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Cas d’un oxygène tricluster dans CaAl 4 O 7

4.3 Autres signatures spectrales de l’oxygène dans les oxydes

4.3.2 Cas d’un oxygène tricluster dans CaAl 4 O 7

Dans tous les composés présentés jusqu’à présent, l’oxygène, qu’il soit pontant ou non-pontant était doublement coordonné ([2]O). Toujours dans une optique explora-toire et afin de déterminer s’il était possible de mettre en evidence un oxygène avec une coordination plus importante, nous avons choisi de nous intéresser à CaAl4O7. Cet aluminate de calcium, dont la structure est présentée figure 4.26, possède un réseau entièrement polymérisé constitué de tétraèdres AlO4 reliés entre eux par les sommets. Ce composé cristallin a la particularité de présenter des oxygènes tri-coordonnés ([3]O) dits oxygènes "tricluster", mis en évidence en 2001 par RMN [186].

Figure 4.26 – Structure cristallographique de CaAl4O7 [6].

La figure 4.27 montre la comparaison entre les spectres XRS expérimentaux et théoriques au seuil K de l’oxygène dans CaAl4O7, le spectre calculé a été décomposé de sorte à séparer la contribution moyenne des oxygènes en coordination deux de la contribution de l’oxygène tricluster. L’oxygène[3]O donne une contribution à plus haute énergie, soit une signature similaire à ce qui a été observé par S. Lee et al. au seuil

K de l’oxygène de la phase haute pression d’un verre de MgSiO3 [111]. Cela laisse à penser qu’il s’agit d’une tendance plus générale, tendance qu’on retrouve également sur les spectres d’absorption au seuil K de l’oxygène des phases haute-pression de GeO2 et SiO2[115,150,176]. La comparaison entre spectres théoriques et expérimentaux permet d’attribuer l’épaulement à 535 eV aux [2]O et celui à 540.5 eV aux [3]O, ce qui rend possible le suivi des deux types d’oxygènes en pression et/ou en température. Il est à noter que l’apparition en énergie des contributions des différents oxygènes au spectre d’absorption suit l’ordre suivant : NBO → BO → [3]O.

En ce qui concerne la forme de la contribution de l’oxygène tricluster, celle-ci pré-sente une structure constituée de trois pics, soit une forme générale qui ressemble à celle du seuil K de l’oxygène dans des composés ne comportant que des [3]O comme la

Figure 4.27 – Comparaison entre spectres XRS expérimentaux et théoriques au seuil K de l’oxygène dans CaAl4O7 à q=3.37 Å−1.

forme rutile de GeO2 ou la stishovite [89, 150]. Dans ces composés, l’oxygène tricluster est au sommet des octaèdres de coordination du germanium ou du silicium, alors que dans CaAl4O7 il est situé au sommet d’un tétraèdre de coordination de l’aluminium. L’appartenance à une unité en trois dimension, qu’elle soit octaédrique ou tétraédrique, semble alors avoir principalement un effet sur les intensités relatives des différents pics plutôt que sur la forme générale du seuil K de l’oxygène. Il est à noter que cela diffère du passage d’une unité triangulaire de dimension deux , à une unité tétraédrique -de dimension trois -, transition qui entraine une modification importante -de la forme du seuil K de l’oxygène, comme l’illustre les spectres des oxygènes dans des unités BO3 et BO4.

Les principales signatures aisément détectables de l’oxygène par XRS correspondent donc à des oxygènes présentant des environnements locaux très différents des autres oxygènes du composé, que ce soit lié à un nombre de coordination plus élevé ou à la nature des cations auxquels sont liés les oxygènes considérés. Pour des composés plus complexes et constitués de plus de deux formateurs de réseau, certaines contributions peuvent être distinguées sur les spectres expérimentaux, mais cette différenciation est de plus en plus difficile avec l’augmentation du nombre de constituants qui entraine une augmentation du nombre d’environnements différents de l’oxygène. Les calculs théoriques apportent alors de précieuses informations en permettant de visualiser la contribution de chaque oxygène inéquivalent de la structure cristalline.

4.4 Conclusion

Ce chapitre est centré sur l’environnement de l’oxygène dans divers oxydes dans des conditions normales de pression et température. Les oxydes binaires dépolymérisés de type M2O-B2O3 et M2O-SiO2 vitreux et cristallins présentent des signatures spectrales caractéristiques de la présence d’oxygènes non-pontants apparaissant à basse énergie (534 eV) au seuil K de l’oxygène. Cette signature, dont l’intensité dépend de la propor-tion de NBO dans le composé, a été confirmée à l’aide de calculs DFT qui permettent de séparer les contributions des BO et des NBO. Par ailleurs, la comparaison entre les spectres XRS des composés vitreux et cristallins de même composition a permis d’apporter des informations sur les structures des verres, avec la proposition d’une mé-thode pour estimer le nombre de NBO dans les verres silicatés et la détermination des proportions de [3]B et [4]B dans les verres boratés.

Les calculs de spectres XRS ont également permis de s’intéresser à d’autres envi-ronnements de l’oxygène dans des composés ternaires comme les borosilicates ou dans un aluminate de calcium présentant un oxygène tricluster. En s’appuyant sur des cal-culs DFT, il a été possible de séparer les contributions des différents oxygènes dans les borosilicates en fonction de la nature des cations auxquels ils étaient liés. En ce qui concerne la signature de l’oxygène tricluster dans CaAl4O7, celle-ci est visible à haute énergie (541 eV) au seuil K de l’oxygène, ce qui est en accord avec les données expérimentales obtenues sur d’autres composés qui présentent ce type d’oxygène.

Nous avons également pu mettre en évidence deux tendances qui semblent régir l’ap-parition en énergie des contributions au spectre d’absorption des différents oxygènes cristallographiquement inéquivalents d’un composé. D’une part, plus la coordination de l’oxygène augmente plus sa contribution tend se décaler vers les plus hautes éner-gies. Ainsi les oxygènes doublement coordonnés sortent à plus basse énergie que les oxygènes tricluster. D’autre part, l’oxygène parait présenter une certaine sensibilité à la symétrie chimique et électronique de son environnement. Les oxygènes dont l’envi-ronnement est asymétrique tendent à apparaitre à plus basse énergie que les oxygènes ayant en environnement symétrique, que cette asymétrie soit liée à la nature chimique des cations voisins de l’oxygène ou à leur nombre de coordination. Ce phénomène peut, dans certains cas, permettre de différencier différents types d’oxygènes pontants. Les oxygènes non-pontants peuvent alors être considérés comme un cas particulier de cette tendance, la liaison avec un cation modificateur de réseau plutôt qu’à deux cations formateurs renforcerait l’asymétrie d’environnement de l’oxygène et pourrait expliquer qu’ils contribuent à plus basse énergie dans les spectres d’absorption au seuil K de l’oxygène.

Dans le prochain chapitre, nous allons étendre cette étude de la structure locale des oxydes alcalins à des mesures réalisées in situ en pression sur deux borates de lithium partiellement dépolymérisés, afin de mettre en évidence les changements structuraux induits par la pression. Nous nous intéresserons en particulier au rôle des oxygènes dans le comportement des borates alcalins en pression.

Chapitre 5

Borates de lithium sous pression

L

e polymorphisme se définit comme l’habilité d’un système à former plusieurs phasescristallines de même composition sous l’application de pression et/ou température. Plusieurs borates alcalins ont déjà été étudié dans l’optique de mettre en évidence du polymorphisme, que ce soit en température comme Li2B4O7 et NaB3O5 [174, 175], ou en pression LiBO2 [114,126]. De manière analogue, il est possible de définir la notion de polyamorphisme comme l’habilité d’un système à former plusieurs phases amorphes de même composition en pression et/ou température. Les études réalisées par S. Lee et al. au début des années 2000 ont montré l’existence d’un phénomène de polyamorphisme dans v-B2O3 ainsi que dans deux borates alcalins vitreux : v-Li2B4O7 et v-Na2B4O7 en pression seule [108, 109]. Ces trois verres boratés étant tous entièrement polymérisés, on peut donc se demander si le polyamorphisme est affecté par le degré de polymé-risation de la structure. Dans ce chapitre, nous nous intéresserons donc à l’étude du poly(a)morphisme des phases cristallines et vitreuses de même composition de deux borates de lithium partiellement polymérisés, en nous appuyant sur les résultats pré-sentés dans le chapitre précédent pour l’interprétation des données XRS au seuil K du bore et de l’oxygène mesurées pour deux composés boratés.

5.1 Polyamorphisme des borates alcalins

Les études de S. Lee et al. sur v-B2O3, puis sur v-Li2B4O7 et v-Na2B4O7 ont per-mis de mettre en évidence l’existence d’un polyamorphisme pour les borates alcalins entièrement polymérisés [106, 108, 109]. Dans v-B2O3, ce changement de structure se traduit par la formation progressive d’unités BO4 dans le composé (cf. Fig 5.1) qui est entièrement constitué d’atomes de bore tri-coordonnés à pression ambiante [106]. Ce phénomène de densification serait lié à la recombinaison des oxygènes d’anneaux boroxol superposés de sorte à former des unités BO4 reliées entre elles par des oxygènes triclusters [106].

En ce qui concerne les deux borates alcalins étudiés en pression par S. Lee et al., v-Li2B4O7 et v-Na2B4O7, il est possible de distinguer deux comportements différents en pression en fonction de la nature de l’alcalin présent dans le composé. Le tetraborate de lithium, v-Li2B4O7 suit un comportement en pression assez similaire à celui de v-B2O3 (cf. Fig 5.1), caractérisé par une transformation des unités BO3 en unités BO4 au cours de plusieurs étapes de densification, alors que v-Na2B4O7 présente une évolution structurale beaucoup plus linéaire sous l’effet de la pression (cf. Fig 5.1).

Figure 5.1 – Evolution de la proportion de [3]B dans v-B2O3 et v-Li2B4O7 en fonction de la pression (gauche) ; Evolution de la proportion de [3]B dans v-Li2B4O7 et v-Na2B4O7 en fonction de la pression (droite) (extrait de [108, 109]).