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Dimensions des outils de calcul utilise s en inge nierie pour l’e tude des laves torrentielles : discussions, limites et orientations

des e coulements

2.5. Dimensions des outils de calcul utilise s en inge nierie pour l’e tude des laves torrentielles : discussions, limites et orientations

vers la mode lisation tridimensionnelle

Dans le cadre de ces travaux de recherche, une collaboration étroite a été menée avec les services du RTM de l’ONF de Grenoble pour l’étude des écoulements de laves torrentielles sur des bassins versants naturels. Sur la base des retours d’expérience des équipes techniques et des opérations d’ingénierie torrentielle conduites ces dernières années, un constat de départ a pu être établi en amont de ces travaux quant aux outils de calcul actuellement utilisés pour la modélisation numériques des laves torrentielles. De cet état initial, il ressort que la grande majorité des outils actuels est fondée sur des approches intégrées sur la verticale, de type Saint-Venant. La modélisation bidimensionnelle constitue la solution la plus couramment appliquée en ingénierie torrentielle à ce jour. On note également occasionnellement le recours à des modèles 1D à certaines étapes des études torrentielles.

Ainsi, cette dernière partie de l’état de l’art vise à discuter de l’application des approches 1D et 2D actuellement utilisées en proposant une analyse critique de leur fonctionnement. La mise en avant de certaines limites à leur utilisation pour des écoulements de type laves torrentielles doit permettre d’orienter le choix vers la modélisation tridimensionnelle, objet de ces travaux de recherche. Cette dernière partie est structurée en trois temps. La première partie du discours porte sur les outils de calcul de dimension 1D. Puis, l’état de l’art s’intéresse aux modèles de dimension 2D et à leurs limites. Enfin, l’orientation vers la modélisation avec une dimension 3D sera justifiée dans la conclusion.

2.5.1. Dimensions 1D et 2D

Les premières investigations numériques des écoulements de laves torrentielles ont été conduites par des modèles de calcul 1D privilégiant une dimension d’espace par rapport aux deux autres (exemple : modèle de rivière ou de réseaux de conduite en assainissement). On calcule des quantités moyennes sur une section en travers. Les modèles les plus couramment développés dans cette catégorie s’appuie sur des lois de comportement viscoplastiques. Citons entre autre VIFLOW 1D (Karlsrud & Edgers, 1982), Cemagref 1D (Laigle & Coussot, 1997), DAN (Hungr, 1995; McDougall & Hungr, 2005), BING (Imran et al., 2001; Marr et al., 2002; Remaître et al., 2005), MODDS (Lenzi et al., 2003) ou encore J-DFM 1-D (van Asch et al., 2004).

Beaucoup de phénomènes de glissement ou de laves torrentielles conduisent à des hauteurs d’écoulement moyennes qui sont faibles en comparaison de la longueur ou de la largeur de l’écoulement. Dans ces conditions, lorsque la hauteur est négligeable en comparaison à la largeur ou à la longueur, les équations 3D sont simplifiées par l’intégration de la hauteur dans la direction verticale : le problème est ramené à une dimension 2D (Hungr et al., 2005). Ainsi, la prévision des zones potentiellement impactées par les laves torrentielles (Recking et al., 2013; Meunier, 1991) a été investiguée par des outils numériques bidimensionnels tels que les modèles avec intégration verticale. Ils sont largement utilisés et adoptés en ingénierie et par les scientifiques (Iverson & Denlinger, 2001; O'Brien et al., 1993; Laigle, 1997; Laigle, 1998; Bartelt et al., 2011; Rickenmann

Leur approche numérique s’appuie sur l’expression des équations de Saint-Venant (Iverson & Denlinger, 2001) déduites des équations de conservation de la masse et de conservation de la quantité de mouvement. Les équations de Saint-Venant sont une forme intégrée (intégration selon la hauteur) des équations de Navier-Stokes. Elles permettent de calculer les hauteurs et vitesses moyennes le long de la direction d’écoulement en fonction du temps. A noter que les équations de Saint-Venant ne modélisent nullement les effets de la turbulence ; le terme de diffusion visqueuse étant remplacé, dans ces équations, par une modification de la pente (Wertel, 2009; De Saint Venant, 1871). Les équations de Saint-Venant s’appliquent au contexte d’eau peu profonde (shallow water) et favorisent deux dimensions de l’espace (exemple : plaine d’inondation, modèles maritimes). Parmi les codes de calcul 2D existants, on peut citer à titre d’exemple Nasa-Vof 2D (Torey et al., 1985), Flo-2D (O'Brien et al., 1993), DFEM 1D-2D (McArdell et al., 2003), Lave2D (Laigle, 1998; Laigle et al., 2003) ou RAMMS (Preuth et al., 2010; Schneider et al., 2010).

Flo-2D est l’un des modèles hydrauliques 2D largement distribué et utilisé de par le monde aujourd’hui. Son développement est fondé sur une loi de comportement rhéologique quadratique qui lui permet de traiter des crues d’eau claire, des écoulements hyperconcentrés et des laves torrentielles (Chen & Chuang, 2014; Quan Luna et al., 2011; Han et al., 2016). Le modèle est utilisable pour une large gamme d’écoulement. Toutefois, des précautions sont à prendre lorsque la concentration volumique du fluide est trop importante. Le modèle de Bingham représenté pour modéliser la viscosité peut être en limite de son utilisation. Concrètement, le logiciel est à utiliser précautionneusement pour des laves torrentielles de fortes concentrations volumiques (Hungr et

al., 2005).

Lave2D est un autre modèle hydraulique utilisé pour les écoulements torrentiels. Il est fondé sur les équations de conservation, d’eau superficielle sur des pentes raides (Laigle et al., 2003). Le logiciel Lave2D a fait ses preuves sur des modélisations d’écoulements de laves torrentielles boueuses (Gachet, 2015). Comme pour Flo-2D, la littérature souligne l’importance du calage avec des évènements de références et l’influence de chaque cas d’étude sur les paramètres d’entrée (topographie et hydrographie).

Enfin, le code RAMMS (RApid Mass MovementS) est un autre logiciel bidimensionnel développé par l’Institut pour l’étude de la neige et des avalanches (WSL-SFL en Suisse) pour simuler des écoulements complexes de terrain boueux et chargés. Le module DEBRIS FLOW du logiciel est utilisé en Suisse et dans le monde entier dans l’évaluation et le volume des laves torrentielles. Les paramètres calculés par le modèle tels que la hauteur et la vitesse d’écoulement, ainsi que la sollicitation dynamique permettent, entre autre, d’en déduire l’intensité du processus et le dimensionnement des mesures de protection.

Les modèles bidimensionnels fournissent des résultats intéressants tels que la surface libre des écoulements au niveau des zones de dépôts au sein du bassin versant torrentiel (Hungr et al., 2005) ou encore les limites des zones de danger (Laigle et al., 2003). Ces modèles requièrent assez peu de temps de calcul, sont simples d’utilisation, et fournissent une interface ergonomique à l’utilisateur. Ces modèles ont prouvé leur capacité à simuler avec précision des écoulements de laves torrentielles (Iverson & Denlinger, 2001; Iverson et al., 2004) sur des terrains possédant une topographie tridimensionnelle complexe. Des travaux (Gray et al., 2003) ont montré que les modèles de type shallow water pouvaient simuler avec précision des écoulements à proximité d’obstacles tridimensionnels et notamment représenter des phénomènes complexes tels que la formation d’onde de choc, de zones mortes ou de cavités.

Les modèles numériques bidimensionnels s’appuyant sur une approche intégrée sur la hauteur souffrent néanmoins de plusieurs limitations majeures (Minussi & Maciel, 2012) : intégration selon la hauteur des équations du mouvement supposant de petites vitesses verticales et un champ de pression hydrostatique, indépendance de la composante horizontale de la vitesse avec la coordonnée verticale, etc. Développons deux de ces limites majeures ci-dessous.

Premièrement, les champs de pression sont considérés avec une hypothèse hydrostatique et la vitesse est moyennée selon la direction verticale. Par conséquent, l’utilisateur n’a pas accès aux valeurs locales le long de la direction verticale (Wang et al., 2016; Pastor et al., 2014). Compte-tenu de notre volonté à simuler des écoulements de laves torrentielles entrant en interaction avec des ouvrages de type pont et digues où des effets 3D apparaissent, cet aspect constitue une première limite à l’utilisation d’un modèle bidimensionnel. En effet, un des objectifs de la modélisation des laves torrentielles est de pouvoir analyser à un niveau local les sollicitations mécaniques de l’écoulement sur les ouvrages qu’il rencontre.

Une seconde limite est relevée quant au traitement du rayon hydraulique dans les codes bidimensionnels. La plupart des codes se base sur une hypothèse simplificatrice supposant que le rayon hydraulique peut être approché par la hauteur d’écoulement. Par définition, le rayon hydraulique Rh (m) est le rapport entre la section mouillée de l’écoulement, S (m²), et le périmètre mouillé, P (m). Dans le cas d’un écoulement canalisé, quel que soit la maille de calcul considérée, la section mouillée est égale à S = bh, avec b (m) correspondant à la largeur de l’écoulement sur la maille de calcul et h (m) la hauteur. L’expression du périmètre mouillé P quant à elle peut varier suivant la configuration étudiée. En effet, dans le cas d’une maille 2D, on peut faire l’hypothèse que la profondeur de l’écoulement est négligeable devant la largeur de l’écoulement. Cela revient à écrire : h << b. Le périmètre mouillé est ainsi assimilé à la largeur de l’écoulement : P ≈ b. Dès lors, le rayon hydraulique Rh est équivalent à la hauteur d’eau : Rh ≈ h.

Par conséquent, cette approximation revient à considérer que le frottement pariétal est constitué seulement de la friction entre le fluide et le radier du canal dans lequel il s’écoule. Le champ de vitesse et notamment la distribution verticale des vitesses ne sont pas affectés par les frottements induits par les parois latérales du chenal. Dans ce cas, les hauteurs calculées par un modèle 2D se rapprocheront de celles découlant d’un calcul effectué avec un modèle unidimensionnel dans une configuration de type chenal étroit. Le bassin versant réel sur lequel on souhaite étudier les écoulements de laves torrentielles a pour particularité de présenter un enjeu fort au niveau d’une zone chenalisée.

En effet, à cet endroit, de nombreux débordements ont été constatés lors des événements historiques passés engendrant des problématiques de circulation sur un pont routier présent dans cette partie du bassin versant. Dès lors, un autre objectif de la modélisation des laves torrentielles est de pouvoir reproduire un comportement numérique de l’écoulement proche de la réalité physique des écoulements surgissant dans la zone chenalisée étroite.

Enfin, malgré la prise en compte par ces modèles d’une loi rhéologique à seuil d’écoulement (Johnson, 1965; O'Brien & Jullien, 1988; Coussot, 1997), l’état de l’art demeure restreint quant à l’application de ces codes de calcul sur des cas réels avec des phases de calage et de validation des résultats (Ayotte & Hungr, 2000; Hürlimann, 2000; Hübl & Steinwendtner, 2001; Mei et al., 2001; Medina et al., 2008).

2.5.2. Orientation vers la dimension 3D

En conclusion de cette partie, on peut dès à présent apporter certaines réponses au verrou scientifique suivant :

Quelles recommandations suivre afin de rendre le modèle numérique pertinent dans la reproduction des champs de vitesse et de pression des écoulements non-newtoniens ?

L’état de l’art réalisé dans ce paragraphe a permis d’identifier les limites liées à l’utilisation des modèles numériques 1D et 2D dans un contexte de simulation des écoulements à surface libre de laves torrentielles. En conséquent, ces deux types d’approche ne répondent pas à notre objectif d’une analyse locale des écoulements à surface libre sur un bassin versant réel. Elles n’ont donc pas été retenues. Dès lors, nos travaux s’orientent vers une modélisation de type champ proche où la variation des principales grandeurs physiques dans l’épaisseur de l’écoulement est prise en compte de façon explicite.

Ainsi, le recours à un modèle tridimensionnel constitue l’orientation majeure de cette

recherche car les paramètres et les variables sont des fonctions des trois directions de l’espace.

Tableau 4 : Synthèse des approches numériques de modélisation.

Modèle

Type de représentation…

De la surface

libre Du champ de vitesse De la distribution des pressions

Des interactions avec des ouvrages De l’influence des parois latérales 1D suivant la Intégrée hauteur Approximation selon un axe unidimensionnel Hypothèse d’une répartition hydrostatique Prise en compte de l’énergie cinétique et de la pression Calcul du rayon hydraulique 2D Intégration suivant la hauteur Intégration selon l’axe vertical Hypothèse d’une répartition hydrostatique Prise en compte de l’énergie cinétique et de la pression Aucune 3D Complète selon les 3 directions de l’espace

Complète selon les 3 directions de

l’espace

Complète selon les 3 directions de l’espace Prise en compte de la courbure des lignes de courant pour le champ de pression Complète selon les 3 directions de l’espace

La résolution des équations de Navier-Stokes sera une étape de la méthodologie globale considérée en y intégrant la rhéologie particulière du fluide à seuil à traiter. L’état de l’art met en avant la robustesse des méthodes de type SPH pour la modélisation de la dynamique des fluides avec de grandes déformations (comme les laves torrentielles). Toutefois, l’augmentation des temps de calcul et la nécessité de mettre en œuvre un nombre important de particules pour représenter les écoulements nous amènent à délaisser cette approche et nous tourner vers la méthode eulérienne des volumes finis. L’approche de type VOF est retenue pour cette démarche de modélisation tridimensionnelle qui s’applique donc ici dans le contexte de la mécanique des fluides homogènes.

2.6. Cas expe rimentaux retenus pour la validation du code de