L’ensemble des expériences de mousse a permis d’étudier le comportement de la
mousse en présence et en absence d’additifs et d’huile. Les tests correspondants ont été
réalisés hors et en milieu poreux dans le but de faciliter le choix des produits puis de se
rapprocher des conditions d’application sur site. Certains points doivent cependant être
discutés.
Choix de la formulation
Le choix du tensioactif se porta d’abord sur trois produits différents choisis grâce aux
tests de stabilité et de moussabilité réalisés hors milieu poreux. Or, il est important de
noter que les résultats obtenus lors de ces tests ne donnent qu’une indication de la force
de la mousse en milieu poreux et de sa résistance face à l’huile. Les tests sont en effet
réalisés avec une mousse statique, tandis que la mousse sera en écoulement lors de la
co-injection en milieu poreux, certaines interactions ne sont donc pas prises en compte. Par
ailleurs, il a été montré dans la littérature que la hiérarchie de stabilité ou de moussabilité
de différents tensioactifs ne correspond pas à celle de la résistance à l’écoulement obtenue
en milieu poreux (Osei-Bonsu et al., 2017b). Ainsi, il est possible que certains tensioactifs
écartés initialement aient été de meilleurs candidats que la saponine pour la formation de
mousse en milieu poreux.
De manière similaire, lors de la sélection du tensioactif final via les expériences en
milieu poreux, le choix s’est fait au regard des résultats obtenus pour une qualité de
mousse donnée et à un débit total d’injection donné. Chaque tensioactif ayant des
propriétés différentes, le maximum de RF n’était peut-être pas atteint avec ces
paramètres-là. Néanmoins, la saponine permettant d’obtenir des résultats satisfaisants, il
n’a pas été possible, faute de temps, d’approfondir les expériences avec d’autres
tensioactifs.
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Les tensioactifs et additifs ont été sélectionnés parmi les produits donnant des mousses
résistantes à l’huile utilisée dans notre étude. Et le choix de l’huile s’est porté sur une huile
pouvant être rencontrée dans le sol suite à une fuite accidentelle. Mais suivant le type de
polluant présent, la stabilité des mousses varie, et la formulation utilisée ici pourrait ne
pas être la formulation optimale pour une autre huile, conférant au présent travail une
valeur de méthode plus qu’une valeur en terme de résultats absolus.
Les valeurs de RF obtenues atteignent 15,9 en l’absence de particules avec une
concentration de 10×CMC. Or, cette valeur apparaît comme étant faible lorsqu’elle est
comparée avec d’autres résultats de la littérature utilisant des tensioactifs différents.
Cependant, contrairement à la récupération assistée du pétrole, le traitement des sites et
sols pollués nécessite des pressions modérées, afin d’éviter les phénomènes de fracture
(Maire et al., 2018).
Ecoulement de mousse en milieu poreux
Les expériences réalisées en milieu poreux en colonne permettent de rappeler et de
mettre en évidence certaines relations entre paramètres physiques. Ainsi, la courbe de RF
en fonction de la qualité de mousse est une courbe connue de la littérature qui s’explique
par la valeur de la pression capillaire augmentant avec la qualité jusqu’à atteindre la
pression capillaire critique. De ceci découle la courbe de la saturation en eau en fonction
de la qualité qui montre qu’au-delà d’une qualité critique, la saturation se stabilise,
puisque la pression capillaire critique est atteinte. De manière similaire, la pression
capillaire critique est également atteinte lorsque le débit total d’injection augmente, ce
qui se traduit par une stabilisation de S
w.
D’autre part, les expériences ont permis de montrer que pour un même tensioactif, à
une qualité de mousse fixée, les paramètres de RF et la saturation en eau sont liés,
confirmant que lorsque la force de la mousse augmente, sa saturation diminue. Cette
relation n’a cependant été observée que pour un tensioactif donné.
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Enfin, dans les expériences en milieu poreux en présence d’huile, le milieu est
initialement saturé en huile. Ceci n’est pas représentatif d’une séquence de contamination
par un déversement d’huile sur le terrain, pour lequel le milieu est initialement saturé en
eau. La mousse pourrait alors avoir un comportement différent.
Application sur le terrain
Afin de considérer l’utilisation de la mousse comme méthode de dépollution des sols,
certains paramètres doivent être pris en considération, comme les coûts et possibles
problèmes techniques.
Lors de potentiels essais sur le terrain, une quantité donnée de solution de tensioactifs
pourra être injectée. Toutefois, il ne sera pas possible de saturer l’ensemble du milieu
poreux en tensioactifs. Il faut donc s’attendre à ce que durant l’injection de mousse, des
tensioactifs présents dans la mousse aillent se solubiliser dans la nappe alentour, et
s’adsorbent sur les grains présents dans la zone non saturée du milieu poreux. La
déplétion en tensioactifs pourra alors potentiellement déstabiliser la mousse présente
(Yekeen et al., 2018).
L’avantage de l’utilisation des particules, est que leur énergie d’adsorption à l’interface
gaz-liquide est très élevée. De fait, elles iront moins facilement se disperser dans la nappe
adjacente, et la mousse injectée sera plus forte (Yekeen et al., 2018).
La mousse étant principalement constituée de gaz, le principal coût d’utilisation pour
la remédiation des sols se trouve dans le prix des produits utilisés : tensioactifs et
particules. Les particules de silice sont facilement disponibles et bon marché, tandis que
le tensioactif biodégradable est un peu moins économique.
Mis à part le coût des tensioactifs, cette technique est toutefois plus abordable et plus
facile à mettre en œuvre que d’autres méthodes de dépollution. En effet, aucune
excavation n’est requise puisque c’est une technique in-situ. L’équipement nécessaire est
limité et l’efficacité de balayage est élevée. L’utilisation de mousse apparaît donc comme
une alternative idéale au lessivage ou au sparging dans des milieux hétérogènes.
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Il reste néanmoins encore quelques difficultés à surmonter, telles que la mise en place
d’une technique d’injection de mousse suivie du pompage du polluant dans un même
puits. L’étude du rayon d’action de la mousse injectée n’a pas non plus été réalisée, ce qui
pourrait être problématique si la mousse ne se déplace pas assez loin. De plus, pour les
expériences réalisées, la mousse a été injectée à un débit constant sans possibilité de
déplacement axial. Or, sur le terrain, la propagation de mousse pourra être axiale, ce qui
engendrera une diminution de la vitesse de Darcy au fur et à mesure que la mousse
s’éloigne du puits d’injection. Ce changement de vitesse pourrait affecter la force de la
mousse ainsi que son pouvoir bloquant, bien que l’utilisation d’un puits unique pour
l’injection et la récupération, permette à priori, de passer outre ces variations. Enfin,
l’utilisation de mousse est également contre-indiquée en présence d’un flux rapide d’eau
souterraine, car détériorant rapidement la mousse.
Enfin, bien que la saponine soit un tensioactif utilisé pour des applications
alimentaires, son utilisation n’est pas forcément exempte de tout impact
environnemental. Bien que les enjeux environnementaux et de santé publiques soulevés
par la présence de polluants soient bien plus importants, une évaluation des risques est
toujours nécessaire.
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Chapitre 6
Dans le document
Mousses renforcées en polymère ou particules : application à la remédiation des sols pollués
(Page 195-199)