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Dans le cadre de notre recherche, nous nous sommes intéressées aux effets différents que pouvait avoir un entraînement du raisonnement analogique chez des élèves avec et sans difficultés d’apprentissage. Notre recherche a impliqué l’enregistrement du mouvement oculaire lors de la résolution d’analogies géométriques, avant et après un court entraînement.

Les fichiers vidéo et les fichiers de données ont ensuite été appréhendés au travers d’une grille d’analyse afin de pouvoir en effectuer des analyses statistiques. Nous allons à présent discuter les différents résultats obtenus dans le cadre de notre recherche. Dans un premier temps, nous traiterons les différentes hypothèses pour enfin appréhender les résultats de manière plus générale.

Le premier temps d’encodage de la matrice augmente au posttest.

Cette hypothèse a été confirmée et nous laisse penser qu’il s’agit là d’un des effets de l’entraînement. En effet, comme le processus d’encodage implique une représentation mentale (Pellegrino, 1985) des éléments de la matrice et que durant l’entraînement les élèves sont invités à décrire ces éléments, avant de découvrir les alternatives, nous nous attendions à ce que l’élève applique la même procédure lors du posttest. Ce dernier élément devait se traduire par une augmentation significative du premier temps d’encodage. Somme toute, bien que nous ayons retrouvé cette augmentation, nous devons souligner qu’elle n’est significative que sur l’ensemble des élèves et pas au sein des différents groupes. D’une part, cet aspect nous laisse penser que tous les élèves ne profitent pas de la même manière de l’entraînement, soulignant ainsi des différences au niveau du potentiel d’apprentissage. D’autre part, les gains semblent être plus grands pour les enfants sans difficulté. Finalement, il nous reste une réserve relative aux enfants pour lesquels une augmentation du premier temps d’encodage n’a pas été remarquée mais qui réussissent tout aussi bien les items du posttest.

Le temps passé sur les alternatives diminue

Suite à l’entraînement, nous remarquons en effet une diminution de temps de fixation par rapport au temps total des alternatives. Ainsi, entre l’augmentation du premier temps d’encodage et la diminution générale du temps total passé sur les alternatives, nous pensons que les élèves ont en effet appris à se créer une image mentale ainsi que des attentes vis-à-vis

de l’élément manquant et n’ont donc pas besoin d’examiner exhaustivement les différentes alternatives. Cela dit, cette diminution se retrouve à nouveau significative sur l’ensemble des élèves mais pas si l’on considère les deux groupes séparément. En effet, seule la diminution au sein du groupe « sans difficulté » est significative. Nous pouvons expliquer ce phénomène, comme précédemment, par le fait que tous les élèves ne retirent pas les mêmes bénéfices de l’entraînement. Par ailleurs, les résultats sont à interpréter avec précaution. En effet, comme le groupe avec difficulté est composé de quatre élèves (ce qui implique que le test statistique n’a que peu de pouvoir), un seul élève peut avoir beaucoup d’impact au niveau du groupe. En effet, suite à la lecture de ces résultats, nous nous sommes penchées sur chacun des élèves séparément et avons constaté une forte diminution du temps passé sur les alternatives au posttest pour chacun d’entre eux sauf pour une élève. Pour cette dernière, le temps ne diminue que de quelques millisecondes puisqu’il était déjà très court au prétest. Nous pouvons expliquer cela par le fait que cette élève avait hâte de finir le test.

Les élèves les plus performants passent plus de temps dans le premier encodage de la matrice comparativement aux enfants moins performants

Nous avons formulé cette hypothèse suite à la lecture de la recherche de Sternberg (1977a, 1977b ; Pellegrino & Goldman, 1990). En effet, ce dernier stipule que les élèves les plus performants passent plus de temps dans le premier encodage de la matrice. De plus, Vigneau et al. (2006) obtiennent les mêmes résultats dans leur recherche et ajoutent qu’il existe une corrélation positive entre l’intelligence et le premier temps d’encodage. Cela dit, nous n’avons pas trouvé de lien significatif entre ces deux variables. Nos résultats vont à l’encontre de ceux trouvés par ces chercheurs. Non seulement le premier temps d’encodage ne corrèle pas avec la performance, mais en plus la proportion du temps passé sur l’encodage par rapport à l’ensemble du test ne corrèle pas non plus avec la performance. Ainsi, nous obtenons les mêmes résultats que Bethell-Fox et al. (1984). Ces résultats nous incitent à nous poser des questions sur la qualité de l’encodage. En effet, nous nous demandons si certains élèves n’effectuent pas un encodage d’excellente qualité et rapide, impliquant de bonnes performances alors que d’autres élèves en effectuent un plus lent et peut-être moins efficient, impliquant des résultats moindres.

Une prise d’information détaillée est corrélée à des comparaisons qui font du sens

Comme nous le pensions, ces deux variables sont corrélées. En effet, le processus de comparaison implique un va-et-vient entre les éléments dans le but d’en découvrir les similitudes et les différences. Ainsi, les élèves se centrant sur les détails effectuent également des comparaisons qui font du sens. Ceci dit, ces deux paramètres étaient déjà corrélés au prétest et aucun changement majeur n’est constaté après un entraînement.

La performance au posttest est plus élevée que celle du prétest dans les deux groupes Cette hypothèse a été partiellement confirmée et nos résultats vont dans le même sens que ceux des recherches menées par Alexander et al. (1987), White et Caropreso (1989), White et Alexander (1986), Holyoak (1984), Klauer (1989, 1990a, 1990b, 1995, 1998), Tunteler et al.

(2008), Hessels et Hessels-Schlatter (2008) ainsi que celles portant sur le HART (2003, 2005, 2007, 2008, 2009). En outre, il est intéressant de noter que l’amélioration des performances est d’autant plus forte et significative pour les enfants avec difficultés d’apprentissage.

Somme toute, nous pouvons aussi expliquer ceci par le fait que les enfants sans difficulté étaient déjà très performants lors du prétest. En effet, lors du prétest, les élèves sans difficulté obtiennent une moyenne de 7.1 (8.4 au posttest) alors que les enfants avec difficulté obtiennent une moyenne de 5.8 (7.8 au posttest). Ainsi, nous remarquons qu’avec un entraînement explicite, les enfants avec difficulté obtiennent des performances proches de celles des enfants sans difficulté.

Après l’entraînement, les élèves font plus de comparaisons avec les alternatives et la matrice.

Cette hypothèse a été infirmée puisque les élèves ne font pas plus de comparaisons bien que l’entraînement implique une focale sur la matrice et la justification du choix de réponse. Les résultats ont même tendance à montrer qu’il existe une diminution de comparaisons, tout en gardant à l’esprit que les différences de moyennes entre le prétest et le posttest ne sont pas significatives. Cela dit, ces résultats vont dans le sens de ceux trouvés par Vigneau et al.

(2006) qui montrent qu’un nombre plus élevé d’alternances entre la matrice et les alternatives se traduit par une performance plus basse. Ainsi, comme les élèves obtiennent de meilleurs scores, dans ce sens, il n’est pas étonnant qu’ils fassent « moins » de comparaisons entre la matrice et les alternatives. Ceci dit, la recherche menée par ces auteurs n’implique pas

d’entraînement. Finalement, nous pouvons également expliquer ceci par le fait que les élèves encodent mieux lors du posttest, savent ce qu’ils doivent rechercher et faire, ce qui se traduit par une moindre nécessité de revenir sur la matrice pour comparer.

Lors du posttest, nous pourrons observer une augmentation de fixations sur les alternatives pertinentes et une diminution de fixations sur les alternatives non pertinentes.

Notre hypothèse a été partiellement confirmée dans le sens où nous avons constaté une augmentation de fixations sur la bonne alternative et une diminution de fixations sur la mauvaise alternative (proportionnellement au temps passé sur les alternatives) lors du posttest. Nous restons étonnées par le fait que le pourcentage de fixations sur la fausse alternative ne diminue pas quant à lui, tout comme le pourcentage de temps de fixations sur l’alternative presque bonne n’augmente pas. Ainsi, même si l’entraînement invite les élèves à se créer une image mentale, ceux-ci n’éradiquent pas les alternatives non pertinentes instantanément lors du posttest.

Le nombre de comparaisons qui font du sens est plus élevé chez les enfants sans difficulté que chez les enfants avec difficulté. En outre, cette différence s’amenuise au posttest.

Pour expliquer l’infirmation de notre hypothèse nous allons reprendre quelques éléments concernant les comparaisons qui font du sens. Ces « comparaisons qui font du sens » s’opèrent dans le 1er temps d’encodage de la matrice et impliquent des aller-retour entre les termes et les attributs de la matrice. Nous pensions initialement que les élèves avec difficulté en effectuaient moins que les élèves sans difficulté et que, suite à l’entraînement, il n’y aurait plus de différence entre ces groupes. Or, seuls les élèves sans difficulté appliquent les stratégies d’exploration des termes de la matrice appréhendées au travers de l’entraînement.

Le temps total de résolution diminue au posttest

Cette hypothèse a été confirmée puisque les élèves réduisent leur temps de résolution de 21.1% en moyenne. Nous pouvons expliquer ceci par le fait que les enfants ont été familiarisés avec la tâche et ont appris à la résoudre. De plus, étant donné l’augmentation du premier temps d’encodage, nous pouvons nous appuyer sur les propos de Sternberg (1977a,

1977b) et Pellegrino (1985) pour apporter de plus amples explications. En effet, ces derniers stipulent qu’un encodage précis facilite ou accélère les opérations procédurales subséquentes.

Ainsi, le fait que les élèves augmentent le premier temps d’encodage peut également participer à l’explication du raccourcissement du temps de résolution du posttest.

Il existe une corrélation entre l’âge de l’enfant et sa performance

D’après Piaget et al. (1977) ainsi que Sternberg et Nigro (1981), la capacité de résoudre des matrices analogiques est une compétence qui se développe à partir de l’âge de 11 ans. Nous avons donc posé l’hypothèse que plus les enfants seraient âgés, meilleures seraient leurs performances. Or, cette hypothèse a été infirmée. Ceci peut en partie être expliqué par le fait que le groupe « élèves avec difficulté » était constitué d’élèves plus âgés.

Il existe une corrélation entre l’âge de l’enfant et le premier temps d’encodage

Notre hypothèse a été infirmée mais cela peut être expliqué par le fait que les élèves ont en effet appris à résoudre des problèmes et à mieux analyser les données mais qu’ils peuvent également avoir acquis une certaine rapidité.

Les deux items erronés qui ont été enlevés impliquent des temps de résolution plus élevés (par rapport au temps moyen de résolution par item).

Notre hypothèse a été confirmée et les items ambigus ont généré des temps de résolution plus longs, tant au prétest qu’au posttest. Nous avons d’ailleurs trouvé des explications vis-à-vis de ces résultats dans la littérature. En effet, Bethell-Fox et al. (1984) expliquent quelles sont les stratégies utilisées pour résoudre des problèmes d’analogies de type géométrique. Deux stratégies figurent dans leur recherche : la première consiste en la création d’une image mentale de la réponse à l’item pour ensuite la comparer avec les alternatives (centration sur la matrice) et la deuxième consiste en une élimination des alternatives une à une, jusqu’à ce qu’il n’en reste plus qu’une (réponse par défaut). Les auteurs stipulent en outre que cette deuxième stratégie, moins efficiente, demande beaucoup plus de temps. Or, lorsque les élèves sont confrontés à des items ambigus, ceux utilisant la première stratégie (la plus adéquate), réalisant que cette dernière ne leur a pas permis de trouver la réponse, passent à la deuxième stratégie.

Discussion générale

Différents changements ont pu être observés chez les élèves, à la suite de l’entraînement, dans la manière d’appréhender les problèmes analogiques. De manière générale, les élèves améliorent leurs performances au posttest ce qui nous laisse penser que l’entraînement explicite a un impact sur la compréhension et la résolution de la tâche. Il est à noter que cet entraînement était spécifiquement centré sur la comparaison systématique des éléments ainsi que sur l’inférence, éléments centraux pour résoudre des problèmes d’analogies. L’efficacité de cet entraînement a en outre déjà été démontrée dans le cadre de recherches menées sur le HART (2003, 2005, 2007, 2009). Comme dans les autres recherches (p.ex. Klauer 1989, 1990a, 1990b, 1995, 1998 ; Hessels & Hessels-Schlatter, 2008), les effets de cet entraînement se sont traduits par des gains relativement importants pour l’ensemble des élèves. Outre ces gains, des améliorations au niveau de la qualité des réponses données ont également été observées. Ainsi, les élèves répondent moins par des alternatives non pertinentes lors du posttest, bien que cette démarcation soit d’autant plus importante pour les élèves avec difficulté. Néanmoins, il nous reste des incompréhensions quant à la disparition des réponses presque bonnes chez les élèves sans difficulté lors du posttest ainsi que la diminution des

« retours sur la matrice avant avoir donné la réponse ». En effet, nous ne comprenons pas les raisons pour lesquelles les élèves le font moins au posttest. Ceci dit, nous estimons qu’il s’agit peut-être là d’un effet de l’entraînement dans le sens où les élèves sont plus sûrs de leurs réponses et n’ont donc pas besoin d’effectuer ce dernier contrôle.

En outre, au niveau du comportement, nous avons remarqué que les élèves s’intéressaient d’autant plus aux détails des termes de l’analogie durant le 1er temps d’encodage lors du posttest. Il en est de même pour ce qui est des comparaisons qui font du sens. Ce changement de comportement nous semble directement émaner de l’entraînement puisque ce dernier impliquait la description et la comparaison des éléments afin d’en inférer les règles de transformation. Cela dit, même si ces différences de comportement ont été remarquées de manière générale, de tels changements ne sont pas significatifs chez les enfants avec difficulté d’apprentissage. Nous considérons qu’il s’agit-là d’un point essentiel soulevé par notre recherche. En effet, bien que ces derniers fassent preuve d’une amélioration significative au niveau de leur performance, ils ne démontrent pas de nettes différences au niveau de leur approche de la tâche. Cet élément nous semble important puisque notre recherche apporte des informations supplémentaires à ce qui a été trouvé dans les autres études (amélioration au

niveau de la performance), grâce à l’étude du mouvement oculaire. Nous avons également constaté, lors de la phase d’entraînement, à travers la verbalisation, que les élèves avec difficulté appliquaient parfaitement les stratégies proposées mais que ces dernières étaient moins appliquées lors du posttest. Ceci peut être expliqué par le fait que la verbalisation a un impact positif sur la régulation de la pensée (Dillon, 1985). De plus, Bethge et al. (1982) soulignent que des procédures utilisant la verbalisation et le feedback élaboré affectent les caractéristiques procédurales afin de résoudre les tâches. Ainsi, ces éléments nous incitent à penser qu’une procédure impliquant une verbalisation ou un feed-back après chaque item est plus appropriée pour cette population.