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2.4 Un cadre général de la mémoire

3.1.1 Classication des modèles

En psychologie cognitive, la notion de modèle peut être utilisée dans quatre acceptions diérentes, désignant les entités suivantes (Rossi et coll., 1999) :

 une forme  idéale  ou  standard  ;

 une représentation théorique (i.e., schéma ou architecture) ;  une description utilisant un langage formel ;

 un système concret de simulation. forme  idéale  ou  standard 

Cette acception est la plus proche du sens commun. Ici, le modèle est décrit comme une référence, généralement normative, qui peut être transposée à diverses situations (Rossi et coll., 1999). Par exemple, l'eet de l'apprentissage sur les neurones de l'Aplysia

Cali-fornica1 (Richelle, 1991) peut être utilisé comme modèle des transformations neuronales,

déclenchées par un apprentissage. Le système nerveux de cet animal est en eet très simple et il s'est avéré un support idéal pour étudier les modications de l'organisation neuronale. Ce modèle peut ici servir de référence dans la mesure où il est représentatif du phénomène d'apprentissage.

L'intérêt de ce type de modèle est précisément qu'il représente un phénomène appli-cable à un ensemble de situations. Ainsi, le modèle sert de cadre à l'analyse des résultats

Fig. 3.1 Une représentation du modèle d'Atkinson et Shirin (1968).

expérimentaux et permet de découvrir les variations par rapport à la  norme  qu'il représente ou les situations dans lesquelles il ne s'applique pas.

Représentation théorique : Schémas et architectures

Le modèle  schéma  décrit l'architecture du système représenté. Il comporte géné-ralement un certain nombre de modules reliés par des èches qui indiquent le sens de circulation des informations (Rossi et coll., 1999). Chaque module, ou sous-système, re-çoit des informations, les traite, les transforme éventuellement et fournit nalement une réponse de sortie, qui elle-même peut servir d'entrée à un autre module.

Dans les années 1960, ce type de modèle a joué un rôle de premier plan dans la recherche en psychologie et, notamment, dans le domaine de la mémoire. Les modèles de mémoire structuraux (e.g., Squire, 1992; Tulving, 1995), présentés au chapitre précédent (voir Ÿ 2.1.1, p. 42), en sont de bons exemples. Pour illustration, le modèle d'Atkinson et Shirin (1968) décrit la mémoire humaine à l'aide de trois systèmes mnésiques (voir Figure 3.1). Les informations entrent dans le système via le registre d'informations sensorielles puis transitent vers la mémoire à long terme, en passant par la mémoire à court terme. Ce modèle décrit la mémoire à court terme comme la  plaque tournante  du système mnésique, puisqu'elle est impliquée dans des échanges permanents avec les deux autres registres. En outre, les processus de contrôle de l'information et la boucle d'autorépétition mentale (déterminante dans le passage des informations du court terme au long terme dans ce modèle) s'applique à ce niveau.

Selon certains auteurs, l'intérêt de ce type de modèle reste limité car leur manque de précision et la généralité de leurs descriptions rendent dicile toute prédiction pré-cise (Tiberghien, 1991). Les modèles  schéma  possède tout de même la capacité de décrire l'architecture et l'organisation des systèmes étudiés, ainsi que les relations entre les diérents modules impliqués. En ce sens, l'intérêt majeur de ce type de modèle ré-side dans leurs capacités de représentation des objets d'étude, les rendant plus facilement manipulables intellectuellement.

Description formelle

Les modèles formels sont généralement basés sur le langage mathématique et décrivent des phénomènes, des processus ou des relations à l'aide d'équations ou d'algorithmes (Rossi et coll., 1999). Par ailleurs, le formalisme mathématique ore à ces modèles la propriété de

pouvoir être simulés. Par exemple, la loi de Fechner (1860)2 permet de décrire l'intensité

de la sensation en fonction de la stimulation. Précisément, l'équation de Fechner est la suivante : y = Klog(x) + h. Selon cette loi, l'intensité de la sensation (y) est une fonction logarithmique de l'intensité de la stimulation (x) modulée par deux constantes (K et h).

Les propriétés essentielles des modèles formels sont d'être non ambigus et de per-mettre l'élaboration d'expressions applicables à diérents contenus. Généralement, l'éta-blissement d'un modèle formel présente alors deux intérêts majeurs : (1) permettre des prédictions ; (2) donner un cadre d'analyse pour l'étude des structures et/ou des fonction-nements.

Système de simulation

D'après Rossi et coll. (1999, p. 281) :

 Simuler consiste à reproduire au moyen de systèmes physiques (généralement informatiques) les descriptions développées dans un modèle théorique. En ce sens, simuler revient à construire un système permettant d'opérationnaliser un modèle théorique. 

Dans la littérature scientique, notamment celle de l'intelligence articielle, il est cou-ramment admis que les processus cognitifs peuvent être réduits à des systèmes de trai-tement de l'information. La simulation consiste alors généralement à construire un

gramme informatique mimant les structures et les procédures de traitement décrites dans le modèle théorique. Le système de simulation permettra ainsi de reproduire le fonction-nement théorique de l'objet d'étude et de fournir une réponse (i.e., outputs) en fonction des informations qui lui seront fournies (i.e., inputs). En sciences cognitives, un exemple célèbre de système de simulation est celui du Perceptron (Minsky et Papert, 1969; Ro-senblatt, 1958). Le Perceptron est en réalité le premier réseau de neurones articiels qui avait pour objectif de mimer une rétine et, ainsi, de simuler la perception visuelle.

Le principal avantage de la simulation est qu'elle possède les propriétés des  ma-quettes , c'est-a-dire que chaque constituant peut non seulement être manipulé et modié mais peut également être l'objet de calculs, de tests et de mesures. La simulation ore ainsi aux chercheurs un outil incomparable pour opérationnaliser les conceptions théo-riques et les valider. Dans le domaine des sciences cognitives, où l'objet d'étude qu'est la cognition humaine n'est pas directement manipulable, l'intérêt de la simulation cognitive paraît alors évident. Selon Tiberghien (1993), on pourrait même diérencier les sciences de la cognition de la psychologie cognitive ou des neurosciences par la volonté épistémo-logique non seulement de comprendre et d'expliquer les phénomènes cognitifs, mais aussi de les simuler.