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La vision selon laquelle l'intelligence apporte des avantages compétitifs et économiques pour les organisations et États n'aurait pas beaucoup de signification si elle restait limitée à cette approche mercantiliste. Un courrant de pensée dont l'origine est attribué par le professeur Stevan Dedijer, de l'Université de Lund, Suède (Dedijer, 1984), au philosophe pragmatique américain, John Dewey (1910, 1927, 1938, 1939) est en train d'acquérir beaucoup de popularité entre les auteurs et spécialistes du terrain. Il affirme que l'humanité est "un système social interconnecté" (p.20) faisant face à des problèmes globaux tels que la croissance de la population mondiale, la limitation des ressources de l'eau potable, la pollution, l'échauffement globale et les armes nucléaires, biologiques et d'autres. Et, continua Dedijer (1984) :

Dans des crises comme celles mentionnées, ces systèmes interdépendants et interactifs, tout être humain individuellement, chaque organisation, gouvernement et État recherche sa propre immunité contre la destruction, le maintien de ses qualités de subsistance, de sa sécurité et à rester libre de l'appréhension et du danger. (…) En ces crises, l'homme regarde à soi même et aux "mondes" à son tour avec un désir d'identifier des données, des faits, des questions, des informations et de la connaissance de tendances qui puissent offrir des

opportunités pour sa survie, sa sécurité, sa stabilité et son développement (p.22). Dedijer explique que la démocratie "devient une force productive, une nécessité basique" en fonction de la "démocratie de l'information" (Dedijer, 1979a, p.529), le droit des citoyens d'un pays "d'obtenir, produire, distribuer et garder information". Ce droit est, aujourd'hui essentiel

pour qu'un pays "obtienne et créé des connaissances scientifiques, d'autres domaines et aussi du savoir-faire" (p.529).

Dedijer (1979b) argumente aussi que, dans les pays en développement, nous devons faire attention au développement sociale, politique, économique, culturel et à d'autres contextes, en relation à la science et à la technologie, comme à la recherche

d'innovations sociales spécifiques telles que des nouvelles lois, des organisations, des professions, des codes de conduite, des normes de comportement, des

systèmes intelligents, des normes pour des subsides et d'autres initiatives (…) pour importer, adapter ou créer des technologies étrangères ou nationales de manière à contribuer le maximum possible pour ses nécessités spécifiques et ses objectifs de développement (1195).

Cette vision est partagée par le professeur Henri Dou (2001b) qu'a été un des responsables par le premier cours de spécialisation en Intelligence Compétitive au Brésil. Pour lui

l'intelligence organisationnelle et compétitive est valide seulement si les concepts, les méthodes et les opportunités en jeu sont clairement compris par ces qui agissent dans le développement du pays. En même temps, nous ne pourrons changer de paradigme et dominer ces changements que si nous nous approprions nous-mêmes des méthodes et établissons rapidement une intelligence et une organisation 'à la Brésilienne', en prenant en compte le passé, les mentalités, les moyens et la culture de ce pays" (pp.27-28).

Comme "on n'arriverait pas à l'intelligence par l'accès passif à l'information ou même, seulement par les connaissances transmises par les écoles et universités", (p.28) elle doit être

crée, indique Dou (2001b) "c'est au long de ce processus de création qu'un système utile au

pays va en s'élaborant, intégré dans sa culture et dans ces scénarios et tournés vers le futur" (p.28). Dou (2001b) souligne que l'étape décisive pour la création "d'une intelligence brésilienne" (p.29) est celle de la capacité, que nécessitera de plus de livres, "d'instruments et des réflexions, aussi bien que de collaborations d'origine nationale et internationale" (p.30).

Un processus qui, selon Dou, agisse sur les méthodes de travail, de production, de recherche et d'utilisation des informations, en valorisant la synergie au lieu de la compétition et en mettant en évidence la nécessité de reconfigurer les structures organisationnelles. Le professeur de l'Université d'Aix Marseille III indique encore que comme la production d'information à un cycle chaque fois plus rapide, le pays nécessitera de "nouvelles technologies, nouvelles contributions de la pensée et nouveaux modèles mentaux" (p.29).

Dedijer (2003) signale que l'accélération constante des changements et des capacités d'échanger l'information est un processus mondial qui concerne "toute l'humanité" (p.2) qui est propulsé par l'Internet, laquelle infrastructure fait arriver ce que Robert Wright décrit en "Nonzero : The logic of Human Destiny" (Wright, 2000) :

Avec le progrès de l'histoire, les êtres-humains iront chaque fois plus jouer des jeux à somme non-nulle avec de plus en plus des êtres humains.

L'interdépendance s'accroît et la complexité sociale s'accroît en portée et profondeur (Wright, 2000, apud. Dedijer, 2003, p.3).

Masson (2001) note que Blaise Cronin et Elisabeth Davenport (1993) ont cité Stevan Dedijer comme un des précurseurs de cet

abordage intégré et holistique de l'intelligence. Il parle avec confiance d'une révolution de l'intelligence et de l'émergence d'une science de l'intelligence qu'intégreraient les chercheurs sur tous les aspects de l'intelligence : Biologique, individuelle, artificielle, gouvernementale (pp.139-140).

Pour Dedijer, l'information, la technologie et la connaissance sont la source réelle de la puissance des pays développés, au même niveau des ressources naturelles, le territoire ou l'économie et contribuent, selon Baumard (1991, p.46) à former une vision globale pour la compréhension des problèmes des hommes, des entreprises, des sociétés et des nations. Dans la mesure ou de plus en plus d'organisations humaines pratiquent et mobilisent toutes les "intelligences", la "révolution" se passera inévitablement et contribuera pour résoudre pacifiquement les problèmes du monde.

Dedijer et Jequier (1987, apud. Masson, 2001, pp.142-143) expliquent que

les agences gouvernementales, les industries, les partis politiques, les syndicats, les armées, les groupes de pression politique sont tous impliqués en travaux d'intelligence. Ces activités, qui consistent en identifier des problèmes, des menaces, des opportunités et des défis, à réunir des vastes quantités d'informations et à les utiliser pour atteindre des objectifs fixés par les organisations elles-mêmes, sont très rarement reconnues comme des travaux d'intelligence. (…) L'intelligence est une activité importante de toute société, quel que soit son niveau de développement. En ce qui concerne la société, ce terme est parfois équivalent à intelligence (au sens psychologique du terme) d'un être humain (p.23).

Dedijer (2003) rapporte que "quand il a commencé à étudier l'histoire de l'intelligence" il a découvert qu'elle a eu "un rôle important dans l'histoire de la Suède". Entre autres points, il relève "une contribution unique" du pays baltique : Le Saltsjöbad spirit, crée en 1938, "une

innovation sociale pour assurer stabilité industrielle et éviter des conflits entre capital et travail" (p.12). Tous les ans, des représentants des patrons et des ouvriers se réunissent et cherchent un consensus sur "conditions de travail et salaires". Cette recherche concerne des discussions techniques sur des dossiers et des efforts pour "considérer les intérêts des deux cotés" (p.12).

Dedijer (2003, p.4) explique que le monde s'aperçoit "d'une révolution de l'intelligence". Il mentionne que le ex-chef de la Central Intelligence Agency (CIA), William Colby a été le premier à s'apercevoir, dans les années 70, de cette révolution. "Ses idées ont été suivies et développés par Wilhelm Arell et Stevan Dedijer" (p.4). Colby a énoncé cinq dimensions de cette "révolution de l'intelligence" :

1. Après la fin de la Deuxième Guerre Mondiale la majorité des Etats membres de l'ONU ont crée des "communautés de sécurité nationale et d'intelligence".

2. Les NTC et les nouvelles sciences comme la biotechnologie sont utilisées massivement "pour des recherches et des analyses pour de l'intelligence et de la sécurité".

3. Les entreprises et les autres organisations sociales utilisent aussi massivement l'intelligence pour "compétition, croissance et profit".

4. Des entités de représentation et contrôle sont crées avec la mission "d'assurer que la communauté d'intelligence et sécurité adhère aux principes basiques qui gouvernent la démocratie".

5. L'intelligence a un impact global. Elle devient "une ressource internationale", un

instrument "pour aider l'humanité à identifier et résoudre ses problèmes par la négociation et la coopération au lieu de continuer à souffrir ou de lutter pour eux (W. Colby,

Honorable Men : My Life in the CIA, 1978)". (Dedijer, 2003, p.4). Dedijer ajoute trois autres dimensions à la "révolution de l'intelligence" :

6. Cette révolution est valide aussi en ce qui concerne les individus. Ils acquièrent "la capacité d'être inquisitifs et d'obtenir des informations pour les aider à comprendre et à travailler leurs problèmes".

7. L'espionnage telle qu'il a été popularisé par les médias et le cinéma, comme une technique de guerre-froide, est "chaque fois moins appropriée pour les problèmes de l'intelligence actuels". Ses techniques deviennent "inadéquates et dépassées" parce que selon George Kennan, "plus de 95%" des informations nécessaires peuvent être obtenues "par l'étude soigneuse et compétente de sources d'information parfaitement légitimes" (p.4-5). 8. Une nouvelle "science du développement" a surgi avec une dimension holistique

d'intégration des "connaissances d'individus de plusieurs systèmes sociaux en incluant des problèmes globaux et sciences naturelles" (Dedijer, 2003, pp.4-5).

Dedijer (2003) considère que "le fondateur de la philosophie pragmatique, John Dewey, a prédit que le développement de l'intelligence sociale allait éviter le conflit entre l'économie de

marché du laisser-faire et le socialisme totalitaire" (p.20). Et confirme : "L'intelligence d'un

système social dépend de l'analyse de l'information réunie" (p.10).