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Les données issues des études du Défenseur des droits

Connaitre la nature et les mécanismes de discriminations dans la Fonction publique

1.1. Les données issues des études du Défenseur des droits

Les études et recherches financées par le Défenseur des droits proposent des données utiles sur la nature et l’ampleur des discriminations dans la fonction publique et les outils à mobiliser pour mettre en place une politique proactive de lutte contre les discriminations. Les données du Baromètre sur la perception des discriminations, réalisé en partenariat avec l’Organisation internationale du travail (OIT), permettent chaque année de fournir des indicateurs mettant en lumière des situations que les recours reçus par les administrations, les syndicats, le Défenseur des droits ou la justice ne révèlent pas toujours. L’analyse des résultats, qui concernent aussi bien l’emploi public que l’emploi privé, s’appuie sur une approche intersectionnelle : certaines caractéristiques personnelles qui sont autant de critères de discriminations, telles que le sexe, l’origine, le handicap ou l’âge, peuvent être croisées pour mesurer les discriminations multiples et donner à voir l’hétérogénéité des inégalités de traitement selon les groupes sociaux.

1.1.1. Les discriminations à l’embauche

Les 8e (2015) et 9e (2016) baromètres réalisés avec l’OIT se sont intéressés aux demandeurs et demandeuses d’emploi afin de connaître leur perception des discriminations à l’embauche ou lors de processus de recrutement.

Un consensus se dégage sur la fréquence des discriminations à l’embauche, sans que l’on puisse faire la part respective des secteurs public et privé. Dans la huitième édition du Baromètre de 2015, 85 % des demandeurs et demandeuses d’emploi interrogées déclarent que les discriminations sont fréquentes. Dans ce même groupe, 32 % estiment qu’elles sont même très fréquentes. Les demandeurs et demandeuses d’emploi d’origine étrangère sont aussi plus enclines à dire avoir subi une discrimination lors d’un entretien d’embauche (74 %, +10 points par rapport aux autres demandeurs d'emploi), après réception ou examen de leur curriculum vitae (54 %, +26 points) ou encore pour accéder à une formation (42 %, + 21 points). À la suite d'une discrimination à l'embauche, un peu plus de quatre personnes sur dix ont abandonné leur recherche d'emploi (43 %). Seulement 15 % ont entrepris des démarches pour faire reconnaître la discrimination.

Dans le cadre de son 9e baromètre publié en 2016, le Défenseur des droits et l’OIT ont souhaité enquêter sur des discriminations trop peu connues et prises en compte : les différences de traitement fondées sur l’apparence physique, c’est‑à‑dire, les caractéristiques physiques des personnes mais également leurs attributs vestimentaires. 8 personnes en recherche d’emploi sur 10 pensent que leur apparence physique a une influence sur la personne en charge du recrutement et qu’avoir une corpulence ou un style vestimentaire

« hors normes » constitue un inconvénient pour être embauché. Ce critère constitue le deuxième critère de discrimination déclaré par les personnes en recherche d’emploi et particulièrement les femmes. De fait, 10 % des femmes et 6 % des hommes au chômage déclarent avoir été discriminés à l’embauche à raison de leur apparence physique. L’approche intersectionnelle a notamment permis de mettre en évidence que les femmes déclarent deux fois plus avoir été discriminées à raison de leur apparence physique que les hommes et que les normes sociales en la matière pèsent beaucoup plus sur elles quand elles ont un physique ou une apparence vestimentaire hors norme5.

5 Les femmes obèses déclarent 8 fois plus souvent des discriminations que celles dont l’indice de masse corporelle (IMC) est dans la norme et les

Cette forme de discrimination encore trop peu connue et reconnue fait l’objet d’une campagne d’information du Défenseur des droits depuis 20166 et mérite l’attention des administrations.

Les fonctions publiques peuvent recourir à divers modes de recrutement, mais quels que soient ces modes de recrutement, y compris pour les concours, les personnes intervenant dans le processus de décision doivent être sensibilisées à ces phénomènes.

Les résultats de ces enquêtes déclaratives, qui font part d’un taux de discriminations à l’embauche important, sont confirmés par les études commandées par l’État. À cet égard, le Défenseur des droits salue les efforts réalisés en matière de travaux d’études sur l’accès à la fonction publique, s’appuyant sur des campagnes de testing régulières, qui ont permis notamment de mettre à jour des discriminations à l’embauche liées à la réputation du lieu de résidence et à l’origine dans la fonction publique territoriale et dans le secteur hospitalier (Rapport L’Horty, Les discriminations dans l’accès à l’emploi public, juin 2016). Le rapport Rousselle sur les écoles de service public et la diversité, réalisé à la demande du Premier ministre en février 2017, montre, notamment à partir de suivi de cohortes (enquête PISA 2012), une surreprésentation des enfants de fonctionnaires et une relative fermeture aux personnes descendantes d’immigrées.

Une nouvelle campagne de testing a donné lieu à un rapport en juillet 2018 mettant en évidence une tendance à la diminution de l’intensité des discriminations dans l’accès à l’emploi dans le secteur public, même si des discriminations en raison de l’origine sont toujours observées.

Remis en octobre 2020, le troisième rapport L'Horty révèle de fortes discriminations à l’embauche selon l’origine et le handicap, dans un même ordre de grandeur, et ceci tant dans la fonction publique que dans le secteur privé. Il montre également que les personnes en situation de handicap administrativement reconnues ne bénéficient pas d’un meilleur accès à l’emploi que celles qui n’ont pas cette reconnaissance.

1.1.2. Les discriminations dans la carrière : le poids de l’origine, du sexe et du handicap

Les 10e (2017) et 11e (2018) baromètres sur la perception des discriminations dans le déroulement de carrière ont fourni des informations pour mobiliser et cibler les politiques de lutte contre les discriminations dans la fonction publique. Ces deux éditions se sont appuyées sur les résultats issus de l’enquête « Accès aux droits » du Défenseur des droits (échantillon de 5 117 personnes représentatif de la population de France métropolitaine en termes d’âge, de sexe, de catégorie professionnelle et de niveau de diplôme, interrogées en 2016).

Le 10e baromètre confirme en 2017 la persistance d’un niveau élevé de perception des discriminations dans l’emploi privé et public, tant sur le plan des représentations que des expériences. Une personne active sur trois (34 %) déclare avoir été discriminée dans l’emploi au cours des cinq dernières années. Si les personnes au chômage sont proportionnellement nettement plus nombreuses à déclarer avoir été discriminées dans les cinq dernières années (53 %), 32 % des agents du public indiquent avoir subi des discriminations ; ce taux est équivalent aux salariés du privé (30 %).

Parmi ces personnes déclarant avoir été confrontées à des discriminations liées à l’emploi on observe de grandes disparités au sein de la population. Les femmes dans le halo de la maternité, les personnes à l’origine extra‑européenne réelle ou supposée ou les personnes en situation de handicap cumulent ainsi les discriminations.

6 Dépliant sur les discriminations à raison de l’apparence physique (février 2016) + Affiche dédiée du Défenseur

Le graphique ci‑après donne ainsi à voir l’hétérogénéité des situations et la répartition des expériences de discrimination déclarées selon l’appartenance à certains groupes sociaux :

34 %

Le groupe des personnes en situation de handicap apparaît particulièrement exposé aux discriminations. Ainsi, tous critères de discrimination confondus (sexe, âge, handicap, origine...), près d’une personne sur 2 en situation de handicap déclare avoir été discriminée dans l’emploi public ou privé (49 %) contre 31 % des personnes non concernées par le handicap.

Les femmes actives de 18 à 44 ans présentent un taux global d’expériences de discrimination de 46 % tous critères confondus. Entre 18 et 34 ans, plus d’une femme sur deux déclare des discriminations dans l’emploi (53 %), contre une femme sur trois entre 45 et 54 ans (30 %). En outre, toutes choses égales par ailleurs, les femmes actives de 18 à 44 ans mères d’un enfant en bas âge ont été deux fois plus confrontées à des discriminations que celles qui ont un enfant plus âgé. Le poids des stéréotypes liés à la grossesse (future ou soupçonnée) et à la situation de famille est majeur.

Si l’on observe la situation des femmes de 18 à 44 ans perçues comme noires, arabes ou asiatiques, on constate qu’elles déclarent un taux global de discrimination nettement supérieur à celui des femmes perçues comme blanches (65 % contre 42 %). Toutes choses égales par ailleurs, elles ont une probabilité 2,5 fois plus élevée d’expérimenter des discriminations dans l’emploi que les femmes perçues comme blanches.

Les hommes rapportent bien moins de discriminations que les femmes : 28 % d’entre eux déclarent des expériences de discrimination, tous critères confondus, dans leur recherche d’emploi et/ou la carrière. Mais le poids de l’origine réelle ou supposée reste prégnant : près de la moitié des hommes vus comme noirs, arabes ou asiatiques (48 %) déclarent avoir été discriminés contre 24 % de ceux qui sont vus comme blancs. Par rapport aux hommes de 35 à 65 ans vus comme blancs et toutes choses égales par ailleurs, les hommes du même âge vus comme d’origine extra‑européenne ont une probabilité trois fois plus élevée de déclarer des discriminations et ceux de 18 à 34 ans 5 fois plus.

La 13e édition (2020) du baromètre montre que :

23 % des personnes actives déclarent avoir vécu une discrimination ou un harcèlement discriminatoire (‑7 points par rapport à 2013). Principaux critères évoqués :

L’apparence physique (40 %)

Le sexe (40 %)

L’état de santé (30 %)

42 % des personnes actives déclarent avoir été témoins de discrimination(s) ou de harcèlement discriminatoire (+8 points par rapport à 2012).

‑ Les victimes sont deux fois plus nombreuses à entamer des démarches à la suite d’une discrimination par rapport à 2012.

1.1.3. Focus sur les discriminations en raison de l’activité syndicale

La 12e édition (2019) du baromètre des discriminations dans l’emploi public et privé vise à mieux connaître les discriminations en raison de l’activité syndicale.

L’enquête est inédite par son ampleur et sa méthode puisqu’elle interroge deux groupes d’individus sur leur perception et leur expérience des discriminations dans l’emploi en raison de l’activité syndicale : d’un côté 1 000 personnes représentatives de la population active et, de l’autre, 33 000 adhérents et adhérentes des huit principales organisations syndicales françaises.

Les résultats de cette enquête montrent que la discrimination syndicale au travail est répandue et que près de la moitié (46 %) des personnes syndiquées interrogées affirment avoir déjà été discriminées au cours de leur carrière professionnelle en raison de leur activité syndicale. L’engagement syndical est ainsi perçu comme un risque professionnel pour 42 % de la population active et 67 % des syndiqués interrogés. L’enquête montre également que les discriminations syndicales prennent souvent la forme de mesures défavorables : absence d’évolution de carrière pour 47 % personnes syndiquées interrogées, dégradation du climat de travail (44 %), des conditions de travail (36 %) et non‑augmentation salariale (30 %).

En dépit de l’existence de règles spécifiques à la fonction publique en matière d’avancement de carrière et de rémunération, 40 % des agents syndiqués du secteur public déclarent avoir été discriminés en raison de leur activité syndicale. Environ un tiers de ces agents estime qu’exercer une activité syndicale freine leur évolution professionnelle et l’évolution de leur rémunération. Il n’y a pas de différence significative dans ces résultats entre les fonctions publiques d’État, territoriale ou hospitalière.

1.1.4. Les comportements hostiles au travail : l’ampleur du harcèlement discriminatoire

Pour sa 11e édition publiée en septembre 2018, le baromètre des discriminations dans l’emploi public et privé donne à voir l’exposition de la population active aux propos et comportements sexistes, homophobes, racistes, liés à la religion, handiphobes ou liés à l’état de santé. Près d’une personne sur quatre déclare avoir déjà fait l’objet de ce type de propos ou comportement au travail, cette exposition étant équivalente dans le secteur public (27 % des agents concernés) et le secteur privé (25 % des salariés concernés). Les résultats mettent ainsi en évidence que la fonction publique n’est pas épargnée par ces propos et comportements stigmatisants qui viennent bien souvent s’ajouter aux discriminations.

897

L’enquête met également en évidence une exposition hétérogène selon les groupes sociaux et une imbrication des propos et comportements stigmatisants avec des expériences de discrimination et des situations de dévalorisation du travail.

Répartition des expériences de propos et comportements sexistes, racistes, homophobes, liés à la religion, handiphobes ou liés à l’état de santé au travail, pour certains groupes sociaux

11 % 25 %

Les résultats de ces études s’appuient sur des données déclaratives qui concernent l’ensemble des discriminations à l’embauche et dans l’emploi.

La 13e édition (2020) du baromètre approfondit les enjeux d’interdépendance des attitudes hostiles au travail en mettant en lumière de manière leurs conséquences sur les individus et leurs parcours professionnels.

L’enquête s’intéresse à quatre types de comportements hostiles au travail :

‑ Les préjugés et stéréotypes, certaines catégories de personnes apparaissent particulièrement stigmatisées : les personnes transgenres (17 % des personnes interrogées sont moins à l’aise avec des collègues transgenres), issues des gens du voyage (13 %) ou atteintes d’une maladie grave (13 %) ;

‑ Les situations de dévalorisation au travail (sous‑estimation des compétences, attribution de tâches inutiles, ingrates ou dévalorisantes, tentative d’humilier ou de ridiculiser, sabotage du travail…) sont rapportées par près de 80 % des personnes actives au cours de leur vie professionnelle ;

‑ Les propos et comportements stigmatisants : 41 % des personnes interrogées déclarent avoir déjà été victimes d’au moins un propos ou comportement sexiste, homophobe, raciste, lié à l’état de santé, au handicap, à la religion ou à d’autres caractéristiques personnelles au travail ;

‑ Et les discriminations et le harcèlement discriminatoire dans l’emploi, vécues par près d’un quart de la

Au‑delà de ces données préoccupantes, l’enquête met en évidence la dynamique des discriminations au travail dont l’ampleur résulte de l'effet conjugué d'attitudes empreintes de préjugés et de stéréotypes et de pratiques inégalitaires auxquels sont plus particulièrement exposés certains groupes sociaux. Ainsi, 24 % des personnes ayant déclaré une attitude hostile rapportent avoir été confrontées à la fois à des formes de dévalorisation au travail, des propos ou comportements stigmatisants et des discriminations. Inversement, preuve que les discriminations, au sens juridique du terme, ne surviennent jamais isolément, seules 0,1 % des personnes ont déclaré avoir été victimes de discrimination sans mentionner d’autres faits.

Cette 13e édition montre également les conséquences délétères et durables de ces expériences répétées sur les individus et leurs parcours de vie. Près de la moitié des personnes actives ayant déclaré avoir été victimes de discriminations ont connu des conséquences négatives sur leur emploi. 19 % ont été licenciées ou non renouvelées après les faits et 14 % ont reçu un avertissement ou un blâme, ou bien ont été mutées contre leur gré. Au‑delà de l’emploi, ces expériences peuvent également engendrer des séquelles émotionnelles, psychologiques et physiques, ainsi qu’une altération des relations familiales et sociales. Près de la moitié évoquent notamment un sentiment de fatigue, de tristesse, de déprime ou une dégradation de l’état de santé.

Ces conséquences s’inscrivent dans la durée et viennent bouleverser des trajectoires de vie : 70 % des personnes victimes de discrimination dans l’emploi pensent qu’il est probable ou certain qu’elles en soient à nouveau victime au cours de leur carrière et 22 % ont renoncé à soumettre leur candidature à une offre d’emploi qui était pourtant en adéquation avec leurs compétences au cours des cinq dernières années, que ce soit en raison de leur sexe, de leur âge, de leur origine, de leur religion, de leur état de santé ou d’un handicap, de leur apparence physique ou de leur orientation sexuelle.

Ces résultats viennent plus que jamais conforter l’importance pour les administrations de s’engager pleinement dans la lutte contre les discriminations, prenant en considération à la fois la multiplicité des comportements hostiles au travail, leur dimension systémique et les situations particulières de certains groupes qui y sont surexposés.

Pour autant, les discriminations et faits de harcèlement rapportés ne font que trop rarement l’objet de démarches et recours pour faire valoir ses droits. L’Enquête « accès aux droits »7 réalisée sur le terrain en 2016 montre combien le phénomène de non‑recours est important. Parmi les personnes ayant déclaré avoir vécu au moins une expérience de discrimination dans les cinq dernières années, près de 80 % n’engagent aucune démarche pour faire reconnaître la situation, avec quelques disparités selon les critères et les étapes professionnelles en cause (état de santé ou handicap : 75 % ; origine ou couleur de peau : 88 % ; carrière professionnelle : 72 % ; recherche d’emploi : 93 %).

Ces chiffres doivent alerter chacune des parties prenantes pour prendre au sérieux et investiguer tout signalement. À cet égard, si des progrès ont été enregistrés, des efforts notables doivent encore être produits au sein des trois fonctions publiques.

1.2. Bilan des saisines et décisions du Défenseur des droits