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2. Modèles du chauage dans les boucles magnétiques de la couronne solaire 11

2.4. Discussion

FIGURE2.9. – Profils de chauffage par unité de volume, dans le cas d’un champ magnétique uniforme et d’une densité non uniforme (en rouge), d’un champ magnétique également non-unifome (en vert), et de coefficients de viscosité et de diffusivité magnétique dépen-dant de la température (en bleu). Adapté de Buchlin et al.(2007).

Bien que les observations semblent indiquer que les boucles ont une section constante (Klimchuk,2000), des simulations de leur émission en UV parPeter et Bingert(2012) mon-trent que cette section constante pourrait n’être qu’une apparence. Le champ magnétique est donc en fait plus faible au sommet des boucles (ce qui correspond à une boucle plus large au sommet qu’à ses pieds). Nous avons montré que dans ce cas (densité et champ magnétique non-uniformes) le chauffage se concentre aux pieds de la boucle (en vert dans la Fig.2.9). Ceci justifie a posteriori les hypothèses sur la répartition longitudinale du chauffage faites en général dans les simulations hydrodynamiques de boucles coronales (par exempleBradshaw et Mason,2003b;Patsourakos et al.,2004).

J’ai aussi montré qu’il était important de tenir compte de la dépendance de la viscosité et de la résistivité en fonction de la température pour comprendre la répartition du chauffage dans les boucles. En effet, une boucle de champ magnétique longitudinal, de densité non uniforme et de pression uniforme (donc de température T non-uniforme), dans laquelle les coefficients de viscosité cinématique et de diffusivité magnétique varient respectivement en T7/2et en T−3/2(Braginskii,1965), donne un profil de chauffage non-uniforme (en bleu dans la Fig.2.9). Un tel calcul n’avait jamais été fait, car les échelles dissipatives couvrent alors un intervalle d’échelles si large qu’il ne peut pas être modélisé par des simulations numériques directes.

2.4. Discussion

2.4.1. Avantages et inconvénients des deux modèles

Les deux modèles présentés ici, l’automate cellulaire et le modèle en couches, sont des modèles de la MHD réduite, dans un tube de flux magnétique correspondant à une boucle coronale. Ces modèles ne décrivent ni les reconnexions entre boucles différentes, ni les flux de masse longitudinaux dans les boucles coronales, ni la thermodynamique (et donc l’évolution de la température et de la pression), ce qui ne permet pas de prendre en compte l’effet du chauffage sur le plasma (l’énergie dissipée est perdue pour le système) ou de calculer l’émission lumineuse des boucles coronales. La prise en compte des flots longitudinaux, de

2. Modèles du chauffage dans les boucles magnétiques de la couronne solaire

la thermodynamique et de l’émission de rayonnement sera l’objet du chapitre suivant. L’automate cellulaire est en 3 dimensions, et les limitations de puissance de calcul im-posent alors d’avoir une résolution relativement faible (bien que les calculs de l’évolution de l’automate cellulaire soient plus simples que la résolution numérique des équations com-plètes de la MHD). La vitesse d’Alfvén doit être uniforme, et est imposée par le rapport entre le pas de grille et le pas de temps. Il présente peu de couches de courants, et la dissipation a donc surtout lieu dans les îlots magnétiques. Cela pourrait être dû au critère d’avalanche de courant ; ce critère, correspondant à une résistivité « anormale », est arbitraire, mais il est aussi une façon simple de décrire le caractère intermittent de la turbulence.

Le modèle en couches (SHELLATM) est a priori bien plus proche de la physique du plasma coronal et des équations de la MHD. Le grand intervalle de nombre d’ondes perpendiculaires qui peut être décrit permet l’existence de turbulence développée (sur un grand intervalle d’échelles), et l’intermittence apparaît de façon naturelle. Il est aussi bien plus souple d’uti-lisation : comme j’ai construit le code selon une architecture modulaire, il est possible de l’utiliser pour simuler de nombreux systèmes avec de la turbulence MHD dans un tube de flux magnétique. Avec Andrea Verdini, nous avons par exemple appliqué ce modèle au vent solaire, comme on va le voir à la Sec.6.1. Nous avons aussi parallélisé le code, ce qui permet d’atteindre de grandes résolutions longitudinales, rendues nécessaires par les petites échelles temporelles des termes non-linéaires de la turbulence (qui se traduiraient, à cause de la propagation des ondes d’Alfvén, par des structures de dimension longitudinale plus petite que le pas de grille si la résolution longitudinale était insuffisante).

L’implémentation de SHELLATM, que j’ai initiée pendant ma thèse, a ainsi bénéficié de nombreux développements, qui la rendent robuste, performante et versatile. C’est pour cela que j’ai rendu le code SHELLATMlibrement disponible pour la communauté (http:// eric.buchlin.org/research/#shellatm), sous licence GPL et avec une documentation complète.

Néanmoins, l’information sur la géométrie en trois dimensions des champs est perdue dans le modèle en couches, qui n’a qu’une dimension le long du tube de flux magnétique, et au plus quelques dizaines de modes dans les dimensions transverses. Ceci ne permet pas de reconstituer un champ magnétique réaliste en trois dimensions, ni d’avoir une information sur la localisation transverse d’un chauffage aux petites échelles.

Cela dit, bien que les avalanches de l’automate cellulaire aient certaines propriétés intéressantes, il a paru naturel pour la suite de mon travail d’utiliser principalement le modèle en couches.

2.4.2. À propos de la dénition d'un événement

Article (inclus p.100) :Buchlin et al.(2005)

Les statistiques réalisées en détectant des événements dans des séries temporelles de puissance de dissipation d’énergie simulée (et, ailleurs dans ce manuscrit, dans des champs observés) m’ont conduit à m’interroger sur la définition à donner à ces événements. Ces événements sont en effet bien sûr dépendants de la façon qu’on choisit de les définir, et donc de les détecter. Leurs caractéristiques, et donc les statistiques de ces caractéristiques (comme

2.4. Discussion

les distributions montrées à la Fig.2.8) sont a priori aussi dépendantes de la définition des événements.

Pour vérifier cela, nous avons calculé dansBuchlin et al.(2005) les statistiques de diffé-rentes caractéristiques d’événements détectés par diffédiffé-rentes méthodes à partir de séries temporelles de puissance de dissipation d’énergie issues de modèles en couches (SHELLATM, décrit à la Sec.2.3, et un modèle en couches sans dimension longitudinale représentant la tur-bulence MHD en 3 dimensions). Les différentes définitions d’un événement que nous avons proposées (applicables à des séries temporelles issues de simulations ou d’observations) sont :

1. Un maximum local dans la série temporelle (du minimum local précédent au mini-mum local suivant).

2. Une partie connexe maximale dépassant un certain seuil (d’un passage de la courbe au-dessus du seuil, au passage suivant sous le seuil).

3. Un maximum local dans le plan temps-fréquence d’une transformée en ondelettes (en utilisant comme ondelette la dérivée seconde d’une gaussienne, appelée aussi « chapeau mexicain »).

Une fois les événements définis ainsi, nous avons déterminé dans chaque cas leur énergie, leur puissance maximale, leur durée, et le temps d’attente jusqu’à l’événement suivant, le détail des calculs dans le cas de chaque définition étant donné dansBuchlin et al.(2005). Pour les énergies et puissances maximales, dans le cas des définitions 1 et 2, il est possible d’effectuer une soustraction d’un « fond » (qui est naturellement absent des événements de la définition 3).

Nous avons comparé les distributions des quantités associées à des événements, pour différentes définitions de ceux-ci. Nous avons montré que ces distributions sont d’autant plus sensibles à la définition des événements (ce qui inclut la valeur d’un paramètre de la définition, tel que le seuil utilisé) que la série temporelle est peu intermittente.

De manière générale, les distributions sont plus proches de lois de puissance lorsqu’une définition impliquant un seuil était utilisée. C’est évidemment le cas pour la définition 2, mais aussi pour des variantes des définitions 1 et 3, dans laquelle les événements ne sont pris en compte que si leur énergie ou leur puissance maximale dépasse un certain seuil.

C’est en particulier vrai pour les distributions des temps d’attente entre événements successifs. Cela peut avoir une importance dans le débat sur le caractère poissonien ou non (éventuellement avec un taux variable) des événements (Wheatland et al.,1998;Lepreti et al., 2001).

Les distributions des énergies dépendent elles aussi de la définition d’un événement, ce qui doit rendre prudent lorsqu’elles sont utilisées pour déterminer, comme on a tenté de le faire dans ce chapitre, si les plus petits événements sont ceux qui contribuent le plus au chauffage de la couronne. Lorsque cela est nécessaire, nous choisissons en général de définir des événements par un seuil, mais nous devrons garder à l’esprit que d’autres définitions d’événements peuvent donner des résultats différents.

3. Prise en compte du refroidissement