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Bilan des saisines et décisions du Défenseur des droits relatives aux discriminations dans la fonction publique

Connaitre la nature et les mécanismes de discriminations dans la Fonction publique

1.2. Bilan des saisines et décisions du Défenseur des droits relatives aux discriminations dans la fonction publique

Le Défenseur des droits, chargé « De lutter contre les discriminations, directes ou indirectes, prohibées par la loi ou par un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France ainsi que de promouvoir l’égalité » (article 4‑3 de la loi organique n° 2011‑333 du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits), peut être saisi « par toute personne qui s’estime victime d’une discrimination, directe ou indirecte, prohibée par la loi ou par un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, ou par toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits se proposant par ses statuts de combattre les discriminations ou d’assister les victimes de discriminations, conjointement avec la personne s’estimant victime de discrimination ou avec son accord ; » (article 5‑3 du même texte).

7 Enquête sur l’accès aux droits (Volume 3 ‑ Enquête nationale par téléphone sur un échantillon national représentatif aléatoire de 5 117 personnes).

Les réclamations reçues et traitées par le Défenseur des droits, si elles ne peuvent être prises comme une image fidèle des discriminations dans la fonction publique, constituent cependant une source précieuse d’informations sur ces mécanismes. Elles permettent aussi d’élaborer des recommandations pour y remédier.

Les évolutions depuis le précédent rapport demeurent par nature limitées. Le choix a donc été fait de mettre l’accent sur certains aspects abordés moins en profondeur en 2018, tout en rappelant des éléments déjà traités alors, qui demeurent d’actualité.

Les représailles dont sont victimes les agents ayant dénoncé des discriminations relèvent elles‑mêmes de la discrimination et sont prises en compte à ce titre par le Défenseur des droits.

Décision du Défenseur des droits n°2019‑115 relative aux représailles subies par un fonctionnaire à la suite du signalement d’une situation de discrimination qu’il a effectué auprès de la cellule de recueil et de traitement de ces situations mise en place par son employeur

Le Défenseur des droits a été saisi par un réclamant qui estime avoir subi des représailles à l’occasion de son évaluation professionnelle de 2017, à la suite du signalement qu’il a porté auprès de la cellule mise en place en interne pour traiter les situations de discrimination. Le réclamant dénonçait notamment le fait que son supérieur hiérarchique direct tenait des propos à connotation raciste devant le personnel.

Considérant ces représailles comme établies, le Défenseur des droits adresse des recommandations générales à l’employeur afin que celui‑ci rappelle la portée du principe de non‑discrimination à l’ensemble des agents exerçant des missions d’encadrement et qu’il veille à la protection des personnels qui dénonceraient, de bonne foi, des situations de discrimination. Il appelle le responsable du service à porter une attention particulière au déroulement de carrière et aux conditions de travail du personnel qui mettrait en cause sa hiérarchie directe pour des faits de discrimination, auprès de la cellule interne ou de toute autre autorité compétente. Le Défenseur des droits demande également à ce que le champ de compétence de la cellule interne soit élargi au traitement des situations de représailles dont pourraient être victimes les agents qui la saisissent.

1.2.1. Des réclamations toujours nombreuses

Nombre de réclamations d’agents et agentes des trois fonctions publiques reçues au siège8

Année 2014 2016 2018 2019 2020

Nombre de réclamations 724 1 076 1 321 1 334 1 378

Nombre de réclamations « discriminations » 511 669 756 760 742

Plus de la moitié des réclamations des agentes et agents publics9 traitées par le siège de l’institution concernent des discriminations10.

La réclamation ne précise pas toujours le motif de discrimination, ni même le critère discriminatoire : c’est parfois seulement au cours d’un échange avec le réclamant, ou lors d’un ajout de pièces, que le motif discriminatoire apparaît. La discrimination peut être complexe à établir, un agent dont la progression de carrière a été entravée peut ne pas savoir si c’est en raison de son sexe, de ses activités syndicales ou en raison d’un motif légitime.

8 Les réclamations reçues au siège incluent celles qui sont clôturées par le service de recevabilité et ne sont pas transmises au pôle fonction publique.

9 Fonctionnaires et agents non titulaires des fonctions publiques de l’État, territoriale, hospitalière, magistrats, militaires, fonctionnaires des assemblées parlementaires etc.

10 Les autres réclamations concernent des atteintes aux droits, notamment sociaux et financiers, liées en particulier à la technicité et/ou la complexité des procédures (constitution des droits à pension, perception des allocations de retour à l’emploi par les anciens agents, en particulier non titulaires, récupération de rémunérations ou d’indemnités indues, absence ou insuffisance des réponses apportées etc.). En 2019, par

Décision du Défenseur des droits n°2020‑117 relative à un refus de recrutement sur un poste de chercheur

La candidature d’un doctorant à un poste de chargé de recherche au sein d’un centre de recherche scientifique, qui avait précédemment déjà été rejetée à deux reprises par le jury d’admission alors que son dossier avait été très bien classé par le jury d’admissibilité, a une nouvelle fois été rejetée. Le réclamant estime ainsi avoir été victime de discrimination, sans que ses mérites professionnels aient été réellement pris en compte, en raison de son origine, son patronyme ainsi que de son âge. L’enquête menée par le Défenseur des droits n’a cependant pas permis de retenir de discrimination à raison de l’origine, du patronyme ou de l’âge de l’intéressé.

Il n’en demeure pas moins, que si la discrimination n’a pas pu être retenue individuellement à l’encontre du réclamant, le Défenseur des droits considère que la procédure de recrutement à laquelle il a participé, eu égard à son manque de transparence, présente un caractère potentiellement discriminatoire, dans la mesure où le jury d’admission n’émet aucun rapport mentionnant les appréciations portées sur les candidatures qui lui sont soumises. Cette absence de motivation écrite des décisions du jury d’admission est susceptible de faire naître un doute légitime quant au caractère potentiellement discriminatoire des choix retenus eu égard à l’opacité de la procédure ainsi mise en œuvre. C’est pourquoi, le Défenseur des droits a décidé de recommander au Président directeur général du centre de recherche mis en cause de veiller à ce que, à compter des prochaines campagnes de sélection des candidats aux concours ouverts auprès de ce centre de recherche scientifique, le jury d’admission motive ses décisions sur chacune des candidatures examinées, par exemple, par le biais d’un rapport écrit.

Sur l’ensemble des réclamations pour discriminations, le handicap constitue le premier critère (168 en 2020, soit 22 %), suivi par l’état de santé (136, soit 18 %), les deux n’étant pas toujours simples à distinguer. Viennent ensuite l’origine/race/ethnie (93, soit 12 %), l’activité syndicale (85, soit 11 %), le sexe (41, soit 5,5 %), la grossesse (32, soit 4 %), l’âge (24, soit 3 %), l’apparence physique (22, soit 3 %), les autres critères étant invoqués dans moins de 20 réclamations.

Discrimination par critères dans l’emploi public de 2018 à 2020

0 %

Handicap Origine Activités syndicales

Etat de santé Sexe Grossesse Âge

Situation de famille Nationalité Aparence pysique Opinion politique Orientation sexuelle Vulnerabilité économique Identité de genre AutresLieu de résidence

Convictions religieuses 5 %

10 % 15 % 20 % 25 %

en pourcentage 2018 en pourcentage 2019 en pourcentage 2020

Répartition des saisines pour discrimination reçues en 2020 par mis en cause :

Mis en cause 2020 %

Fonction publique d’État 271 50

Fonction publique territoriale 172 32

Fonction publique hospitalière 35 6,5

Établissements publics 62 11,5

Total des mis en cause identifiés11 540 100

Une analyse plus précise sur les mis en cause et les problèmes de discriminations spécifiques à chacun des trois versants de la fonction publique fait apparaître des spécificités notables :

‑ Près de la moitié des dossiers reçus au siège pour discrimination au sein de la fonction publique d’État (FPE) portent sur le handicap et l’état de santé (26 et 22 %). Viennent ensuite l’activité syndicale (11 %) et l’origine (10 %).

Pour la fonction publique territoriale (FPT), la prédominance des dossiers handicap et état de santé est moins marquée (19 % chacun). En revanche, la discrimination syndicale est en forte hausse en 2020 (17 %). L’origine est invoquée dans 13 % des réclamations. Les opinions politiques constituent un facteur de discrimination spécifique à la FPT, bien qu’il demeure rarement invoqué : agents sont victimes de discrimination parce qu’ils sont proches ou membres de la famille d’anciens élus et/ou d’opposants politiques.

‑ S’agissant de la fonction publique hospitalière (FPH), le nombre de dossiers exploitables est peu élevé, mais les réclamations fondées sur l’état de grossesse (non‑renouvellement d’agentes) et la discrimination pour motif syndical sont plus fréquentes que dans les autres fonctions publiques.

Plus généralement, les agents contractuels sont surreprésentés par rapport aux fonctionnaires parmi les réclamants, les recrutements et renouvellements constituant autant d’occasions de discriminations.

1.2.2. Des modalités d’intervention diverses pour s’adapter aux besoins des réclamants

Pour lutter contre ces discriminations directes ou indirectes dont les agentes et agents publics font encore trop souvent l’objet, le Défenseur des droits dispose de plusieurs modalités d’intervention.

Il peut en premier lieu recourir aux délégués (536 sur tout le territoire) dans le cadre d’une démarche de médiation. Plus proches du terrain, ils sont à même de débloquer des situations rapidement, lorsqu’elles ne concernent pas les administrations centrales et qu’aucun litige judiciaire n’est pendant. S’agissant de discriminations envers les agents publics, ils interviennent de manière très différenciée : ils sont ainsi souvent sollicités s’agissant des aménagements de poste pour les agents handicapés ou en raison de l’état de santé, dès lors que l’objectif est de trouver une solution adaptée au litige plus que d’établir la réalité d’une discrimination.

En revanche, les réclamations liées à l’origine sont plus souvent traitées au niveau central dès lors qu’elles nécessitent une procédure d’instruction contradictoire des dossiers et que le réclamant a saisi un tribunal.

Pour améliorer la prise en charge des réclamations, le Défenseur des droits a mis en place à compter de l’automne 2019 des chefs de pôle régionaux, chargés de coordonner et d’harmoniser le traitement des réclamations par les délégués et de fluidifier les relations entre les services centraux et les territoires.

Le Défenseur des droits peut mobiliser les pouvoirs d’investigation qui lui ont été confiés par la loi organique n° 2011‑333 du 29 mars 2011 afin de recueillir auprès des personnes mises en cause les informations nécessaires à l’exercice de sa mission. Dans le cadre de ses instructions, il applique l’aménagement de la charge de la preuve12. Des correspondantes et correspondants du Défenseur des droits ont été désignés au sein de la plupart des ministères et sont saisis ou informés par l’institution des saisines relatives à leurs services, en particulier dans le cadre de l’instruction des dossiers.

11 S’y ajoutent les entreprises, organismes sociaux, ainsi que les acteurs insuffisamment renseignés pour être exploités.

12 Article 4 de la loi n°2008‑496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations : « Toute personne qui s’estime victime d’une discrimination directe ou indirecte présente devant la juridiction compétente les faits qui permettent

Cependant, les relances s’avèrent très souvent nécessaires, ce qui contribue à allonger les procédures et peut poser des difficultés lorsqu’une requête est déposée en parallèle devant le tribunal administratif. Conscient des contraintes qui pèsent sur les administrations, le Défenseur des droits adresse aux mis en cause des demandes de documents aussi précises et limitées que possible, et regrette d’autant plus les délais avec lesquels certains mis en cause lui répondent, délais qui entravent l’accomplissement de sa mission.

A l’issue de l’instruction, afin de permettre le contradictoire, une note récapitulant la position du Défenseur des droits est adressée au mis en cause lorsque les documents transmis (ou non‑transmis) ne permettent pas d’écarter l’existence d’une discrimination. C’est l’occasion pour l’administration de répondre aux arguments et, le cas échéant, de fournir des explications complémentaires pour établir l’absence de discrimination.

L’instruction achevée, lorsque la discrimination est établie, le Défenseur des droits peut privilégier, selon les circonstances et les demandes du réclamant ou de la réclamante la formulation de recommandations ou la présentation d’observations devant les juridictions administratives. En matière de discrimination, à l’exception des situations d’aménagement de poste, le règlement amiable n’est pas la procédure la plus fréquente : les réclamants saisissent souvent le Défenseur des droits après avoir tenté de parvenir à une solution négociée, si bien que la tension accumulée ne permet pas toujours de trouver une telle issue.

Décision n° 2020‑026 relative aux difficultés rencontrées par les personnes sourdes et malentendantes en matière d’emploi public

Le Défenseur des droits a été saisi par une association qui dénonce les difficultés rencontrées par les personnes sourdes et malentendantes en matière d’accès à l’emploi public et au cours de leur carrière.

Le Défenseur des droits a diligenté une enquête concernant la question des emplois susceptibles d’être fermés aux personnes atteintes de déficience auditive. Dans ce cadre, il a constitué un groupe de travail interne et a saisi les ministères de l’Intérieur et de la Défense, et plusieurs autres acteurs concernés (DGAFP ) car seuls les emplois relevant des métiers de la sécurité publique posent des conditions d’acuité auditive.

Ces travaux ont permis de faire plusieurs recommandations pour une meilleure prise en compte du handicap.

Au‑delà des cas individuels, le Défenseur des droits peut aussi prendre des décisions‑cadre, lesquelles ont vocation à expliciter sa position et constituer un guide pour les personnes physiques ou morales susceptibles de se trouver dans les situations décrites.

La décision cadre n°2019‑205 du 2 octobre 2019 relative aux discriminations fondées sur l’apparence physique vise ainsi à sensibiliser les employeurs privés et publics et les invite à fixer un cadre précis. Elle rappelle que les restrictions doivent être fondées sur « une exigence professionnelle essentielle et déterminante et pour autant que l’objectif soit légitime et l’exigence proportionnée »13. Cinq annexes (obésité et grossophobie, tenues vestimentaires, coiffures, barbes, tatouages et piercings) déclinent les enjeux et les jurisprudences afférentes, en visant à harmoniser les pratiques, quel que soit le secteur d’emploi.

Le Défenseur des droits a également adopté, le 20 juin 2020, la décision cadre n°2020‑136 relative au respect de l’identité de genre des personnes transgenres. Cette décision constitue une synthèse des avis et décisions de l’institution sur le sujet et fait état de 10 recommandations dans 7 domaines différents à destination des pouvoirs publics. Celles relevant directement de l’emploi public recommandent aux employeurs publics de créer un climat inclusif (charte en faveur de la diversité, sensibilisation du personnel, dispositif d’alerte et sanction des actes transphobes) et d’accompagner la transition des personnes transgenres. Cet accompagnement passe par l’utilisation du prénom et du titre de civilité choisis sur tous supports ou documents administratifs, que le prénom ou la mention du sexe ait été ou non modifié à l’état civil. Il passe également par la prise en considération de l’identité de genre de la personne pour l’accès aux vestiaires ou toilettes non mixtes.

13 Article 2‑2° de la loi n° 2008‑496 du 27 mai 2008

1.3. Bilan du traitement des saisines et des décisions relatives