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l’ensemble des méthodes qui permettent d’optimiser l’enseignement et l’apprentissage des langues et, d’un autre côté, un domaine scientifique qui s’est peu à peu installé entre les années 1970 et aujourd’hui (cf. notamment Dabène, 1994 ; Naiman et al., 1978 ; Rubin, 1975 ; Stern, 1975). Au départ, ce qui correspondrait à présent à la didactique des langues étrangères (dans le premier sens présenté ci-dessus) se traduisait par des listes de stratégies jugées efficaces pour l’apprentissage d’une langue étrangère. Ainsi, plusieurs catégories et sous-catégories ont été recensées au fil du temps, notamment les stratégies cognitives, métacognitives et sociales (O’Malley & Chamot, 1990 ; Rubin, 1981). Ces travaux ont donné lieu à un inventaire de référence concernant les stratégies d’apprentissage d’une langue étrangère : Strategy Inventory for Language Learning (SIILL) en 1990 décrit par exemple par Cohen (1998). Plusieurs scientifiques (notamment Dörnyei & Skehan, 2003) remettent aujourd’hui en question la pertinence des listes de stratégies d’apprentissage et surtout leur place dans une discussion purement didactique. Elles sont alors plutôt perçues comme des outils permettant une certaine autonomie de l’apprenant et moins comme une didactique dans un sens plus

étrangères (en tant qu’ensemble de méthodes) et donnons ensuite les éléments principaux qui ont conduit la didactique des langues (en tant que discipline scientifique) à évoluer vers une didactique du plurilinguisme, présente dans la plupart des documents éducatifs concernant l’enseignement des langues actuel (tels que le CECR ou le Plan d’études romand).

La méthode grammaire et traduction (ou traditionnelle) est souvent présentée comme la première approche en didactique des langues étrangères. Elle trouve son origine dans les travaux de traduction du 16e siècle et a prédominé jusque dans les années 1940. L’écrit et les compétences réceptives étaient au centre de cette approche qui ne visait pas de réelle communication, mais bien plus la compréhension de textes littéraires des langues dites « mortes » de cette période (Cornaire & Raymond, 1999).

Dans les années 1900, la méthode directe apparait en opposition à la méthode grammaire et traduction en proposant un enseignement des langues vivantes à l’oral dans le but de communiquer (Germain, 1993). Une attention particulière est alors portée à la prononciation (Cuq, 2003) et on évite de parler (ou de passer par) la L1. Cette approche sera suivie par la méthode audio-orale (MAO) qui nait aux États-Unis durant la Deuxième Guerre mondiale. Cette approche, aussi appelée Audio-lingual Teaching Method ou Army Method, est créée par l’armée américaine dans le but de communiquer avec ses alliés (et dans une certaine mesure avec ses ennemis), mettant ainsi un accent particulier sur les compétences orales (Alemi & Tavakoli, 2016). Elle implique alors une étroite collaboration entre psychologues et linguistes. Cependant, la L1 est généralement encore perçue comme une source d’interférences et les aspects culturels sont travaillés uniquement dans le but d’éviter des incompréhensions. Cette méthode ne sera appliquée que quelques années. La méthode audiovisuelle (MAV) ou méthode structuro-globale audio-visuelle (SGAV) apparait en France quelques années plus tard et occupe une place importante dans le domaine de la didactique des langues dans les années 1960-1970. Cette approche est le fruit des travaux de Rivenc et Guberina (1964) ainsi que de Guberina (1984), et elle se base sur les nouvelles technologies de cette époque (appareils multimédia, vidéos, etc.). Elle propose généralement un dialogue, illustré par des images et du son, dont les apprenantes et les apprenants doivent retenir les structures par cœur (Guberina, 1984). Le problème associé à cette approche est que les structures apprises ne sont que rarement

transférables ou utilisables dans des situations concrètes de communication (Puren, 2002).

En réaction aux approches précédentes qui ne prenaient pas assez en compte le sens des énoncés, l’approche communicative nait dans les années 1970. Au lieu d’apprendre des énoncés langagiers de manière automatique (approches behavioristes), l’élève est amené à travailler des formes linguistiques auxquelles il peut donner du sens, ce qui rapproche cette méthode des sciences cognitives. Ainsi, la langue est non seulement considérée comme un outil de communication, mais elle est surtout perçue comme un outil d’interaction sociale, ce qui implique des compétences à la fois linguistiques, discursives, sociales et stratégiques. L’apprenante ou l’apprenant doit à la fois être capable de s’adapter à l’intention de communication, et en même temps à la situation de communication, autrement dit à l’interlocuteur en fonction des caractéristiques de ce dernier (Germain, 1993). En outre, les besoins sont placés au centre de l’approche : ce sont justement les besoins communicatifs des apprenantes et apprenants qui définissent les contenus et objectifs des séquences enseignées, afin de favoriser les interactions entre élèves (Cornaire & Raymond, 1999). Bien que les interactions orales représentent un élément central de cette approche, l’écrit prend graduellement de l’importance (surtout au cours des années 1990), notamment car les situations de communication peuvent engager des actions écrites (rédiger une lettre ou un message ; lire/comprendre des indications ; etc.) et que la didactique de l’écrit se développe à cette même période (Cuq, 2003).

La perspective actionnelle découle directement de l’approche communicative mais souhaite se rapprocher d’une communication pour agir. Elle considère l’apprenant comme un acteur social qui doit effectuer des tâches (voir le concept de task-based learning, décrit par Ellis, 2003 ou Nunan, 2004) dans un contexte donné (Conseil de l’Europe, 2001, 2018). L’objectif de ces tâches ne devrait pas être exclusivement linguistique puisque les interactions lient à la fois le langage et l’action, comme le précisent Roulet (1999) ou Filliettaz (2002). Ainsi, les tâches, le matériel utilisé en classe et les situations de communication doivent être aussi authentiques que possible et représenter une situation de vie connue ou familière. Les apprenantes et les apprenants sont invités à utiliser la langue dans des situations réelles et à travailler par projet (Rosen-Reinhardt, 2012). Pour Richer (2009), la différence entre la tâche et le projet réside dans le fait que la tâche vise un objectif (un produit) qui est contrôlé par

l’enseignante ou l’enseignant alors que le projet est situé dans une approche de construction, c’est-à-dire que l’élève apprend en faisant. Et c’est dans la mouvance du projet que sont nés les dispositifs intégratifs tels que l’Enseignement d’une Matière par l’Intégration d’une Langue Étrangère (EMILE) ou Content and Language Integrated Learning (CLIL) qui sont détaillés dans la section 2.5.3 de ce travail, portant sur les questions d’intégration langue-contenu. Cette approche, également décrite dans le CECR et reprise dans les documents officiels concernant l’enseignement des langues à l’école obligatoire, est présente dans les moyens d’enseignement suisses à partir des années 2010. De nouveaux écrits font mention d’une approche co-actionnelle, impliquant un travail collectif ou une action commune par les élèves, s’orientant ainsi vers une approche par projet ou vers une approche participative (Puren, 2004).

La didactique du plurilinguisme découle en partie des travaux mentionnés plus haut sur la compétence plurilingue (cf. Coste, Moore, Zarate, 1997 ; Moore, 2006 ; Gajo, 2006, etc.). Elle conçoit les apprentissages dans un système qui prend en compte le plurilinguisme des élèves et les langues de l’école. Elle vise entre autres le développement non pas de compétences isolées en langues étrangères, mais de valeurs sur le plurilinguisme et d’une compétence plurilingue générale (Candelier, 2008). Selon Gajo (2006), la didactique du plurilinguisme synthétise les caractéristiques d’une diversité d’approches telles que la didactique des langues voisines, la didactique intégrée ou encore la didactique de l’intercompréhension. En fait, il s’agit de travailler en utilisant plusieurs langues, comme le suggèrent aussi les approches comparatives. Il semble donc qu’il existe un lien étroit entre didactique du plurilinguisme et enseignement bilingue (ou par immersion) pour autant que les langues ne soient pas considérées comme des systèmes séparés (nous approfondissons cette réflexion au sous-chapitre 2.2 portant sur les typologies de l’enseignement bilingue). Dans ce sens, Moore (2006 :209) indique que, dans la didactique du plurilinguisme, « on s’intéressera aussi bien aux travaux qui favorisent la transversalité des enseignements qu’à ceux qui visent à [sic.] des modes d’alternance raisonnée des langues ». Moore (2006) ajoute qu’il est plus aisé d’apprendre des langues lorsqu’elles sont mises en lien avec des contenus disciplinaires, car elles disposent ainsi d’un meilleur statut communicatif.

Dans l’autre sens, elle indique que des contenus (ou des concepts) sont plus facilement appris lorsque l’on passe par deux langues, notamment grâce aux phénomènes

d’abstraction (capacité à identifier les éléments centraux d’un contenu enseigné) et de généralisation (capacité à les utiliser dans des situations concrètes, cf. Rosca, 1961).

Candelier (2008) insiste encore sur l’idée que seuls certains types d’alternance peuvent faire partie de la didactique du plurilinguisme et qu’un travail de comparaison des langues est nécessaire pour entrer dans cette approche. Il fait ainsi le lien avec les approches plurielles qu’il définit comme :

[…] toute approche mettant en oeuvre des activités impliquant à la fois plusieurs variétés linguistiques et culturelles. En tant que telle, une approche plurielle se distingue d’une approche singulière, dans laquelle le seul objet d’attention est une langue ou une culture particulière, prise isolément.

Candelier (2008 :68)

Il faut aussi citer à ce stade les travaux de Beacco et Byram (2007), qui indiquent qu’il est nécessaire d’articuler les apprentissages effectués dans les différentes langues du cursus scolaire des élèves européens. En effet, il semble évident que certains éléments langagiers peuvent être transférés d’une langue étrangère à l’autre (par exemple l’idée du « ’s » qui marque le génitif en allemand et en anglais pour un élève francophone) et que certaines compétences stratégiques communes à toutes les langues (comment apprendre la conjugaison d’un verbe) ne doivent pas être réapprises lors de l’introduction d’une nouvelle langue étrangère. Ces éléments apparaissent également dans la littérature germanophone portant sur la Mehrsprachigkeitsdidaktik :

Hinter den verschiedenen Etiketten zeichnet sich zentral jene übereinzelsprachliche Lernökonomie ab […]. Halten wir fest: Die Ablösung eines bloßen additiven Mn.lernkonzepts [mehrsprachigen Lernkonzepts] durch ein integrativ vernetzendes und transferbasiertes ist mehrseitig intendiert und auf dem Weg der Umsetzung.

Meissner (2005 :129)

Nous voyons bien ici également l’idée d’une « économie » de l’apprentissage des langues et de « tranferts » effectués d’une langue vers l’autre, suggérant un gain de temps et d’énergie pour les apprenantes et les apprenants lorsque les différentes disciplines sont articulées. Candelier (2008) relève que la manière de percevoir la didactique du plurilinguisme dans la littérature francophone et germanophone différent légèrement sur plusieurs points (bien que les éléments centraux se retrouvent dans les deux langues). Par exemple, certains écrits germanophones recensés par Candelier (2008) abordent la didactique du plurilinguisme uniquement lors de l’arrivée d’une L3 à l’école, c’est-à-dire d’une deuxième langue étrangère (cf. notamment les travaux de Hufeisen & Neuner, 2003 sur la Tertiärsprachendidaktik). En même temps, la littérature francophone met beaucoup plus l’accent sur l’importance de l’alternance

des langues dans la construction d’une compétence plurilingue (cf. Gajo, 2006 ou Moore, 2006).

En observant l’évolution de la didactique des langues sur les trente dernières années et l’apparition d’une didactique du plurilinguisme depuis le début des années 2000, nous constatons un développement parallèle à celui de la recherche en acquisition du langage, qui place l’apprenant de plus en plus au centre des apprentissages. Les approches doivent non seulement faciliter le développement des compétences permettant d’agir et communiquer dans des situations réelles et variées, mais également la mise en synergie des langues entre elles et des contenus disciplinaires avec les langues visées. Ceci nous permet de faire un lien avec les approches proposant l’intégration des contenus langagiers et disciplinaires qui sont détaillées à la section 2.5.3 (« Question de l’intégration »). Ainsi, l’enseignement bilingue et l’immersion réciproque pourraient représenter des contextes facilitant l’introduction d’une didactique du plurilinguisme, pour autant que les langues soient mises en perspective et qu’elles ne soient pas considérées comme des éléments séparés.

Concernant les apprentissages langagiers liés au cursus scolaire, l’enseignement bilingue et l’immersion réciproque représentent des alternatives intéressantes pour garantir des situations de communication authentiques et pour inviter les élèves à travailler en groupes linguistiquement hétérogènes sur des tâches ou des projets communs. Ceci vaut autant pour les langues du projet (à Biel/Bienne le français et l’allemand) que pour les langues premières des élèves. Il sera alors important de vérifier le transfert de ces objectifs (qui font désormais partie des plans d’études en vigueur en Suisse) dans les moyens d’enseignement ainsi que dans les pratiques de classe.