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Chapitre 5 : Dépôt chimique en phase vapeur du fer et de ses composés carbures et nitrures

3. Discussion

Les films déposés à partir du composé monomère contiennent moins d’espèces carbonées que ceux déposés à partir du composé dimère. De plus, le composé monomère permet une température de début de dépôt plus faible et une vitesse de dépôt plus élevée que le composé dimère. Pour ces raisons, Fe(tBu-MeAMD)2 est un précurseur plus

intéressant que Fe2(iPr-MeAMD)4 pour préparer des dépôts à base de fer [139]. L’affinité

du fer pour le carbone explique la formation du carbure Fe3C dans la plupart des

conditions expérimentales mises en œuvre. Il existe cependant des conditions pour lesquelles il se dépose également soit du fer métallique soit du nitrure Fe4N ou du carbure

Fe4C. Le Fe4N et Fe4C sont isostructuraux. Leur structure cristalline est un réseau cubique

primitif contenant quatre atomes Fe et un atome N (C) par maille avec un arrangement de type semi antipérovskite (FeXFe3 avec X = N ou C). Les paramètres a diffèrent de 3%

seulement. Il n’est donc pas facile de distinguer ces deux phases l’une de l’autre par diffraction des rayons X. Dans ce travail, la possibilité d’utiliser le cuivre des substrats comme étalon interne pour remplacer les angles de Bragg a permis de lever cette difficulté.

Comme indiqué dans l’introduction, les travaux sur la CVD du nitrure Fe4N sont

peu nombreux. Funakubo et col. [161] d’une part, Takahashi et col. [160] d’autre part ont chacun opéré à haute température 700 °C et à la pression atmosphérique, à partir de précurseurs distincts pour le fer et l’azote générant des phases gazeuses complexes. Les conditions du procédé décrit ici sont nettement plus compliqués vu qu’on a travaillé à basse pression [124]. La formation de la phase Fe4N est compatible avec l’analyse des

données de spectrométrie de masse sur la composition de la phase gazeuse lors de la décomposition thermique du composé monomère. Le schéma de la Figure 5.12, élaboré d’après ces données, résume le mécanisme proposé pour cette décomposition (toutes les conversions se font à la surface) :

(i) migration d’un atome d’hydrogène H d’un ligand à un autre, dissociation de la liaison Fe-N et libération d’un ligand HRNC(CH3)NR-H dans la phase gazeuse ; (ii) décomposition

du groupe [Fe(RNC(CH3)NR-H)] restant avec (a) libération du radical HNCH(CH3)2 (m/z = 58)

dans la phase gazeuse, formation de carbone et de l’intermédiaire de surface [Fe– C(CH3)=NR], et (b) libération de méthylpropène (CH3)2C=CH3 (m/z = 56) et de

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l’intermédiaire de surface [Fe–N=C(CH3)NR] ; (iii) décomposition des intermédiaires de

surface avec libération d’acétonitrile CH3CN (m/z = 41) et du radical tert-butyle R (m/z =

56) avec, pour résultat, la formation sur la surface de (a) liaison Fe---N et (b) de Fe et de C.

Figure 5.12. Mécanisme de la décomposition de précurseur monomère.

L’affinité du fer pour le carbone et l’oxygène crée des contraintes majeures pour déposer du fer métallique qui est l’objectif initial, dans le but de pouvoir réaliser des alliages métalliques à base d’aluminium. Plus précisément, la stabilisation du fer métallique doit nécessiter une bonne ventilation de la surface du dépôt en formation, de manière à s’approcher des conditions de la technique ALD. Il serait sans doute également préférable que l’hydrogène soit utilisé à l’état atomique mais, dans le cadre de la thèse nous n’avons pas eu accès à des solutions techniques permettant la formation in situ d’hydrogène atomique.

Les conditions de température et de pression étudiées dans ce travail correspondent à celles présentées pour les dépôts binaires et ternaires. La température minimale pour le dépôt de Fe est de (~280 °C). Malgré la considération de ce critère de compatibilité, elle reste trop élevée par rapport à celle de l’élément majoritaire d’une phase icosaédrique Al-Cu-Fe. Ainsi, la question de la compatibilité des précurseurs amidinates de Fe pour un procédé de codépôt de type Al-Fe se pose non seulement par rapport à la contamination par des éléments tels que le carbone et l’azote, mais aussi par rapport à la température de dépôt des deux éléments dans le contexte adopté. Il convient donc de déterminer la température de dépôt de Fe, malgré une teneur visée pour celui-ci bien plus faible que pour l’Al.

En effet, dans la phase Al62Cu23Fe15 le rapport Fe/Al est 0,24. Une activation

supplémentaire du mécanisme de dissociation des amidinates pourrait contribuer simultanément à la diminution de la température de dépôt et à la pureté des films. Ceci peut se faire par exemple par l’utilisation d’hydrogène atomique et par une bonne ventilation de la surface en croissance de manière à s’approcher des conditions opératoire de la technique ALD. Il est à rappeler que cette étude a été menée en vue de la détermination éventuelle des conditions appropriées pour un codépôt. Si par contre il est visé de déposer du Fe ou métallique, des nitrures de Fe ou des carbures de Fe, les

- HL - (CH3)2C=CH2 - CH3CN; {Fe---N} surf - (CH3)2CHNH {Fe, C} surf Fe(N(C4H9)C(CH3)N(C4H9)2 FeN(C4H9)C(CH3)N(C4H8) FeN(C4H9)C(CH3)=N FeN(C4H9)=C(CH3) C4H9

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conditions opératoires testées peuvent être bien plus variées. Dans cet esprit, la variation de la température se limiterait par une faible vitesse de croissance et par l’incorporation de carbone pour ce qui est des valeurs basse et élevées, respectivement. Par contre, la variation de la pression peut être intéressante, ainsi des pilotages des phases de chrome, métallique ou carbure réalisé en faisant varier la pression, tel que a été rapporté par Maury et col. [177].

4.

Conclusion

Des amidinates de fer ont été testés comme précurseurs pour déposer du fer par MOCVD, dans le cadre d’une étude sur l’utilisation de cette technique pour préparer des alliages métalliques complexes à base d’aluminium, de cuivre et de fer. Dans ce contexte, les amidinates de fer sont intéressants a priori car ils ne contiennent ni oxygène ni liaison Fe-C. Des deux composés retenus, le dérivé iso-propylé (composé dimère) est un dimère à l’état solide alors que le dérivé tri-butylé (composé monomère) est un monomère. A l’état gazeux, la spectrométrie de masse a montré que les deux molécules sont des monomères. Le composé dimère se décompose à partir de 160 °C avec, comme principaux produits de décomposition le ligand HL, l’acétonitrile CH3CN et (CH3)2CHNH. Le composé monomère se

décompose à partir de 150 °C avec, comme principaux produits de décomposition le ligand HL, CH3CN, C4H8, C4H9 et (CH3)2CHNH. La décomposition maximale pour les deux produits a

lieu à 250 °C. Les dépôts ont été réalisés à 10 Torr et à des températures entre 280 °C et 450 °C. Les films obtenus à partir du composé monomère sont contaminés en carbone à une teneur moins importante que ceux obtenus à partir du composé dimère. Une analyse combinée de DRX, EPMA, XPS a révélé que du fer et/ou du carbure Fe3C sont présents dans

les films. Le carbure Fe4C ou le nitrure Fe4N se forment également suivant la température

et le rapport des concentrations en hydrogène et en précurseur à l’entrée du réacteur. Les diagrammes type Arrhenius du dépôt à partir des deux précurseurs ont été déterminés. Celui correspondant au composé monomère présente deux zones : en dessous de 300°C, l’énergie d’activation apparente est de 146 KJ/mol environ ; entre 300°C et 350°C, elle s’établit aux environs de 66 KJ/mol. La limite entre les deux correspond au changement de la composition des films, de Fe4C à 300 °C et en dessous, à Fe4N au-dessus.

Les films déposés à partir du composé monomère présentent une surface métallique réfléchissante de couleur grise. Pour des températures de dépôt inférieures à 300°C, les films sont composés de nano cristallites (taille < 100nm) avec un arrangement dense, quel que soit le précurseur. Cette nano structuration donne des surfaces extrêmement lisses. Les films préparés à 350°C ont des microstructures différentes suivant le précurseur. Le film déposé à partir du précurseur (dimère) contient essentiellement du carbure Fe3C sous forme de nanocristaux mal définis ; celui déposé à partir du précurseur

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texturés suivant l’orientation <111>. Ces derniers présentent une aimantation à saturation 4πMs = 13,6 kG et un champ coercitif Hc = 130 Oe. Les films constitués principalement de carbure Fe3C et, de façon présumée, de fer alpha présentent une aimantation à saturation 4πMs = 4,1 kG et un champ coercitif Hc = 180 Oe.

Ces résultats indiquent qu’il est difficile de considérer ces précurseurs pour le codépôt d’alliages intermétalliques contenant de Fe. La fenêtre paramétrique pour le dépôt de Fe pur reste à déterminer ; elle serait très probablement étroite. De manière plus globale, cette étude peut être considérée comme un balayage systématique des matériaux à base de fer que l’on peut obtenir par MOCVD à partir des amidinates de fer. La détermination de l’ensemble des conditions appropriées à l’obtention soit de fer métallique, soit de nitrure Fe4N ou même de carbures, nécessite de poursuivre les travaux

sur l’influence des gaz réactifs, sur la chimie de surface et sur d’éventuels traitements post- préparatoires.

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Chapitre 6 : Revêtements d’alliages intermétalliques Al-Cu