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Chapitre 3 : Dépôt d’aluminium par MOCVD à partir du DMEAA

1. Précurseurs

1.3 DMEAA

L’emploi de l’alane (AlH3) pour la préparation de films d’Al apparaît dans la

littérature de la fin des années 60. Cependant celui-ci n’est pas stable à température ambiante et se polymérise pour former le polyalane, un solide à basse tension de vapeur. La formation d’un couple acide-base de Lewis avec une amine tertiaire donne un complexe donneur-accepteur d’électrons, relativement stable. D’une façon générale, l’intérêt

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principal de cette famille de précurseur est leur faible température de dépôt alliée à l’absence de liaison directe entre l’aluminium et le carbone. Ainsi les films obtenus présentent des puretés parfois supérieures à celle des films obtenus par PVD. Parmi des divers précurseurs synthétisés sur ce principe, tels que triméthylamine alane (TMAA) et triéthylamine alane (TEAA), le DMEAA (CAS n°[124330-23-0]) est un des plus récemment employés en CVD [88]. Il combine les avantages d’être liquide à température ambiante, avec une pression de vapeur saturante assez élevée. Sa structure moléculaire est présentée dans la figure 3.2.

Figure 3.2.Structure moléculaire du DMEAA

Le DMEAA est un liquide incolore au-dessus de 5 °C, sa température de solidification. Il a une forte odeur d’amine, instable, il est pyrophorique et réagi violemment au contact de l’eau et des composés halogénés. Sa densité à 20 °C est 0,78 g/ml. Sa pression de vapeur saturante à l’état liquide est assez élevée, décrite par l’équation (3.2) [89] :

Log(Psat) = 10,7 - 3090/T (3.2)

avec Psat pression en Torr, T température du bulleur en Kelvin. Sa manipulation doit

s’effectuer sous boite à gant uniquement [89].

Le comportement du DMEAA est étudié par plusieurs groupes ([90] et références incluses). Les réactions plausibles de la dissociation de DMEAA dans la phase gazeuse et en surface sont proposées pour expliquer les observations expérimentales [86, 91], et les paramètres cinétiques, comme l’ordre des réactions et l’énergie d’activation ont été évaluées. Selon les observations expérimentales, la vitesse de la croissance du film d’Al est maximale pour une température de dépôt d’environ 150 °C et décroit pour des températures supérieures. La phase gazeuse du DMEAA est instable à la température ambiante résultant de la décomposition du DMEAA en diméthyl amine (DMEA) et alane, comme étudiée par spectroscopie FTIR [90]. Cette dissociation est une réaction de premier ordre avec une énergie d’activation de 9,56 kcal/mole. La vitesse de cette décomposition

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croit avec la température. Matsuhashi et al ont révélé l’augmentation de la pression dans le bulleur du DMEAA de 0,5 à 200 Torr en 500 h à la température ambiante [86]. L’alane est aussi connu comme instable en phase gazeuse et forme des dimères, trimères et d’autres polymères, surtout au-dessus de 150 °C. Dans ces conditions, il peut ne pas s’adsorber en surface pour donner de l’aluminium. Il en résulte une diminution de la vitesse de croissance des films quand la température des substrats est supérieure à 150 °C. Les réactions chimiques ci-après sont suggérées [90].

Première réaction : Réaction en phase gazeuse, qui représente la dissociation du DMEAA en DMEA et alane ; elle est réversible et lente sous atmosphère d’hydrogène. Dans ce cas, une recombinaison possible entre le DMEA et l’alane est possible.

[(CH3)2C2H5]NAlH3 ↔ [(CH3)2C2H5] N: + AlH3

(DMEAA) ↔ (DMEA) + (alane)

Deuxième réaction : Cette réaction résume la dégradation de l’alane, en donnant plusieurs intermédiaires (monomères, dimères, trimères ou polymères), bien que le mécanisme de dégradation reste inconnu.

n AlH3 (alane) → n(AlH3-x) + H2 +H

L’écriture ci-dessus ne représente pas une réaction chimique précise, mais plutôt elle schématise la dégradation de l’alane. Ici, x varie entre 0 et 3.

Troisième réaction : Une réaction en surface avec une formation d’intermédiaires et de germes d’Al et formation de liaisons entre les atomes d’azote dans le DMEA et l’hydrogène. La formation d’hydrogène est probablement due à la dégradation de l’alane. La formation d’Al est observée dans la chambre du réacteur pour des températures supérieures à 170 °C.

La formation d’Al est prise en compte dans la deuxième réaction. Une formation directe (en phase gazeuse) d’Al à partir d’alane semble difficile vu la forte énergie d’activation d’élimination de l’hydrogène gazeux de l’alane gazeux, 42 kcal/mole ; il est plus raisonnable de supposer que l’Al se forme à partir d’un intermédiaire durant la décomposition de l’alane [92] :

[(CH3)2C2H5]N:+ H ↔ [(CH3)2C2H5](N)H

La figure 3.3 illustre un schéma de la décomposition de DMEAA qui s’applique aussi au triméthylalane TMEA proposé par Gladfelter et Simmonds [59].

Ce mécanisme de la dissociation du DMEAA a été confirmé par spectrométrie de masse en ligne dans le réacteur qui a été utilisé pour le dépôt de nos films. La figure 3.4, montre l’évolution des fragments détectés pour une expérience réalisée à 220 °C après correction des signaux pour éliminer des artefacts dus à l’ionisation des espèces sous le faisceau d’électrons (voir exp3 du tableau 3.1). On y observe la seule présence des pics correspondant aux fragments correspondant aux trois espèces gazeuses proposées par le mécanisme ci-haut, à savoir l’alane (issu de la décomposition du DMEAA en phase

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gazeuse), la diméthyléthyl amine et le di-hydrogène. L’intensité de ces fragments reste stable pendant la durée de l’analyse, révélant le caractère stationnaire (par opposition à transitoire) de cette situation. Par ailleurs, cette confirmation du mécanisme valide le protocole d’analyse par spectrométrie de masse en ligne réalisée pendant les expériences de dépôt.

Figure 3.3. Mécanisme réactionnel du DMEAA selon Gladfelter et Simmonds.[59]

Figure 3.4.Spectrométrie de masse en ligne des espèces présentes pendant la dissociation du DMEAA (exp3, tableau 3.1)

Ainsi, malgré son instabilité, nous avons choisi le DMEAA comme précurseur pour réaliser les revêtements d’Al à cause de la qualité chimique et microstructurale des films obtenus.

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