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Une diffusion du numérique qui estompe les spécificités et incline à une plus grande implication des instances européennes

Avec le passage à l’ère numérique, les institutions européennes semblent adopter une ligne plus interventionniste, pour promouvoir une vision plus concurrentielle du secteur des jeux.

L’accélération des évolutions technologiques et la massification de l’offre illégale de jeux d’argent et de hasard en ligne ont remis en cause les monopoles existants, dont la proportionnalité et l’efficacité ont été questionnées, avec le souci d’assurer la compétitivité de la zone européenne dans le secteur des services numériques.

219 Où chaque Land a un représentant. C’est lui qui développe les directives sur la publicité des JAH (Werberichtlinien), et qui prend les décisions finales concernant les permis et licences auxquels la procédure commune est applicable.

2.1. Un contrôle renforcé de la CJUE sur la proportionnalité et l’efficacité des mesures nationales

Par sa jurisprudence récente, la CJUE se réserve le droit de vérifier la proportionnalité et l’efficacité des mesures restrictives mises en place pour les jeux d’argent et de hasard, qu’ils soient en ligne ou en point de vente, incitant à une libéralisation du secteur.

Avec l’arrêt Gambelli du 6 novembre 2003220, la CJCE opère un contrôle strict de la proportionnalité des mesures mises en place, ainsi que dans l’arrêt Placanica du 6 mars 2007221 où elle rejette la possibilité de réserver les licences de paris sportifs en Italie à certains types d’opérateurs.

Cette inflexion se poursuit avec l’arrêt Engelmann du 9 septembre 2010, où la CJUE juge disproportionné le fait de réserver l’exploitation des jeux d’argent et de hasard à des opérateurs ayant leur siège sur le territoire national.

Enfin, dans l’arrêt Ince du 4 février 2016, la CJUE prend aussi en considération la pertinence des mesures restrictives prises par l’Allemagne, alors que l’octroi des licences n’est pas encore efficacement mis en œuvre.

Le contentieux Ince

L’Allemagne, en matière de paris sportifs, a instauré un système d’octroi de licences qui n’est pas encore mis en œuvre, ce qui a poussé certaines juridictions allemandes à développer des procédures fictives d’autorisation d’opérateurs de paris sportifs. Dans la mesure où ces procédures ne sont pas codifiées et reconnues par tous les États membres, la CJUE a jugé que les opérateurs ne pouvaient en avoir nécessairement connaissance.

Ainsi, par l’arrêt Ince, la CJUE considère que les procédures fictives d’autorisation ne sont pas suffisamment efficaces pour respecter le droit européen applicable en la matière.

2.2. Une Commission européenne qui se saisit des jeux en ligne et contrôle la cohérence des mesures nationales

Dans sa communication intitulée « Vers un cadre européen global sur les jeux de hasard en ligne », qui avait été adoptée le 23 octobre 2012, la Commission avait annoncée qu’elle accélèrerait « dans le cadre des procédures d’infraction et des plaintes pendants, la réalisation de son examen des dispositions nationales et (prendrait), chaque fois que nécessaire, des mesures pour assurer le respect de la législation »222. Ainsi, dès novembre 2013, Commission a envoyé des demandes d’informations officielles, qui constituent la première étape d’une procédure d’infraction, à plusieurs États membres223. En février 2015, 35 plaintes concernant

220 Arrêt Gambelli, 6 novembre 2003, aff. C-243/01

221 CJCE, 6 mars 2007, aff. C-338/04 ; C-359/04, C-360/04, procédure pénales c/ Massimiliano Placanica

222 Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social et au Comité des régions, « Vers un cadre européen global pour les jeux de hasard en ligne », 23/10/2012

223 Belgique, Chypre, République Tchèque, Lituanie, Pologne, Roumanie.

16 États membres étaient en cours de traitement. La France a elle-même fait l’objet d’une demande d’information, qui a été clôturée le 1er août 2014.

La procédure d’infraction mise en place par la Commission européenne, comme le dispose l’article 258 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), comporte plusieurs étapes :

- Une « lettre de mise en demeure », demande d’informations officielle à laquelle l’État membre doit apporter une réponse, généralement dans un délai de deux mois ;224 - Si la réponse à la demande d’informations n’est pas satisfaisante, la Commission

européenne peut demander formellement à l’État de se conformer au droit de l’Union européenne, via un « avis motivé », dans un délai de généralement deux mois ; l’État doit alors informer la Commission européenne de sa mise en conformité ;

- Lorsque l’État ne répond pas à l’ « avis motivé » de la Commission européenne, celle-ci peut le déférer devant la CJUE.

Si leur caractère transfrontalier a conduit la Commission européenne à viser prioritairement les jeux d’argent et de hasard en ligne, elle ne s’est pas interdit, au nom de la cohérence des politiques nationales de régulation, de contrôler aussi les jeux en dur.

Entre 2009 et 2014, les situations de monopoles et d’interdiction des jeux d’argent et de hasard ont considérablement décru au profit de systèmes d’octroi de licences. Les pays historiquement libéraux en matière de jeux d’argent et de hasard (Malte, Royaume-Uni, Irlande, Danemark,) voient ainsi leur modèle se généraliser en Europe.

Par ailleurs, certains États membres ayant choisi de conserver leurs monopoles ont toutefois été contraints, sous l’influence de la Commission européenne, de les réformer.

La Suède, qui exerce une politique restrictive des jeux d’argent et de hasard –ceux-ci font tous l’objet d’un monopole ou d’une interdiction, à l’exception du Bingo- est actuellement visée par deux procédures d’infraction et a été déférée devant la CJUE pour non-respect du droit de l’Union.

La Commission lui reproche :

une incohérence entre le régime de droit exclusif pour les paris sportifs et les « objectifs d’ordre public poursuivis, à savoir la prévention du jeu problématique et des activités criminelles, et que ce régime n’est pas suffisamment contrôlé par l’État »

un contrôle insatisfaisant du titulaire du droit exclusif sur la fourniture de services de poker en ligne et une incohérence, puisque les autorités « tolèrent l’offre non autorisée et la publicité »

2.3. Plus d’ouverture et une réforme de la régulation chez plusieurs pays européens

Plusieurs pays européens ont récemment mis en œuvre une plus grande ouverture des jeux d’argent et de hasard, en particulier en matière de jeux en ligne, et réformé leur régulation du secteur.

224 Les procédures de demandes d’informations officielles sont fondées sur les plaintes formulées par les opérateurs. La Commission européenne peut adresser plusieurs procédures de demandes d’informations au même État membre, même après avoir clôturé une procédure de demande d’informations officielles.

C’est le cas notamment de l’Italie, de l’Espagne et du Royaume-Uni.

Avec la loi 13/2011 du 12 mai 2011, l’Espagne a instauré un système de licences sur plusieurs jeux d’argent et de hasard, notamment en ligne. Sont désormais ouverts à la concurrence le bingo, plusieurs jeux de casino, les paris (hippiques, sportifs, mais aussi politiques, économiques ou culturels) à cote fixe et mutuelle, ainsi que le betting exchange.

Au Royaume-Uni, c’est le Gambling (licensing and advertising) Act, entré en vigueur le 1er novembre 2014, qui a mis en place un système de licences en matière de jeux d’argent et de hasard en ligne.

La Finlande, suite à une procédure d’infraction ouverte par la Commission européenne en avril 2006, a réformé en mars 2011 son monopole légal, désormais réservé à 3 opérateurs. Ce qui a permis la clôture de la procédure d’infraction en novembre 2013.

Source : ARJEL, « Principales caractéristiques des législations des États membres de l’UE (hors France) en matière de jeux en ligne en Mars 2016 ».

Dans le cadre de la réforme de la régulation des jeux en ligne (Décret-loi n°66/2015 du 29 avril 2015, entré en vigueur le 28 juin 2015), le Portugal a largement ouvert à la concurrence les jeux d’argent et de hasard en ligne, en fixant un système de licences pour de nombreux jeux en ligne : les paris sportifs à cotes fixes, les paris hippiques mutuels ou à cotes fixes, les jeux de casino (dont le poker et les machines à sous) et le bingo.

Source : ARJEL, « Principales caractéristiques des législations des États membres de l’UE (hors France) en matière de jeux en ligne en Mars 2016 ».

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