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6.2 Expérimentation

6.2.3 Discussion

L'objectif de cette expérience était d'étudier le bénéce obtenu sur les performances de mémoire après l'utilisation simultanée d'aides favorisant un traitement profond et élaboré des informations, chez trois groupes d'âge diérent.

Hypothèse environnementale

Tout d'abord, la baisse de performance classiquement obtenue chez les sujets âgés a été retrouvée indiquant, de fait, une supériorité des sujets jeunes par rapport aux deux autres groupes (e.g., Sauzéon et al, 2001; 2000).

Comme évoqué en introduction de ce chapitre, selon l'hypothèse environnementale (Craik, 1983; Craik et Jennings, 1992), la baisse de performance mnésique des âgés serait due non pas à une altération des processus cognitifs impliqués dans la mémorisation mais à un manque d'initiation spontanée de ces processus. Expérimentalement, il alors facile de tester cette hypothèse puisque si les dicultés viennent seulement d'un défaut d'ini-tiation, alors une aide favorisant les processus décients doit améliorer les performances. En revanche, si les processus sont altérés, l'aide n'aura aucun eet.

Les résultats obtenus dans cette expérience ont montré que les interactions Age ×

P DT et Age × Elaboration n'étaient pas signicatives. En d'autres termes, l'eet de

l'aide sémantique et de l'aide à l'élaboration était le même quel que soit l'âge du sujet. Bien que les performances des sujets d'âge moyen et âgés soient restées inférieures aux performances des sujets jeunes, une ecacité équivalente des aides de mémoire indique que les processus sont bien préservés au cours du vieillissement et ne sont donc pas altérés. Ces résultats sont ainsi en accord avec l'hypothèse environnementale et reproduisent les résultats précédemment obtenus dans la littérature, concernant un défaut d'initiation des processus impliqués dans la PDT (e.g., Bäckman, 1989; Craik et Jennings, 1992; Shaw et Craik, 1989) et l'élaboration (e.g., Rankin et Collins, 1985). En conséquence, les résultats semblent indiquer que la PDT et l'élaboration sont toutes deux diminuées au cours du vieillissement.

Cadre des niveaux de traitement

Concernant le cadre des niveaux de traitement, les résultats expérimentaux ont répli-qués les eets bien connus de PDT (e.g., Craik et Tulving, 1975) et d'élaboration (e.g., Mäntylä et Nilsson, 1983), ainsi que leur interaction (e.g., Slamecka et Graf, 1978).

En outre, dans cette expérience, les interactions P DT ×T ype de rappel et Elaboration×

T ype de rappel ont été obtenues. Ces interactions ont indiqué, respectivement, que les

ef-fets de PDT et d'élaboration étaient augmentés en rappel indicé par rapport au rappel libre. Ainsi, les eets étaient potentialisés lorsque des indices contextuels étaient restitués à la récupération. L'eet des aides à l'encodage était ainsi supérieur lorsqu'une meilleure adéquation Encodage/Récupération était proposée. Les meilleures performances ont alors été obtenues lors de l'utilisation simultanée d'une aide sémantique et d'une aide à l'éla-boration, associée à une restitution des indices. Ces résultats sont ainsi en accord avec le principe de spécicité d'encodage (Tulving et Thomson, 1973) et reproduisent les résultats de la littérature évoqués dans le chapitre 2 (voir Ÿ 2.4, p. 65).

En conséquence, tous les eets décrits dans le cadre des niveaux de traitement ont été répliqués dans cette expérimentation.

Vieillissement et effet d'interaction

Dans cette expérience, nous nous attendions à observer de moins bonnes performances chez les sujets d'âge moyen et chez les âgés, que chez les jeunes, sans l'utilisation des aides. En revanche, nous espérions que la présence concomitante d'une aide sémantique et d'une aide à l'élaboration permettrait de réduire le décit des deux groupes les plus âgés. Précisément, nous avions fait l'hypothèse que les aides à l'encodage, utilisées de façon simultanée, seraient plus ecaces chez les sujets d'âge moyen et chez les âgés que chez les jeunes. L'interaction signicative, observée entre les facteurs  Age ,  PDT  et  Élaboration , tend alors à conrmer cette hypothèse. En eet, les résultats ont indiqué que l'interaction P DT × Elaboration était la plus forte chez les sujets d'âge moyen, puis chez les âgés et, enn, chez les jeunes. En d'autres termes, l'aide sémantique et l'aide à l'élaboration se sont potentialisées davantage chez les sujets d'âge moyen et chez les âgés que chez les jeunes.

Fig. 6.1  Eet d'interaction (exprimé en nombre de mots rappelés) entre la profondeur de traitement et l'élaboration, chez trois groupes d'âge diérent. Les résultats semblent indiquer une relation en U inversé.

La Figure 6.1 représente l'eet d'interaction entre la PDT et l'élaboration 4, chez

les trois groupes de sujets. Cet eet a été calculé en faisant la diérence entre l'eet d'élaboration obtenu sur les listes sémantiques et celui observé sur les listes phonétiques. Si l'interaction est positive cela indique que l'eet d'élaboration est plus fort sur les listes sémantiques que phonétiques et, donc, que les deux aides se potentialisent. Si l'eet d'élaboration reste le même quel que soit le type de listes, alors l'interaction est nulle. Enn, si l'interaction est négative, c'est que l'une des deux aides inhibe l'eet de l'autre. En conséquence, plus l'eet d'interaction est positif, plus le bénéce total des aides est important.

Comme nous pouvons le voir sur la Figure 6.1, l'eet d'interaction le plus fort a été obtenu chez le groupe de sujets d'âge moyen. En outre, l'eet d'interaction a été augmenté entre les sujets jeunes et ceux d'âge moyen, mais diminué entre ces derniers et les plus âgés. Ce prol de résultats ressemble alors fortement à la courbe en U inversé mentionnée par Bäckman et Dixon (1992, p. 272) (voir Figure 6.2). Une telle courbe décrit les relations entre, d'une part, la probabilité de compensation et, d'autre part, le décit des sujets ou la diculté de la tâche.

4δP DT ×Elab. = δElab. en encodage profond −δElab. en encodage superciel, avec δElab. = Perf. en condition élaborée − Perf. en condition non-élaborée.

Probabilté de compensation Difficulté (inhérente au sujet ou à la tâche) Compensation maximale Adéquation Sujet/Tâche optimale en termes compensatoires

Fig. 6.2  Illustration de la courbe en U inversé décrivant la probabilité de compensation en

fonction du décit des sujets ou de la diculté de la tâche (d'après Bäckman et Dixon, 1992).

La Figure 6.2 illustre cette courbe en U inversé. Comme nous pouvons le constater sur cette gure, cette fonction indique que la probabilité de compensation est faible, voire nulle, lorsque le décit du sujet ou la diculté de la tâche est trop faible ou trop grand. En eet, dans le premier cas, l'apport d'une aide est inutile car le sujet n'en a pas besoin pour accomplir correctement la tâche considérée. De même, dans le deuxième cas, l'apport d'une aide est inutile car, si le niveau de diculté est trop grand, les aides seront inecaces. En revanche, un phénomène compensatoire est possible dans une zone intermédiaire de

diculté 5. Précisément, la probabilité de compensation augmente jusqu'à un maximum

puis diminue avant de s'annuler à nouveau. Le maximum de compensation correspond alors à une adéquation spécique entre les caractéristiques du sujet et celles de la tâche, induisant une relation optimale en termes compensatoires.

Dans ce cadre, nos résultats expérimentaux pourraient alors indiquer que l'utilisation concomitante d'une aide sémantique et d'une aide à l'élaboration a permis d'obtenir un rapport privilégié entre les caractéristiques de la tâche et les compétences cognitives des

5Par exemple, Bäckman et ses collègues ont démontré que la compensation mnésique induite par

des aides de mémoire, internes ou externes, est plus probable chez le sujet âgé  normal  (i.e., sans pathologie) que chez le sujet jeune ou les patients atteints de la maladie d'Alzheimer (e.g., Bäckman, 1989; Bäckman et al., 1990).

sujets d'âge moyen. Le maximum d'interaction obtenu chez ce groupe pourrait ainsi résul-ter d'une adéquation Sujet/Tâche optimale en résul-termes compensatoires. Par ailleurs, nous pouvons également supposer que si l'interaction P DT ×Elaboration était plus faible chez les jeunes et les âgés, c'est que l'adéquation Sujet/Tâche était, respectivement, supérieure ou inférieure à celle des sujets d'âge moyen.

En conclusion : A l'encodage, faciliter de façon concomitante un traitement élaboré et orienté sémantiquement permet d'augmenter les performances de mémoire quel que soit l'âge des sujets. Cependant, l'interaction P DT × Elaboration semble fortement dépen-dante de l'adéquation entre les caractéristiques de la tâche et les compétences cognitives des sujets, induisant des eets compensatoires variables. Précisément, les eets d'interac-tion les plus forts ont été observés chez les sujets d'âge moyen et chez les âgés, indiquant que ces deux groupes ont bénécié davantage de l'apport simultané des aides à l'encodage que les jeunes. La conclusion principale qui peut être tirée de cette expérience est que l'interaction P DT × Elaboration semble reéter l'adéquation Sujet/Tache, sous la forme d'une courbe en U inversé.