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Chapitre I. Les indicateurs de développement durable : concept, méthodes, utilisations et limites… méthodes, utilisations et limites…

I.2. c Une dimension systémique difficile à mettre en œuvre

I.2.c Une dimension systémique difficile à mettre en œuvre

Il existe plusieurs manières d’appréhender le développement durable d’un point de vue systémique. L’une d’elle consiste à essayer de voir comment un système donné peut se maintenir dans le temps, ce que l’on entend par système variant d’une étude à l’autre. L’ESI, par exemple, cherche à voir comment les différents écosystèmes mondiaux peuvent perdurer via l’étude des stocks de ressources naturelles et celle de leurs flux internes/externes. Une grande place est accordée également à l’analyse de leur capacité de résilience au travers du modèle PSR (OCDE, 1993). La réflexion de Lobato Ribeiro à propos de l’Amazonie brésilienne est également remarquable. Ses indicateurs lui servent non seulement à créer un indice synthétique de durabilité mais également à voir dans quelle mesure ce qu’il nomme les « principes orienteurs » du système sont satisfaits. Par « principes orienteurs », l’auteur fait référence à des mécanismes qui assurent la survie du système à plus ou moins long terme. Parmi eux, figure la condition d’« adaptabilité ». L’Amazonie perçue comme un système territorial doit être réactive aux modifications externes et internes. Ainsi, l’indicateur « taux d’analphabétisme » joue un rôle important en termes d’« adaptabilité » : sans une éducation de bonne qualité, la capacité d’évolution de l’Amazonie se retrouve réduite et les réponses qu’elle pourrait fournir à des problèmes endogènes ou exogènes risquent d’être inadaptées. Si ce travail sur la reproduction et la résilience des phénomènes est particulièrement intéressante, cette thèse aborde la problématique systémique de manière plus simple. Elle focalise son attention sur les moyens de faire interagir les différentes dimensions du développement durable.

La sélection des indicateurs : lorsque les interactions entre les différentes dimensions reposent fortement sur le bon sens et l’empirisme

Théoriquement, tous les indicateurs d’un même système doivent entretenir des relations plus ou moins fortes entre eux afin que leur agrégation, peu importe la méthode choisie, ait un sens (Lobato Ribeiro, 2002). Ce qui impliquerait d’avoir à recourir à des analyses statistiques etc. pour justifier la sélection de certaines variables. Le choix repose généralement sur l’empirisme ou des liens théoriques. Dans le premier cas, cela revient à dire que l’on peut agréger des indicateurs de pauvreté, de gouvernance et de pression sur l’environnement car l’expérience, qu’elle soit de terrain ou bibliographique, montre qu’il existe des relations entre ces trois phénomènes44

44 Le projet DIAMONT a établi un système d’indicateurs sur une démarche hybride entre empirisme et pertinence

statistique. Après avoir délimité les trois piliers (social, économique, environnemental), un panel d’experts a été consulté pour identifier les phénomènes qui devaient être mesurés. Les déclarations de ces experts ont été . Dans le deuxième cas, cela revient à se référer aux principes évoqués dans les figures n°1 et n°2.

La figure n° 1 est assez classique, elle présente les trois principes phares de la durabilité résultant de la rencontre des trois dimensions. L’interaction social/économie renvoie au principe d’équité, qu’elle soit intragénérationnelle (lutte contre les inégalités etc.) ou intergénérationnelle (promouvoir un mode de gestion en « bon père de famille » selon l’expression consacrée). Les échanges entre l’« économie » et l’ « environnement » en appellent à la question de la viabilité. Ce principe peut être perçu de différentes manières, soit comme la rentabilisation maximale des ressources existantes sans s’occuper de leur éventuelle finitude (approche néo-classique), soit en prenant celle-ci en considération. L’interaction entre la nature et la société doit se faire dans le respect de la vie sous toutes ces formes : le modèle doit être vivable. Le WWF et d’autres ONG rappellent que le ce dernier principe ne s’arrête pas aux populations humaines, la terre doit aussi être vivable pour le reste des espèces animales ou végétales (WWF, 2006). Ces trois principes théoriques suffisent en général à justifier la mobilisation de données diverses et variées pour alimenter toute démarche indiciaire.

Figure n° 1 Interactions entre les trois sphères classiques de la durabilité et les principes de bases qu’elles sous-tendent

Source : Ayong Le Kama et al., 2004

En intégrant la dimension institutionnelle d’autres éléments de justification peuvent apparaître (figure n° 2). L’interaction entre la sphère institutionnelle et sociale valide le caractère participatif du développement durable et renvoie à la notion de gouvernance. L’interaction entre l’institutionnel et l’économique vise à une régulation des échanges, éviter les débordements du capitalisme sauvage et les profondes inégalités qu’ils créent. À ce propos, les Objectifs du Millénaire pour le Développement font entrer la régulation des marchés dans la composition d’un

croisées statistiquement afin de déterminer les indicateurs de la durabilité alpine (Briquel, 2006 ; Schonthaler et Adrian-Werburg, 2006).

indicateur d’aide aux pays les moins avancés. Le dernier type d’échange entre la sphère environnementale et institutionnelle renvoie au principe de précaution présenté dans la partie I.1. Les gouvernements et la société civile organisée peuvent se prononcer contre certaines mesures, dans l’attente d’obtenir des preuves formelles de leur non-dangerosité pour l’être humain ou les écosystèmes.

Figure n° 2 Quelles interactions pour un développement durable à quatre dimensions ?

Établir des liens entre les différentes dimensions de la durabilité : les solutions préconisées

Pour l’instant, les principaux moyens mis en oeuvre pour faire interagir les différents éléments composant un système d’indicateurs sont relativement simples. Soit les notes obtenues aux indicateurs ou aux sous-indicateurs sont agrégées dans des indices synthétiques (l’agrégation peut être pondérée ou non) ; soit les indicateurs sont confrontés les uns aux autres dans des tableaux de bord ou des diagrammes en toile d’araignée... Méthodes qui présentent chacune des avantages et des inconvénients.

La première est souvent critiquée pour sa volonté d’additionner des phénomènes mesurés habituellement de manière très différente, « mélanger des pommes et des poires » pour reprendre l’expression courante (Bauler et Zaccaï, 2004). L’hétérogénéité des unités de mesure peut facilement être surmontée par des méthodes de scoring, c’est-à-dire que les performances obtenues dans tel ou tel domaine sont codées selon une échelle de notation commune (exemple 0 à 100 points). L’agrégation dans un indice final pose un problème néanmoins important en matière de durabilité : la substituabilité entre les différentes dimensions. Dans un système à trois dimensions, de mauvaises performances environnementales pourront éventuellement être

compensées par des bons résultats sur le plan économique ou social. Or, si l’on considère qu’une des conditions premières de la durabilité est le respect des conditions écosystémiques, procéder de la sorte n’est pas acceptable. Tout dépend de la posture que les créateurs du système souhaitent défendre. Si l’on se place dans une acception « forte » ou « très forte » de la durabilité, la substituabilité doit être évitée. Si l’on est adepte d’une durabilité faible cela ne pose aucun problème. Certains systèmes comme le baromètre de la durabilité ou le HPI s’évertuent à éviter la substituabilité, d’autres l’admettent (tableau de bord de la CSD/ONU ou des MDG). Enfin, dernière difficulté posée par l’agrégation, le poids de chacune des entrées retenues. Afin que chaque indicateur pèse significativement dans la balance, c’est-à-dire que l’on arrive à évaluer son importance en matière de durabilité, il faut veiller à ne pas les multiplier inutilement, comme le rappelle Boulanger (2004).

La deuxième méthode ne vise pas à l’agrégation mais à la représentation conjointe des différents indicateurs retenus dans des diagrammes en étoile ou des tableaux de bords (figure. n° 3). L’avantage est ici de pouvoir évaluer de manière quasi-immédiate les forces et faiblesses du territoire, par contre, l’identification d’éventuelles interactions est plus complexe notamment parce qu’elle nécessite de devoir manipuler plusieurs tableaux ou graphiques en même temps.

Figure n° 3 Exemple d’un tableau de bord : les objectifs de développement pour le millénaire

Source : MDG pour l’année 2006. Situation préoccupante vis-à-vis des Objectifs du Millénaire

Situation moyenne vis-à-vis des Objectifs du Millénaire Situation bonne vis-à-vis des Objectifs du Millénaire Situation du Brésil pour l’indice final

Classement du Brésil dans chaque sous-indice (sur 229 pays)

Il existe une troisième méthode pour mettre en évidence les interactions entre les différents facteurs : l’analyse statistique. Celle-ci est réalisée cette fois-ci sur les résultats afin de voir quelles sont les éventuelles synergies ou antagonismes entre indicateurs via des matrices de corrélations ou des analyses multivariées. Normalement, cette phase de confrontation est prévue par l’IISD (Pintér et al., 2005) afin d’identifier les mécanismes-clés de la durabilité, pourtant, ce genre d’analyse fait encore défaut. Teixeira Silva et al. (2007) ont utilisé des matrices de corrélation sur leur système d’indicateurs afin d’évaluer quels sont les rouages sur lesquels s’appuie la durabilité de l’agriculture familiale du Sud-Est du Pará. Cette analyse révèle notamment que cette dernière dépend de deux facteurs principaux : l’organisation sociale ainsi que l’environnement économique et productif.

L’approche holistique et systémique du développement durable est donc assez difficile à retranscrire dans un système d’indicateurs. Pour l’instant, l’agrégation d’indicateurs ou d’indices sectoriels, voire transversaux dans de rares cas, demeure la solution la plus prisée. D’autres principes phares du développement durable constituent de véritables défis en matière de démarche indiciaire. La sous-partie suivante est consacrée aux difficultés inhérentes à la prise en compte des jeux d’échelles (articulation local/global) et des dynamiques intergénérationnelles.

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