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Différenciation des oxygènes non-pontants

4.2 Structure électronique locale des borates de sodium

4.2.4.1 Différenciation des oxygènes non-pontants

Les borates alcalins présentent des agencements superstructuraux qui ont une in-fluence sur leurs propriétés physiques. La question se pose alors de savoir s’il est pos-sible de mettre en évidence des signatures spectrales propres à ces différentes unités superstructurales (diborates, pentaborates, etc.). Pour cela, on peut s’intéresser à la décomposition des spectres XRS en contributions des oxygènes inéquivalents afin d’en extraire une tendance.

Dans Na2B8O13 qui est entièrement constitué d’oxygènes pontants, ceux-ci se ré-partissent en deux groupes : les atomes d’oxygène qui sont liés à deux [3]B et ceux qui sont liés à un [3]B et un [4]B. La figure 4.17 présente la décomposition en oxygènes inéquivalents du spectre XRS au seuil K de l’oxygène dans Na2B8O13. On constate que les oxygènes qui contribuent au pic à 536 eV du spectre XRS sont des oxygènes liés à un[3]B et un[4]B, les oxygènes liés à deux[3]B apparaissant à plus haute énergie, et ce quelque soit la superstructure à laquelle appartient l’oxygène considéré. Si on compare ces résultats aux longueurs de liaisons et distributions angulaires qui caractérisent les liaisons entre chaque oxygène et ses premiers voisins (cf. Tableau 4.1), on constate que les longueurs moyennes de liaison B-O sont plus courtes pour des liaisons [3]B-O que pour des liaisons [4]B-O et que les contributions des oxygènes liés à un [4]B tendent à apparaitre à plus basses énergies que celles des oxygènes uniquement liés à des[3]B. Ce comportement ressemble à celui qu’on observe pour les oxygènes non-pontants dont les liaisons avec les atomes de bore voisins sont plus longues que celles des oxygènes pon-tants et dont les contributions sortent également à plus basse énergie. Il est à noter que si cette tendance se vérifie en moyenne sur des oxygènes dont l’environnement diffère, il ne semble pas y avoir de corrélation directe entre les longueurs de liaison B-O, la valeur des angles B-O-B et la position en énergie d’un oxygène donné parmi les autres oxygènes de même type.

Tableau 4.1 – Environnement atomique des oxygènes dans Na2B8O13

Oxygène Premiers voisins Longueur de liaison Angle B-O-B Unité

B-O moyenne (Å) (degrés) superstructurale

O12 [4]B + [3]B 1.405 120.3 triborate O13 [4]B + [3]B 1.410 118.8 triborate O1 [4]B + [3]B 1.395 136.4 -O9 [4]B + [3]B 1.425 121.6 pentaborate O6 [4]B + [3]B 1.395 122.6 pentaborate O4 [4]B + [3]B 1.410 122.1 pentaborate O3 [4]B + [3]B 1.395 132.0 -O5 [4]B + [3]B 1.405 122.7 pentaborate O2 2[3]B 1.380 121.5 pentaborate O11 2[3]B 1.385 117.1 triborate O7 2[3]B 1.380 118.4 pentaborate O10 2[3]B 1.365 130.1 -O8 2[3]B 1.365 134.8

-Il peut être intéressant de regarder une structure boraté équivalente à Na2B8O13 en termes de composition et d’unités superstructurales afin de déterminer si la tendance observée sur les contributions des différents oxygènes dans Na2B8O13 est généralisable. Il se trouve que Li3B11O18 et Na2B8O13 présentent des concentrations en alcalin très proches et sont constitués des mêmes arrangements superstructuraux, à savoir des uni-tés triborates et pentaborates, ce qui fait de Li3B11O18 un bon candidat pour une comparaison.

La figure 4.18 présente la décomposition du spectre XANES au seuil K de l’oxygène dans Li3B11O18 en contributions des oxygènes inéquivalent de la structure

cristallogra-Figure 4.17 – Décomposition du spectre XRS au seuil K de l’oxygène dans Na2B8O13 en contribution des différents oxygènes inéquivalents de la structure cristallographique (gauche). Les oxygènes de type [3]B-O-[4]B sont représentés en rouge et ceux de type [3]B-O-[3]B sont en bleu. Les contributions moyennes de chaque type d’oxygènes pontants au spectre total (gris) ainsi que le spectre XRS expérimental (vert) sont donnés pour comparaison. Les lignes verticales grises servent de guide visuel. Les courbes en pointillés correspondent aux oxygènes au centre d’agencements triborates, celles en tiret correspondent aux oxygènes au centre des structures pentaborates, et les courbes en trait plein sont des oxygènes partagés par plusieurs superstructures. Des représentations schématiques des superstructures triborates et pentaborates sont indiquées pour une meilleure visualisation (droite).

Figure 4.18 – Décomposition du spectre XANES au seuil K de l’oxygène dans Li3B11O18 en contribution des différents oxygènes non-équivalents de la structure cristallographique (gauche). Les oxygènes de type [3]B-O-[4]B sont représentés en rouge, et ceux de type[3]

B-O-[3]B sont en bleu. Les contributions moyennes de chaque type d’oxygènes pontants au spectre total (gris) ainsi que le spectre XRS expérimental (vert) sont donnés pour comparaison. Les lignes verticales grises servent de guide visuel. Les courbes en pointillés correspondent aux oxygènes au centre d’agencements triborates, celles en tiret correspondent aux oxygènes au centre des structures pentaborates, et les courbes en trait plein sont des oxygènes partagés par plusieurs superstructures. Des représentations schématiques des superstructures triborates et pentaborates sont indiquées pour une meilleure visualisation (droite).

phique, dont les environnements atomiques sont donnés en annexe (cf. Annexe B)1. On constate que, si en moyenne les oxygènes liés à deux bores tri-coordonnés apparaissent effectivement à plus haute énergie que les oxygènes liés à un [3]B et un [4]B, il y a un recouvrement des deux contributions moyennes plus important pour ce borate de li-thium que pour Na2B8O13. L’écart en énergie (chemical shift) entre le premier oxygène de type [3]B-O-[4]B et le premier oxygène de type [3]B-O-[3]B est d’environ 0.6 eV dans Li3B11O18 contre environ 1 eV dans Na2B8O13. Cette différence de chemical shift entre les différents types d’oxygène dans les borates de sodium et de lithium se retrouve par exemple dans les métaborates alcalins, avec un écart en énergie entre BO et NBO d’en-viron 1.4 eV dans LiBO2 et de presque 2 eV dans NaBO2. Ce phénomène, également observable dans les silicates, (cf. paragraphe 4.1.2), pourrait être lié aux différences d’électro-négativité du lithium (0.98) et du sodium (0.93) qui modifieraient les répar-titions des densités électroniques des autres atomes.

Parmi les oxygènes pontants, il semble donc possible de distinguer les oxygènes liés à deux bore de même coordination ([3]B ou [4]B) de ceux liés à deux atomes de bore de coordinations différentes. Les composés Na2B8O13 et Li3B11O18 présentent deux types d’oxygènes pontants ([3]B-O-[3]B et[3]B-O-[4]B), et nécessiteraient d’être comparés à un composé comprenant des oxygènes partagés entre deux unités BO4 afin de déterminer si la position en énergie de la contribution d’un oxygène est liée à la coordination de ses voisins ou si c’est la symétrie de son environnement qui joue un rôle prépondérant (deux bores de même coordination ou non). Les compositions diborate (Li2B4O7 et Na2B4O7) présentent quant à elles le troisième type d’oxygènes pontants, correspon-dant à un atome d’oxygène lié à deux [4]B. En particulier, le tetraborate de sodium Na2B4O7 est constitué d’agencements triborates et di-triborates, et présente donc les trois types d’oxygènes pontants possibles dans sa structure. La figure 4.19 présente la décomposition du spectre XRS au seuil K de l’oxygène dans Na2B4O7 en contribu-tions des oxygènes inéquivalent de la structure cristallographique, dont les environne-ments atomiques sont donnés en annexe (cf. Annexe B). Visuellement, la contribution moyenne des oxygènes liés à deux[4]B commence à contribuer au spectre XRS total à partir de 537 eV, c’est-à-dire à une énergie similaire à celle du pic π de la contribution moyenne des oxygènes liés à deux [3]B.

Afin de déterminer si la distinction entre les oxygènes[4]B-O-[4]B et les autres oxy-gènes pontants est généralisable, on peut comparer Na2B4O7 à un composé boraté présentant également des oxygènes [4]B-O-[4]B. Li2B4O7 est un borate de lithium de même teneur en alcalin que Na2B4O7 et présentant également deux unités BO4 parta-geant un oxygène, ce qui en fait donc un candidat intéressant pour une comparaison avec Na2B4O7.

Dans Li2B4O7, dont la décomposition en oxygène est donnée en annexe (cf. An-nexe B), la situation est un peu différente de Na2B4O7. La contribution de l’oxygène lié à deux [4]B apparait à la même énergie que celle des oxygènes liés à un [3]B et un [4]B. Plusieurs raisons peuvent être proposées pour expliquer ce phénomène. La

pre-1. Les données XANES présentées ici sont issues des travaux de G. Lelong et al. sur les borates de lithium [117]. Les mesures XRS effectuées sur les borates de sodium ayant été réalisées à faible valeur de q, l’influence de la contribution monopolaire sur les spectres XRS théoriques et expérimentaux au seuil K de l’oxygène est ici négligeable et permet une comparaison directe entre les données XANES et XRS.

Figure 4.19 – Décomposition du spectre XRS au seuil K de l’oxygène dans Na2B4O7 en contribution des différents oxygènes non-équivalents de la structure cristallographique (gauche). Les oxygènes de type [3]B-O-[4]B sont représentés en rouge, ceux de type [3]

B-O-[3]B sont en bleu, et les oxygènes de type [4]B-O-[4]B en vert. Les contributions moyennes de chaque type d’oxygènes pontants au spectre total (gris) ainsi que le spectre XRS expérimental (marron) sont donnés pour comparaison. Les lignes verticales grises servent de guide visuel. Les courbes en pointillés correspondent aux oxygènes au centre d’agencements triborates, celles en tiret correspondent aux oxygènes au centre des structures di-triborates, et les courbes en trait plein sont des oxygènes partagés par plusieurs superstructures. Des représentations schématiques des superstructures triborates et di-triborates sont indiquées pour une meilleure visualisation (droite).

mière explication tient à la structure de Li2B4O7 qui est entièrement constitué d’unités diborates, ce qui entraine des contraintes importantes en termes d’angles et de lon-gueurs de liaison et et peut donc avoir un effet sur la position en énergie du spectre des différents oxygènes. Une autre hypothèse tient à l’influence de la nature du lithium qui diffère de celle du sodium, influence qui a déjà été évoquée précédemment. L’écart en énergie entre les contributions des [3]B-O-[4]B et des [3]B-O-[3]B ou des [4]B-O-[4] étant inférieure à 1 eV dans Na2B4O7, elle est a priori encore plus faible dans Li2B4O7, ce qui pourrait expliquer la superposition des signaux des différents oxygènes dans le composé au lithium.

La question peut se poser de si cet effet de décalage en énergie est réel ou est lié aux effets d’excitation qui peuvent varier d’un oxygène à l’autre. Pour cela on peut s’intéresser aux DOS des oxygènes de Na2B8O13calculées sur un système dans son état fondamental, de sorte à s’affranchir des effets d’excitation.

7 8 9 10 11 E - EHOMO (eV) l-DOS (states/eV/atom) O12 - p states O6 - p states O2 - p states O7 - p states

Figure 4.20 – DOS moyennes des états 2p de quatre atomes d’oxygène de Na2B8O13, calculées pour un système dans son état fondamental. Les oxygènes O12 (rouge) et O6 (rouge clair) sont de type[3]B-O-[4]B et les oxygènes O2 (bleu) et O7 (bleu clair) sont de type[3] B-O-[3]B. La numérotation des oxygènes est identique à celle utilisée pour le calcul des spectres XRS de chaque oxygène de Na2B8O13.

La figure 4.20 présente les DOS des états 2p de deux oxygènes de type [3]B-O-[4]B, O6 et O12 (en rouge), et de deux oxygènes de type[3]B-O-[3]B, O2 et O7 (en bleu). On constate que, malgré l’absence du trou de cœur sur un oxygène du composé, la densité d’états 2p à basse énergie est plus importante pour les oxygènes de type [3]B-O-[4]B que pour les oxygènes de type [3]B-O-[3]B. L’oxygène est donc sensible aux variations

de son environnement électronique selon qu’il est lié à deux [3]B ou à un [3]B et un [4]B. L’effet du trou de cœur s’ajoute à ces différences d’environnement électronique et est responsable d’un décalage en énergie des états des différents oxygènes en fonction de leur distance à l’absorbeur. Pour les oxygènes de type [4]B-O-[4]B qui ne présentent pas d’états π, l’écart en énergie avec les oxygènes de type[3]B-O-[4]B peut s’expliquer par le fait que leurs premiers états vides accessibles correspondent aux orbitales σ des liaisons B-O qui sont à plus haute énergie que les orbitales π. Ce phénomène peut être partiellement compensé par le décalage vers les plus basses énergies des orbitales

σ dans les unités BO4 par rapport à l’énergie de ces mêmes orbitales dans les unités BO3.

Au vu de la décomposition en oxygènes inéquivalents, on constate que les unités