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Les données sur les violences faites aux femmes en France

Partie I CADRE THÉORIQUE

Chapitre 2. De la violence à la violence conjugale…

2.2. La violence conjugale…

2.2.3. Les données sur les violences faites aux femmes en France

2.2.3.1. Les enquêtes sur les violences faites aux femmes au sein du couple

Avant la réalisation, en l’an 2000, de l’enquête Enveff, le phénomène des violences faites aux femmes était partiellement connu par les administrations. C’est grâce aux préoccupations liées au sida que les premières informations sur les violences ont commencé à apparaître. Mais celles-ci concernaient, dans un premier temps, les violences de type sexuel. En 1997, le service des Droits des femmes et le Secrétariat d’État aux Droits des femmes, en réponse aux recommandations de la conférence de Pékin tenue en 1995, commandent la réalisation d’une enquête au niveau national expressément dédiée au sujet de la violence envers les femmes de manière large. C’est ainsi que l’enquête Enveff se met en place. La collecte des données est menée en l’an 2000 par téléphone auprès d’un échantillon de 6 970 femmes âgées de 20 à 59 ans et résidant, hors institution, en métropole. Elle est publiée en 2001. Plusieurs points ont pu être relevés, améliorant la compréhension de la nature de ce phénomène. Premièrement, les femmes sont davantage en danger chez elles que dans la rue ou que sur leur lieu de travail. La sphère privée est plus touchée par les violences de tous types : insultes, harcèlement moral, injures répétées, chantage affectif, pressions psychologiques, attitudes de dénigrement, menaces, violences physiques ou sexuelles. Deuxièmement, l’identification de la violence n’est pas toujours immédiate, ni pour les auteurs ni pour les victimes ou leur entourage. Troisièmement, il existe un grand silence et une occultation des violences par les femmes qui les subissent. Le secret est d’autant plus fort que la situation se vit dans l’intimité. Cette enquête démontre également que la violence conjugale ne répond pas à un profil particulier de personnes ; elle touche tous les milieux, tous les âges et toutes les catégories socioprofessionnelles. Elle a des conséquences sur la santé physique et psychique de la personne qui la subit mais aussi des répercussions sur les plans social et économique de la société, sans oublier les lourdes conséquences que cela entraîne chez les enfants.

Récemment en France, la demande publique d’une connaissance plus approfondie sur les violences et les rapports de genre a été réaffirmée par l’organisation d’une nouvelle enquête. L’enquête Virage19 (Violences et rapports de genre : contextes et conséquences des violences

19 Debauche, A., Labugle, A., Brown, E., Tania Lejbowicz, Mazuy, M., Charruault, A., Dupuis, J., Cromer, S. & Hamel, S., C. (2017). Présentation de l'enquête Virage et premiers résultats sur les violences sexuelles. Paris : INED, janvier 2017. (Documents de travail ; 229).

subies par les femmes et par les hommes), mise en place sur le modèle de l’Enquête Enveff, porte sur les violences interpersonnelles subies dans les douze derniers mois et au cours de la vie dans le cadre des études, du travail, des espaces publics et d’une relation avec un conjoint ou ex-conjoint. Elle se donne pour objectif de décrire cette diversité. Par ailleurs, elle entend distinguer les violences subies selon la nature, la fréquence, le contexte et les conséquences des actes subis.

2.2.3.2. Mise en perspective des données sur les violences conjugales avec celles commises dans les espaces publics

Selon une publication de Florence Maillochon et l’équipe Enveff, près d’une femme sur cinq a subi au moins une forme de violences dans les espaces publics. Celles-ci se déroulent généralement de jour et en présence d’autres personnes. (Maillochon & équipe Enveff, 2004).

Figure 6. Femmes et violences dans les espaces publics <https://www.ined.fr/fichier/s_rubrique/26153/document_travail_2017_229_violences.sexuelles_enquete. fr.pdf> (consulté le 28/07/2019).

D’autre part, une femme sur vingt déclare avoir été suivie. Cependant, les agressions sexuelles (attouchements, tentatives de rapports forcés, rapports forcés) sont le plus souvent le fait d’hommes que les femmes connaissent. Les inconnus sont auteurs d’agressions dans moins d’un quart des cas. Les femmes courent donc plus de risques d’être agressées à l’intérieur du domicile. Pour autant, cette plus grande exposition des femmes à la violence dans le cadre du domicile n’est pas perçue comme telle par les femmes elles-mêmes. En effet, selon une première publication de l’enquête Virage, les femmes disent subir des violences sexuelles plus fréquemment dans les espaces publics que dans les espaces privés. 1,90 % des femmes (soit 381 000 personnes), déclarent avoir subi au moins une forme de violence sexuelle (comprise comme des attouchements des seins et des fesses, baisers forcés, pelotage, attouchements du sexe, viol et tentative de viol, hors exhibitionnisme ou harcèlement) dans les espaces publics. C’est le cas pour 0,47 % des hommes, soit 90 500. En revanche, seulement 0,28 % des femmes déclarent avoir subi des agressions sexuelles de la part de leur partenaire au cours des douze mois précédant l’enquête.

Par ailleurs, selon un rapport publié pour Bordeaux Métropole sous la direction d’Y. Raibaud, toutes les femmes, indépendamment de leur âge et de leur catégorie socioprofessionnelle, partagent un sentiment d’insécurité dans la ville. Ce sentiment influe sur leur mobilité, « caractérisée par un sentiment d'inconfort le jour (harcèlement dans les transports, dans l'espace public), par un fort sentiment d'insécurité la nuit, ou leur présence dans l'espace public diminue fortement. »20. D’autre part, le sentiment d’insécurité semble être plus important dans les quartiers concernés par la politique de la ville. Selon un rapport du HCEfh, près d’une femme sur trois éprouve un sentiment d’insécurité dans son quartier21 (contre moins d’une femme sur cinq hors anciennes ZUS) et 10 % d’entre elles ont été victimes de violences physiques ou sexuelles.

Cet écart existant entre la peur ressentie, les violences réelles et celles qui sont rapportées s’explique par le fait que certains types d’agressions, comme les attouchements, le pelotage ou

20 Raibaud, Y. (dir.) (2018). Femmes et mobilités urbaines. Analyse des bonnes pratiques de la ville durable sous l'angle des inégalités entre les femmes et les hommes. Vélo, marche et covoiturage. Rapport pour Bordeaux Métropole, Direction de la Mobilité, février 2018. Bordeaux : Université Bordeaux Montaigne / CESSED / Bordeaux Métropole. <https://www.bordeaux-metropole.fr/var/bdxmetro/storage/original/ application/4993af16510744a26646498de71f4d9f.pdf> (consulté le 28/07/2019).

21 Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes, Les chiffres clés des inégalités femmes-hommes

dans les quartiers prioritaires et les territoires ruraux. Étude n°02-2014-04-EGATER, en collaboration avec

l’Observatoire national des zones urbaines sensibles (Onzus) et l’INSEE, avril 2014. <www.haut-conseil-egalite.gouv.fr/IMG/pdf/hcefh_etude_02-2014-04-egater-2.pdf> (consulté le 12/07/2018).

être embrasée de force, ne sont pas perçues comme des agressions dans le cadre des relations affectives. Il y aurait ainsi un seuil de tolérance qui diffère selon la nature du lien existant entre l’agresseur et la victime. La fréquence plus importante des agressions à l’encontre des femmes dans le cadre du domicile coexiste avec un déficit d’identification de certaines agressions sexuelles qui seraient minimisées ou banalisées, et avec une représentation selon laquelle le danger se trouve dehors. Cela explique que les violences repérées dans le cadre du couple par les femmes concernent des violences extrêmes, comme des viols ou des agressions sexuelles. « 65 % les femmes qui déclarent une agression sexuelle dans le cadre du couple ont été victimes de viols, de même que 56 % de celles qui déclarent une violence sexuelle commise par un ex-conjoint. » (Debauche A. et al., 2017, p. 30-31). Toutes violences confondues, les espaces du domicile revêtent, pour les femmes, une dangerosité plus importante que les espaces publics. « En moyenne, le nombre de femmes âgées de 18 à 75 ans qui au cours d’une année sont victimes de violences physiques et/ou sexuelles commises par leur ancien ou actuel partenaire intime, est estimé à 225 000 femmes », ce qui représente 1 % de la population totale22. D’autre part toutes les femmes ne sont pas touchées par la violence de la même manière.

2.2.3.3. … et dans les transports en commun

Selon un rapport publié en 2015 par le HCEfh, les données disponibles sur les violences faites aux femmes dans les transports en commun restent peu nombreuses. Ce rapport signale que le phénomène est encore méconnu et mal appréhendé, en premier lieu par les victimes elles-mêmes. Cependant, ce même rapport révèle que 100 % des utilisatrices des transports en commun ont été victimes au moins une fois dans leur vie de harcèlement sexiste ou d’agressions sexuelles. Les jeunes femmes sont particulièrement concernées.

Ces données sont corroborées par d’autres enquêtes. Ainsi, selon une étude menée en 2016 par la fédération nationale des usagers du transport, 87 % des femmes ont déjà été victimes de harcèlement dans les transports publics. Mais seulement 2 % d'entre elles déposent plainte23. Concernant les modalités du harcèlement, la présence envahissante semble être la plus répandue (87 %), suivie par le sifflement (83 %).

22 Champ : Femmes âgées de 18 à 75 ans, vivant en ménage ordinaire en Métropole. Source : enquête « Cadre de vie et sécurité » 2012-2017 – INSEE-ONDRP. Ces chiffres sont des moyennes obtenues à partir des résultats des enquêtes annuelles menées de 2012 à 2017.

23 Dans <https://france3-regions.francetvinfo.fr/occitanie/haute-garonne/toulouse/nouvelle-campagne-tisseo-contre-harcelement-sexuel-transports-toulousains-1434817.html> (consulté le 12/07/2019).

Figure 7. Enquête sur les harcèlements subis dans les transports en commun. FNAUT, 2016

De même, les résultats d’une enquête intitulée « Femmes et déplacements », menée en novembre 2016 par Arnaud Alessandrin, Léticia César-Franquet et Johanna Dagorn24 auprès d’un échantillon de 5 218 femmes, sont similaires. Ainsi, 25 % des actes de harcèlement prennent la forme d’un regard insistant ou d’une présence envahissante, 19 % concernent des propos non désirés ; des actes d’attouchement et d’effleurement recouvrent environ 18 % des situations ; 13 % des cas prennent la forme d’insultes et menaces et 6 % d’exhibitionnisme.

Ainsi que ce rapport l’indique, la majorité des femmes victimes ne dénonce pas les violences ni ne demande de l’aide. La banalisation et l’accoutumance à une situation beaucoup trop fréquente fait qu’elles composent avec cette réalité de manière individuelle. Par ailleurs l’entourage est peu réactif et intervient peu ou pas face aux situations du harcèlement.

24 Alessandrin, A., César-Franquet, L. & Dagorn, J. Femmes et déplacements. Bordeaux Métropole, novembre 2016. <https://entreleslignesentrelesmots.files.wordpress.com/2017/02/femmes-et-deplacements.pdf> (consulté le 20/07/2019).

Figure 8. Harcèlement et violences vécus par les femmes lors de leurs déplacements au sein de Bordeaux Métropole