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Comme discuté dans la section précédente, la coalescence des particules de polymères com-prenant la formation de cous suivie de la densification du matériau ne permet pas, à elle seule, un retour aux propriétés mécaniques du matériau massique au niveau des interfaces. En effet, les méca-nismes de diffusion basés sur la dynamique moléculaire, détaillée précédemment, doivent être appli-qués pour le frittage des polymères. C’est pourquoi, les mécanismes de frittage des polymères peu-vent être considérés analogues à ceux concernant la cicatrisation des fissures dans un polymère150.

Pour de longues chaînes, le concept de la reptation a permis de décrire avec succès les résul-tats expérimentaux de cicatrisation de fissures158-160 (Figure I.39).

Figure I.39 : Diffusion d’une chaîne à travers une interface par des mouvements de reptation159.

Les études menées par Wool et al.159,161,162 expliquent que la consolidation maximale est ob-tenue lorsque l’on ne peut plus distinguer d’interface à l’échelle moléculaire. La distance d’interpéné-tration moyenne χ de chaîne à travers l’interface polymère-polymère a été définie par la relation :

𝜒 = 𝑅𝑔𝜏𝑡

avec Rg le rayon de giration des chaînes, t le temps de mise en contact des interfaces à l’état fondu et τrep le temps de reptation.

Dans la partie I.C.2.b.iii, les deux caractéristiques importantes du concept de la reptation ont été introduites : l’équivalence temps-température sur la mobilité des chaînes et la cinétique de rep-tation dépendante de la masse molaire du polymère (dépendance en Mw3).

Pour l’équivalence temps-température, on peut aisément montrer, en combinant les équa-tions 4 et 7, que la distance d'interpénétration d'une chaîne χ pendant le processus de cicatrisation varie aussi en (T·t)γ, où T et t représentent respectivement la température et le temps. La conclusion est donc la même que pour la théorie de reptation : le temps et la température jouent un rôle équi-valent lors de la consolidation des interfaces par ré-enchevêtrement. On s'attend alors à ce que le taux de ré-enchevêtrement dans la région interfaciale soit également proportionnel à (T·t)γ. En fonction de l'échelle de temps, γ peut prendre la valeur de 1/2 ou 1/4 (si t est supérieur ou inférieur à τrep) comme l’indiquent Wool159 et Bousmina153 (Figure I.40). Les propriétés mécaniques des interfaces polymères cicatrisées vont dépendre principalement de la densité de ré-enchevêtrements dans la zone interfa-ciale158-160. Par conséquent, les propriétés mécaniques des matériaux frittés doivent évoluer de la même façon avec l’augmentation du temps ou de la température de frittage.

Figure I.40 : Profondeur moyenne (<χ>) de diffusion d’un monomère en fonction du temps à la puissance 4 pour un polymère avec différentes masses molaires. Ici <χ > α t1/4 lorsque t<τrep

et <χ> α t1/2 lorsque t>τrep159.

Toujours d’après l’équation 7, lorsque t = τrep, χ devient égal à Rg ; les chaînes sont alors tota-lement ré-enchevêtrées et l’interface a disparu. Autrement dit, au bout d’un temps supérieur ou égal au temps de reptation, la consolidation des interfaces est optimale, en considérant bien évidemment que la coalescence des particules soit parfaite (partie I.C.3.b).

En ce qui concerne la dépendance à la masse molaire du polymère, plus récemment, Wool163,164 prédit que la fracture par désenchevêtrements des chaînes de polymères amorphes ou semi-cristallins ne se produit que pour une gamme de masse molaire allant de Mc à 8Mc (masse mo-laire critique définie dans la section I.C.2.b.i). En d’autres termes, la chaîne n’aurait besoin que de diffuser d’une distance de 8Mc le long du son tube de reptation pour que la soudure soit complète.

Enfin, pour les polymères semi-cristallins, il peut exister en plus un autre moyen de consolider l’interface : la cocristallisation des chaînes après interdiffusion et refroidissement165,166. Ce phéno-mène consiste en la croissance de nouvelles lamelles cristallines à travers l'interface de deux particules de poudre (Figure I.41). Les études récentes sur la compaction à grande vitesse du UHMWPE et du POM ont même montré qu'un temps de diffusion très court était suffisant pour donner une bonne ductilité aux poudres frittées108,113,114. Ce résultat proviendrait de la présence à la fois d'un réseau d'enchevêtrement et d'un réseau cristallin à l’interface particule-particule.

Figure I.41 : Schéma de principe de la consolidation de l’interface par cocristallisation127. Les chaînes en bleu et rouge représentent deux chaînes provenant de particules différentes.

En ce qui concerne les travaux sur la cicatrisation des fissures de PEEK, seul un faible nombre d’études a été rapporté dans la littérature167-169. Dans tous les cas, une bonne cicatrisation à l’interface a été observée uniquement pour des températures supérieures à la Tf du PEEK. Davies et ses collabo-rateurs169 ont notamment étudié la cicatrisation des fissures dans des composites fibres de carbone / PEEK. Une pression de 1,4 MPa a été appliquée pendant 5 min à différentes températures et ils ont montré qu’à partir de 370 °C, soit une température bien supérieure à la Tf, une récupération complète des propriétés mécaniques à l’interface était observée. Les auteurs169 ont expliqué ce résultat par le fait que le PEEK étant un polymère semi-cristallin, la cicatrisation à des températures de quelques degrés au-dessus de Tg ne peut pas être possible. En effet, contrairement aux polymères amorphes, les polymères semi-cristallins présentent un très faible nombre de chaînes orientées aléatoirement capables de diffuser à travers l'interface. Cet effet est d’autant plus marqué que le polymère présente un haut degré de cristallinité.

Adhésion polymère-métal

Introduction

généralement à une réduction globale de la masse de la pièce170. Plus particulièrement, le recours aux matériaux composites combinant les propriétés des différents constituants est une solution largement employée. En contrepartie, une attention particulière doit être apportée aux problématiques liées aux interfaces développées dans ces composites.

Dans le cas particulier de cette étude, l’objectif est de développer des assemblages poly-mère/métal combinant la résistance mécanique et la rigidité du métal à la faible densité du polymère. Les assemblages mécaniques entre un polymère et un métal (rivetage, vissage, …) conduisent à une augmentation de la masse et à une concentration de contrainte lors de la sollicitation de la pièce. Les assemblages collés, quant à eux, présentent un troisième corps qui est susceptible de limiter l’utilisa-tion en température de l’assemblage pour des raisons de dilatal’utilisa-tions thermiques différentes et de dé-gradation thermique. Ces travaux de thèse se proposent alors de réaliser un assemblage direct ; c’est-à-dire sans colle, ni adhésif, entre un polymère thermoplastique thermostable (PI ou PEEK) et un al-liage d’aluminium AA7020 (Al AA7020) afin de s’affranchir des problèmes évoqués précédemment.

Dans cette partie, la problématique de la résistance de l’interface entre le polymère et l’Al sera traitée en présentant brièvement, dans un premier temps, les différentes théories de l’adhésion. Puis, les traitements de surface de l’Al seront évoqués. Enfin, les différents tests mécaniques d’adhé-rence pour caractériser les assemblages multicouches seront identifiés. Bien que les travaux issus de la littérature traitent pratiquement exclusivement d’assemblages collés, les théories de l’adhésion, les traitements de surface de l’Al ou encore les tests d’adhérence (hors élastomère) restent applicables à l’étude présentée dans ce manuscrit.

Théories de l’adhésion

Historiquement, les modèles classiques de l’adhésion sont l’ancrage mécanique, la diffusion de chaînes à l’interface de deux polymères, l'adsorption physique, la réaction chimique de surface, le mouillage et les interactions électrostatiques. Néanmoins, aucune de ces théories ne permet d'expli-quer à elle seule le phénomène d'adhésion car celui-ci résulte de la combinaison de nombreux mo-dèles élémentaires171. Le processus d’adhésion d’un polymère sur un métal se déroule en plusieurs grandes étapes qui font intervenir différents modèles. Ces derniers peuvent être divisés en deux grandes familles : le modèle mécanique et les modèles chimiques et physico-chimiques. Le Tableau I-7 regroupe l’ensemble de ces modèles d’adhésion et présente leur échelle d’action.

Modèles classiques de l’adhésion Échelle d’action Mécanique Microscopique Électrostatique Macroscopique Diffusion Moléculaire Adsorption/Réaction de surface Mouillabilité Moléculaire Liaison chimique Atomique

Acide-base Moléculaire

Couche de faible cohésion Moléculaire