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3.4 Minerva 2 : un modèle à traces multiples

4.1.1 Arguments issus du vieillissement cognitif

Selon l'hypothèse environnementale (e.g., Craik, 1983; Craik et Jennings, 1992), les décits liés à l'âge sont réduits lorsqu'un soutien est apporté à l'encodage comme à la récupération. L'idée principale est que le déclin des sujets âgés n'est pas lié à une perte de certaines capacités mnésiques, mais à des dicultés à engager spontanément les processus ecaces (e.g., Craik, 1983; Verhaeghen et Marcoen, 1994). Ces processus deviendraient moins accessibles mais pourraient être  réactivés  par le biais de soutiens environne-mentaux, permettant ainsi de compenser partiellement, voire totalement, les dicultés.

Dès lors, il est possible d'obtenir des informations sur la distinction entre perturbation de la mise en jeu d'un processus ou perturbation du processus lui-même. Dans le premier cas, une aide permettra une compensation totale ou partielle et éliminera, du moins ré-duira, le décit observé en l'absence de support (i.e., processus compensable). Dans le second cas, l'aide sera inecace (i.e., processus altéré). Bien évidemment, le processus peut également être préservé, auquel cas le bénéce du support sera identique pour le sujet jeune comme pour l'âgé.

Bien que les résultats de la littérature concernant les eets du vieillissement soient souvent contradictoires, certaines études ont conforté l'hypothèse environnementale. Par exemple, pour certains auteurs, solliciter un traitement sémantique à l'encodage réduit le déclin des sujets âgés, observé lorsque l'encodage est plus superciel (e.g., Bäckman, 1989; Craik et Jennings, 1992; Shaw et Craik, 1989). Ici, ce prol de résultat indique une perturbation de la mise en jeu spontanée d'un traitement profond, compensée par une aide à l'encodage (e.g., tâche d'orientation sémantique).

D'autres auteurs ont montré que les sujets âgés bénécient autant (e.g., Johnson et al., 1989; McDaniel et al., 1989), voire plus (e.g., Bäckman et Mäntylä, 1988; Hashtroudi et al., 1989), d'une aide à élaboration que les sujets jeunes. Ce processus serait donc préservé au cours du vieillissement.

Un résultat particulièrement intéressant est que les interactions décrites dans le cadre des niveaux de traitement (voir chapitre 2, Ÿ 2.4, p. 65) semblent largement majorées chez la personne âgée. Par exemple, il a été démontré que le décit de mémoire des âgés était considérablement réduit lorsque les sujets produisaient le contexte d'encodage (i.e., tâche de génération) et que ce contexte était restitué lors de la récupération (e.g., Lipinska et al., 1994; Mäntylä et Bäckman, 1990; Mäntylä et Craik, 1993). Dans ce cas,

l'interaction Elaboration × Sp´ecificit´e d0encodage s'avère alors particulièrement ecace

pour compenser les dicultés liées au vieillissement.

De même, plusieurs auteurs ont rapporté que la facilitation concomitante d'un traite-ment sémantique et élaboré (i.e., interaction P DT × Elaboration) augtraite-mentait clairetraite-ment les performances des sujets les plus âgés (e.g., Sharps et Antonelli, 1997; Taconnat et Isingrini, 1995).

Enn, comme évoqué précédemment (voir chapitre 2, Ÿ 2.4.3, p. 68), un traitement éla-boré et orienté sémantiquement à l'encodage associé à un rappel indicé des informations

(i.e., triple interaction P DT ×Elaboration×Sp´ecificit´e d0encodage) fournit une situation

expérimentale permettant d'optimiser les performances des sujets âgés (e.g., Sauzéon et al, 2001; 2000). Pour illustration, Sauzéon et al. (2001) ont étudié les relations entre les condi-tions d'encodage et de récupération chez trois groupes de sujets (i.e., 20-39 ans, 50-69 ans et 70-89 ans). A l'encodage, les auteurs ont utilisé des listes de paires de mots organisées en catégories (i.e., matériel orienté sémantiquement) et une tâche de génération d'indice (i.e., condition élaborée) ou une tâche de lecture des paires de mots (i.e., condition

non-élaborée). A la récupération, des tests de rappel libre ou indicé (i.e., restitution ou non du contexte d'encodage) ont été proposés aux sujets. Les résultats ont montré que l'associa-tion entre la tâche de général'associa-tion et un test de rappel libre n'augmentait les performances que chez le groupe d'âge moyen. En revanche, cette même tâche de génération associée à un test de rappel indicé augmentait les performances chez les deux groupes de sujets âgés. En d'autres termes, les résultats ont indiqué que les sujets d'âge moyen bénéciaient plus que les autres sujets de l'utilisation d'un matériel organisé et élaboré. Cependant, en plus de ces conditions d'encodage, il fallait restituer les indices générés lors de l'apprentissage pour que les sujets les plus âgés bénécient réellement des aides. En conséquence, l'interac-tion P DT × Elaboral'interac-tion était susante pour améliorer les performances des sujets d'âge

moyen, mais il fallait la triple interaction P DT × Elaboration × Sp´ecificit´e d0encodage

pour obtenir le même résultat chez les plus âgés.

En outre, il est à noter que les eets compensatoires, supportés par les interactions décrites dans le cadre des niveaux de traitement, sont obtenus principalement dans des épreuves de rappel indicé mais n'apparaissent pas, ou peu, dans des épreuves plus simples, comme la reconnaissance (e.g., Craik et Anderson, 1999). Ce dernier résultat suggère que, lorsque la tâche est relativement  complexe  (e.g., rappel indicé), les processus d'interaction s'avèrent particulièrement ecaces pour compenser les dicultés liées au vieillissement. Par contre, lorsque la tâche est plus  simple  (e.g., reconnaissance), et que le sujet n'éprouve pas de diculté particulière, les interactions ne sont pas, ou peu, mises en jeu.

Deux conclusions peuvent être tirées des résultats présentés dans cette section. Pre-mièrement, le décit de mémoire bien connu chez la personne âgée peut être au moins partiellement compensé lorsque l'on facilite les processus cognitifs impliqués dans les fac-teurs décrits dans le cadre des niveaux de traitement (i.e., PDT, élaboration, adéquation Encodage/Récupération). La potentialisation de ces processus permettant une amélio-ration des performances, un protocole expérimental ou écologique orant un support à une telle potentialisation pourra alors être considéré comme une aide à la mémorisation. Deuxièmement, plus les sujets sont âgés, plus ils semblent avoir besoin d'une quantité d'aide importante pour améliorer, voire maintenir, leurs performances. Dans le cadre des niveaux de traitement, ceci implique que plus un sujet a des capacités de mémoire dé-cientes (ou plus la tâche considérée est dicile), plus la compensation mnésique dépendra

-0,5 -0,3 -0,1 0,1 0,3 0,5 0,7 0,9 PDT Elaboration PDT x Elaboration C o ef fi ci en ts d e p ar ti ci p at io n Jeunes Agés

Fig. 4.1  Représentation des coecients associés à la profondeur de traitement (PDT), à

l'élaboration et à leur interaction, obtenus à l'aide de régression multiples, chez des sujets jeunes et âgés (d'après N'Kaoua, 2003).

des interactions entre les aides favorisant les traitements sémantiques, l'élaboration des informations ou l'adéquation Encodage/Récupération, et non plus de l'implication isolée de l'une de ces aides. Par ailleurs, cette dernière suggestion a été confortée par les travaux de N'Kaoua et al. (2005).