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Les ´equations de champ moyen d´ecrivent une distribution th´eorique `a chaque instant, mais ne fournissent pas d’indication sur les relations entre les ´etats suc-cessifs atteints le long d’une trajectoire. Pour raisonner en termes de trajectoires,

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il faut partir d’un r´eseau r´ef´erent, et d´ecrire l’´evolution des ´etats au sein de ce r´eseau.

Si on consid`ere un r´eseau de taille finie dont les poids et les seuils sont fix´es une fois pour toutes, et que l’on tire ind´ependamment deux conditions initiales u(0) et u0(0), l’expression de la distance quadratique entre les deux trajectoires u(t) et u0(t) est donn´ee par

(d(t))2 = 1 N N X i=1 (ui(t) − u0i(t))2

Par exemple, pour un r´eseau en r´egime de point fixe, quelle que soit la condi-tion initiale, toute trajectoire individuelle u(t) tend vers la valeur du point fixe u. Ainsi, si on consid`ere deux conditions initiales diff´erentes, et si on mesure `a chaque instant la distance quadratique entre les deux trajectoires trajectoire, on constate qu’au cours du temps cette distance tend vers z´ero.

Au contraire, pour un r´eseau en r´egime chaotique, les deux trajectoires tendent `

a s’´eloigner au cours du temps jusqu’`a approcher une valeur limite dmax qui peut ˆetre consid´er´ee comme le diam`etre de l’attracteur. Dans ce cas, pour deux conditions initiales aussi proches qu’on le souhaite, il existe un temps fini au bout duquel la distance entre les deux trajectoires atteindra l’ordre de grandeur de dmax.

On a repr´esent´e sur la figure2.18l’´evolution de deux trajectoires individuelles ui(t) et u0i(t) sur un r´eseau de taille finie, pour le cas d’un r´egime de point fixe et le cas d’un r´egime chaotique. Dans le premier cas, on voit cette trajectoire tendre vers la mˆeme valeur limite pour les deux conditions initiales. Dans le second cas, on voit les deux trajectoires diverger au cours du temps, et pr´esenter un comportement d´ecorr´el´e au bout d’un temps fini.

La distance quadratique peut ˆetre d´ecrite selon des param`etres macrosco-piques `a la limite thermodynamique [84]. Cette description n´ecessite de calculer la distance quadratique non plus sur l’ensemble des trajectoires individuelles d’un r´eseau donn´e, mais sur des trajectoires individuelles prises sur un grand nombre de r´eseaux. Cette m´ethode a ´et´e introduite par Derrida et Pommeau [86]. La loi de taille finie P2

N porte sur des trajectoires coupl´ees (ui(t), u0i(t)) issues d’un mˆeme r´eseau et de deux conditions initiales diff´erentes.

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A la limite thermodynamique, on peut prouver que la loi PN2 tend vers la loi P2, et l’expression de la distance quadratique est

(d(t))2 = Z Z

(ui(t) − u0i(t))2dP2(t) = 2(ν(t) − ∆(t))

o`u ν(t) est la variance des potentiels selon la loi P (t) et ∆(t) est la covariance des potentiels :

2.2 ´Equations de champ moyen `a la limite thermodynamique 75

Fig. 2.18 – ´Evolution de la distance entre trajectoires individuelles, en r´egime de point fixe et en r´egime chaotique. Les deux figures repr´ e-sentent l’´evolution au cours du temps de deux trajectoires sur un mˆeme r´eseau. La premi`ere trajectoire (trait plein) ui(t) correspond `a la condition initiale u(0). La seconde trajectoire (trait pointill´e) u0i(t) correspond `a la condition initiale u0(0) 6= u(0). La figure du haut correspond `a un r´egime de point fixe (g = 4), et la distance initiale d(u(0), u0(0)) = 0, 65. La figure du bas correspond `a un r´ e-gime chaotique (g = 7), et la distance initiale d(u(0), u0(0)) = 10−3. Param`etres : N = 100, ¯J = 0, σJ = 1, ¯θ = 0.1, σθ = 0.1, i = 1.

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et C(t) est l’expression de la covariance sur les activations selon la loi Q2, image de P2 par la fonction de transfert.

C(t) = Z Z DhDh0fg hpν(t)2− ∆(t)2 pν(t) + h 0 ∆(t) pν(t) + µ(t) ! fg  h0pν(t) + µ(t) 

Ainsi, on peut d´ecrire de mani`ere explicite le comportement de la distance quadratique au cours du temps `a la limite thermodynamique. Pour chaque jeu de param`etres ( ¯J , J , ¯θ, σθ, g), on peut savoir si deux trajectoires tendent `a se rapprocher ou au contraire `a diverger sur le r´eseau g´en´erique.

On peut d`es lors caract´eriser explicitement la dynamique pour les temps longs `a la limite thermodynamique [80]. Soient µ, ν et ∆ les expressions de la moyenne, de la variance et de la covariance des potentiels pour les temps longs. On a alors :

– Si ν = ∆, la distance quadratique est nulle `a la limite thermodynamique. La dynamique pour les temps longs est alors un point fixe tel que pour tout t, ui(t) = ui, o`u la valeur ui est issue d’un tirage selon la loi gaussienne N (µ, ν∗2).

– Si ν > ∆, alors la distance entre 2 trajectoires pour t grand a pour expression d∗2 = E((ui(t) − u0i(t))2) = 2(ν− ∆). Cette valeur positive de la distance signifie que pour toute condition initiale, le signal ui(t) mesur´e sur un r´eseau particulier suit pour les temps longs le processus gaussien ui(t) = ui+ bi(t), o`u la valeur ui est issue d’un tirage selon la loi gaussienne N (µ, ν∗2), et o`u bi(t) est un bruit blanc de variance ν− ∆.

Il apparaˆıt donc que le syst`eme peut pr´esenter `a la limite thermodynamique deux r´egimes dynamiques diff´erents : un r´egime de point fixe (ν = ∆), et un r´egime de type processus gaussien (ν > ∆), qui peut ˆetre interpr´et´e comme la description d’un r´egime chaotique `a la limite thermodynamique. Pour g croissant, la transition d’un r´egime `a l’autre passe par une bifurcation, au cours de laquelle la valeur de ν “d´epasse” celle de ∆. On voit ainsi le caract`ere brutal de la transition du point fixe au chaos `a la limite thermodynamique. Comme il a ´et´e conjectur´e page 71, la plage de transition du point fixe au chaos se r´eduit `a un point unique.

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A la limite thermodynamique, il apparaˆıt que le r´egime de chaos d´eterministe est d´ecrit comme un processus al´eatoire gaussien. Or, une dynamique de type stochastique peut ˆetre consid´er´e comme “plus d´esordonn´ee” qu’une dynamique de type chaotique. `A titre d’indication, le taux de divergence d’un processus stochastique discret est infini, c’est `a dire qu’on n’a aucune m´emoire des ´etats ant´erieurs. `A taille finie, la dynamique ne d´ecrit jamais exactement un processus stochastique. N´eanmoins, plus on s’´eloigne de la fronti`ere du chaos, plus la dyna-mique pr´esente un aspect d´esorganis´e. On peut alors parler de “chaos profond”, et dans ce cas le processus gaussien d´ecrit `a la limite thermodynamique en est une excellente approximation.

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Fig. 2.19 – Vari´et´e de bifurcation. On a trac´e sur cette figure la surface qui marque la s´eparation entre une dynamique de point fixe et une dynamique chaotique, `a la limite thermodynamique, dans l’espace des param`etres ¯θ, σθ et g. On a fix´e les param`etres ¯J = 0, σJ = 1.