative en plein développement.

La question se pose, de plus en plus fréquemment, lorsqu’un citoyen

étran-456Chapitres 6 et 11 de la LDIP.

ger – et parfois un Suisse de l’étranger – (re)prend résidence en Suisse alors qu’il a précédemment constitué un trust. Les cantons semblent avoir des pratiques fiscales différenciées, conséquence naturelle mais pas toujours heureuse de la compétence importante qu’ils retiennent notamment en ma-tière d’impôt sur le revenu (en concours avec la Confédération), sur la for-tune et sur les donations et successions.

L’adhésion de la Suisse à la Convention ne retire aucune compétence fiscale aux cantons ni à la Confédération. Elle n’oblige en soi à aucune modification des régimes existants. Elle aura probablement pour effet d’aug-menter la fréquence des questions soumises aux autorités fiscales. Il n’est pas invraisemblable que cette situation nouvelle amène celles-ci à coor-donner davantage leurs pratiques. En revanche, il n’est ni envisageable ni souhaitable de chercher à prendre des mesures législatives pour harmoniser d’emblée ces pratiques à l’occasion de la ratification de la Convention.

XIV. Fiducie suisse: opportunité d’une codification

Absente des codes suisses, la fiducie (Treuhand, fiduzia) est une institution née de la pratique des affaires qui a été progressivement reconnue et consa-crée par les tribunaux suisses et fait l’objet d’une abondante doctrine457. Le législateur suisse l’a adoptée et souvent consolidée dans trois secteurs par-ticuliers. Depuis la loi de 1996, les fonds de placement suisses reposent sur une structure fiduciaire: la direction du fonds est propriétaire à titre fidu-ciaire des actifs du fonds pour le compte, c’est-à-dire au profit et aux ris-ques des investisseurs458. En 1992, la loi sur le droit d’auteur a confirmé le monopole des sociétés de gestion collective de droits d’auteur, qui exercent leur activité en acquérant à titre fiduciaire les droits économiques des auteurs qu’elles exercent au profit de ces derniers459. Enfin, les banques suisses

457Les deux rapports présentés au congrès 1995 de la Société suisse des juristes par WATTER

(1995) et THÉVENOZ (1995) présentent, avec la thèse de DUNAND (2000), une synthèse à jour des développements de la législation, de la jurisprudence et de la doctrine en matière de fiducie.

458Loi fédérale sur les fonds de placement du 1er juillet 1966 (RO 1967 125, 1971 808, 1974 1857), remplacée par celle du 18 mars 1994 (RS 951.31).

459Loi fédérale sur le droit d’auteur et les droits voisins du 9 octobre 1992 (RS 231.1), remplaçant notamment la loi fédérale du 25 septembre 1940 concernant la perception de droits d’auteur (RS 2 824).

pratiquent avec succès divers types d’opérations fiduciaires (dépôts moné-taires sur l’euromarché pour le compte de clients, obtention de sûretés fidu-ciaires de clients, etc.), pour lesquelles le législateur a prévu un privilège de faillite460.

La fiducie en tant qu’institution de droit commun ainsi que ses formes spéciale remplissent dans une mesure limitée des fonctions analogues à celles du trust461. Comme le trust, elle repose sur la volonté du fiduciant, exprimée cependant dans un contrat, et non dans un acte juridique unilaté-ral. Comme lui, elle dissocie la propriété des actifs fiduciaires (qui est ac-quise au fiduciaire) de son bénéfice économique, qui revient exclusivement au fiduciant ou à d’autres bénéficiaires462. Contrairement au trust, elle ne repose pas sur la distinction entre legal title et equitable ownership. Le fiduciaire est un propriétaire au plein sens du terme, investi d’une compé-tence complète à l’égard des tiers, tenu par de simples obligations envers le fiduciant (ou l’éventuel bénéficiaire). Tant que dure la relation fiduciaire, le fiduciant (ou le bénéficiaire) n’a sur les biens fiduciaires aucun droit réel opposable aux tiers. Contrairement au trustee, le fiduciaire reste soumis aux instructions du fiduciant pendant la durée de la fiducie, que l’un ou l’autre peut d’ailleurs résilier en tout temps463.

Après avoir pendant longtemps porté le soupçon de la simulation ou de la fraude à la loi464, la fiducie est désormais solidement reconnue en Suisse et largement pratiquée pour certaines opérations relativement bien défi-nies465. Elle paraît cependant peu susceptible de connaître encore des

déve-460Art. 16 ch. 2 et 37b LB, introduits par la loi du 16 décembre 1994 révisant la loi sur la poursuite pour dettes et la faillite (RO 1995 II 1227).

461Sur les similitudes et les différences, cf. notamment REYMOND (2000) pp. 686-687, FLATTET (1990), WATTER (1995) pp. 199-203.

462Dans la fiducie-sûreté, le fiduciaire est le propriétaire du bien en même temps que le bénéficiaire de la garantie, de sorte que le bénéfice économique est partagé entre le fidu-ciaire (dans l’hypothèse où la dette garantie reste impayée) et le fiduciant (qui obtient le bien en retour lorsque son créancier est désintéressé). Dans la pratique actuelle des opéra-tions fiduciaires, il est rare qu’une opération de fiducie-gestion ait d’autres bénéficiaires que le fiduciant lui-même. Là où le trust est fondamentalement une relation à trois parties (settlor, trustee et bénéficiaires), la fiducie suisse est encore presque toujours une relation à deux (fiduciant et fiduciaire).

463Là encore, la fiducie-sûreté se distingue de la fiducie-gestion: le fiduciaire n’est tenu de restituer l’objet de la sûreté qu’une fois que la dette garantie a été réglée.

464REYMOND (1989); THÉVENOZ (1995) pp. 271-274.

465THÉVENOZ (1995) pp. 284-310; WATTER (1995) pp. 35-50; Droit et pratique des opé-rations fiduciaires en Suisse (1994).

loppements importants. En matière de fiducie-gestion, notamment, de nom-breuses opérations pour lesquelles le trust peut être utilisé (titrisation d’ac-tifs: asset-backed securities; opérations de défaisance: defeasance) ne pa-raissent pas pouvoir être réalisées dans le cadre de la fiducie466, laquelle est fortement limitée par l’application des règles sur le mandat (résiliation pos-sible en tout temps, instructions du mandant, absence d’un cadre suffisant pour des bénéficiaires autres que le fiduciant) et l’absence d’une reconnais-sance adéquate d’un patrimoine fiduciaire distinct du patrimoine personnel du fiduciaire. Là où le trust se révèle un instrument incontournable pour la constitution et la gestion de sûretés collectives (au profit de plusieurs créan-ciers), la fiducie-sûreté paraît complètement ignorée.

Comme en France – où l’échec du projet de loi sur la fiducie467 a re-tardé sine die la ratification de la Convention – et au Luxembourg – où la ratification de la Convention entreprise par le gouvernement fournit l’occa-sion de réviser le règlement grand-ducal de 1983 sur les opérations fidu-ciaires des banques468 –, la signature et la ratification de la Convention relative au trust est, pour la Suisse, l’occasion de s’interroger sur l’opportu-nité de codifier la fiducie de sorte à combler les lacunes de nos textes, améliorer la sécurité juridique et renforcer la protection des parties, tout en veillant à ne pas compromettre l’intérêt public ni celui des tiers de bonne foi.