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La dialectique de l’être et du néant

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 168-175)

1°) Le problème de l’être et de la communication de l’esse

1.2 La dialectique de l’être et du néant

Chez Thomas d’Aquin, la créature gardait une certaine consistance propre. Le mot

« ens » désignait d’abord la substance sensible ; l’être était créé, matériel, il tombait sous l’expérience des sens. Pareillement la justice, la bonté se disaient par priorité des créatures justes, bonnes. Pour Eckhart, au contraire, les qualités de la créature sont en vérité des qualités divines devenues manifestes dans le monde, il n’y a pour lui rigoureusement pas de perfection propre aux choses. La créature en elle-même est néant, de même sa justice, sa bonté, en tant que siennes, sont néant. L’homme bon se réfère à la bonté comme la créature se réfère au Créateur. La bonté fait l’homme bon tout comme le Créateur fait le monde. La bonté est créatrice comme Dieu. Elle est Dieu. Eckhart dit encore de la justice : « Les hommes justes prennent la justice tellement au sérieux, que si Dieu n’était pas juste, ils se soucieraient de Dieu comme d’une fève »489 Ainsi s’éclairent l’affirmation « l’Être est Dieu » et celle « la créature est néant ». Que la créature soit, cela n’est en aucune façon son affaire. Elle est entièrement l’affaire de Dieu. Le rapport est extrinsèque.

« Le soleil éclaire bien l’air et le pénètre de sa lumière ; mais il n’y jette point sa racine, car lorsque le soleil n’est plus là, nous n’avons plus de lumière. Ainsi fait Dieu avec les créatures. »490 La créature reçoit l’être comme l’air reçoit la lumière du soleil : au passage, passivement et en devenir. L’être de l’étant est alors une continuation de l’acte créateur de Dieu qui confère l’être491 Dans une telle ontologie, le concept d’analogie transcendantale perd alors tout son sens. L’être est un Un incréé : une seule et même détermination se trouve dans tous les analogués : l’antériorité et la prééminence de l’être suressentiel de Dieu entendu comme incréé et incréable. Mais si cet incréé trouve un analogue en l’homme, est-ce qu’on ne tombe pas ici dans un monisme anthropologique idéaliste ? On peut y voir l’analogie d’une dépendance dynamique où l’incréé possède tout et le créé, rien, hormis sa faim insatiable de Dieu.

489 Sermon Iusti vivent in aeternum, DW, I, 103, 1 s.

490 Sermon Beati qui esuriunt…,Pf p 148

491 La doctrine eckhartienne, comparée à la tradition aristotélico-thomiste, se caractérise par la fugacité de l’être d’emprunt opposée à la permanence et à l’autonomie de l’étant analogique selon l’analogie de proportionnalité.

Thomas a en vue un mode d’être de la créature secondaire parce que diminué, Maître Eckhart un mode d’attribution de l’être divin, ultérieur à Dieu mais non point diminué. L’analogie ne signifie donc pas un mode d’être mais un mode de présence de l’unique être qu’est Dieu.

Le fait de parler d’analogie chez Maître Eckhart nous permet d’articuler les deux niveaux ontologiques exposés ci-dessus : l’être créé et l’être incréé. L’analogie, en ce qui nous concerne, ne désigne pas un mode d’être, mais un mode de présence à l’incréé.

Comment se définit alors ce mode de présence ? Et en quel sens l’incréé se révèle comme une présence insaisissable ?

Eckhart se situe dans une dialectique de l’être et du non-être, où l’être de la créature est essentiellement tourné vers l’être de son Créateur (esse ad) - cette relation qui est une orientation vers l’Incréé apparaît alors comme la raison d’être de la créature, ce qui la constitue dans son être créé à l’image de Dieu. Or si la créature « souffre » de la séparation avec son Créateur, cette « souffrance » est aussi appelée à être dépassée, transmuée par la grâce en l’état de béatitude qui est celui même de l’homme intérieur uni à l’Incréé de Dieu à partir de son fond incréé.

Partons de la proposition 26 de la Bulle pontificale qui condamne l’affirmation d’Eckhart selon laquelle la créature est « un pur néant » (ein lûter niht492). Figurant dans le premier comme dans le second acte d’accusation, cette déclaration sur le statut ontologique des créatures avait de quoi inquiéter les censeurs.

Selon l’interprétation métaphysique de Stanislas Breton, les thèses retenues comme hérétiques, « concernent le domaine de la créature »493 et par là même celui de la création, des relations entre l’étant créé et l’être incréé du Principe, comme le montrent les propositions 1, 2, 3 et 27 retenues contre Eckhart lors de son procès à Avignon. Car si dans sa théologie, le Maître dominicain définit la créature comme « un pur néant », cela ne revient-il pas à dire que la création est une plongée dans la ténèbre, dans le néant, ce qui est l’opposé de Dieu ? Comment, dans cette perspective, penser la présence de Dieu dans le monde, et de là dans sa créature ? Dans quelle mesure la lumière incréée de la grâce pourra-t-elle œuvrer ? La condition créée, comme pur néant, permettra-t-elle d’envisager la liberté de l’homme ? Car, comme le dit Eckhart au Sermon 75494 : « Quand on parle de l’homme, on parle de toutes les

492 « Toutes les créatures sont un pur néant. Je ne dis pas qu’elles sont minimes ou sont quelque chose : elles sont un pur néant. Ce qui n’a pas d’être est néant. » Sermon 4, Omne datum optimum, JAH I, p. 65, Paris, Seuil.

DW I, p. 69, Stuttgart, Kohlhammer.

493 Stanislas Breton, Deux mystiques de l’excès, J.- J. Surin et Maître Eckhart, Paris, Ed. du Cerf, 1985, p. 148-151.

494 75, III, p. 103.

créatures (Swenne man von dem menschen redet, sô redet man von allen crêatûren) (…) Toutes les créatures sont résumées dans l’homme. »

Le problème de l’article 26 de la Bulle in agro dominico vient de ce que les juges ont extrait une phrase d’un Sermon sans même tenir compte de la suite du propos de l’auteur. En effet, Eckhart explique à quoi tient cette nullité ontologique de la créature : « Toutes les créatures n’ont pas d’être car leur être dépend de la présence de Dieu » (wan ir wesen swebet an der gegenwerticheit gotes)495 Car en Dieu, dit Eckhart dans un autre Sermon496, sont lumière et être, et dans les créatures sont ténèbre et néant » (wan waz in gote lieht und wesen ist, das ist in den crêatûren vinsternisse und niht). La création institue donc la créature dans un néant, c’est-à-dire dans une distanciation radicale au Principe incréé qui, comme tel est Ipsum esse subsistens497. Ce vide ontologique implique donc que la créature soit dans une totale indigence qui la soumet à la faim de l’être, marque même de sa finitude, et par là, de la condition humaine – rivée à son manque radical d’être, à son « pur néant » - Mais alors comment penser le rapport de l’Incréé divin au créé ?

Dans cette distance infinie du créé à l’incréé, on est en droit de s’interroger : dans quelle mesure est-il possible d’envisager la relation de Dieu à sa créature, au sens d’une relation personnelle, intime et libre ? Car dans cette perspective du néant créaturel, le dialogue entre le créateur et sa créature semble rompu. Quel renversement ontologique Eckhart va-t-il devoir opérer pour restaurer ce dialogue, cette relation entre le créé et l’incréé ? Car si « tout ce qui est créé et créable est néant (Allez, daz geschaffen oder geschepflich ist, daz ist niht) »498, on peut se demander comment concevoir le créé hors d’une distanciation infinie au Principe incréé : De quelle manière Eckhart va-t-il rétablir l’être de la créature, et par là, sa relation à l’incréé ?

La création serait donc cette fracture êtrique qui vouerait la créature à mendier l’être.

En effet, affirmant le « geschaffen » comme « ein lûter niht », le maître rhénan situe la création du côté de la négativité. En ce cas, lui dénierait-il toute plénitude ? Qu’en est-il alors des rapports entre le geschaffen et l’ungeschaffen, et en quoi constituent-ils un enjeu majeur de l’anthropologie du Maître ?

495 DW I, page 70.

496 Sermon 84, Puella surge, JAH III, p. 157, Paris, Seuil. DW III, page 458.

497 C’est-à-dire que l’Etre-Dieu ne dépend d’aucun être extérieur à lui pour subsister. L’être de Dieu dit son essence incréée.

498 Sermon 29, Convescens praecepit eis, JAH I, p. 240, Paris, Seuil. DW II, p. 88.

Par elle-même la créature n’est rien : son être dépend de la présence de Dieu nous dit Eckhart (gegenwerticheit gotes), c’est-à-dire du fait qu’elle s’ouvre à cette Présence, et donc qu’elle se tourne vers la nature incréée du Principe499, et se détourne d’elle-même en tant que nature créée. Aussi le Principe incréé exerce-t-il une négativité à l’égard du créé. Celle-ci ressortit à sa fonction principielle dans la mesure où Dieu se pose comme origine de la créature. La nature transcendante de Dieu renvoie donc la créature à son « pur néant ». Aussi la relation de l’ens créé de la créature à l’esse incréé de Dieu ne semble pouvoir se penser et se vivre que sur le mode d’une dualité, d’une extériorité radicale. Se fondant sur la différence ontologique entre l’être incréé dans son idéalité et l’être créé dans son extériorité, Eckhart fait de la créature un « pur néant » vis-à-vis du Principe incréé. L’ens de la créature, dans sa nature particulière appartient en effet à l’ordre du multiple et du changement, et en raison de cette appartenance se trouve affecté d’un coefficient de néant. Or Eckhart a soin de préciser que les créatures ne sont que néant : « Je ne dis pas qu’elles sont peu de chose c’est-à-dire quelque chose mais qu’elles sont un pur néant »500. Aussi le maître rhénan en déduit-il que les créatures « souillent »501 La nature créée maintient donc l’humanité dans une condition de servitude au temps et à l’espace, à tout ce qui relève de la matière et du multiple. Eckhart n’affirme-t-il pas en effet que « si nous étions libérés [du néant], nous ne serions pas impurs »502 Quelles sont alors les répercutions anthropologiques de son propos ?

Dans le même Sermon, Eckhart affirme qu’ « il n’est rien que l’on désire autant que la vie »503 Mais qu’est-ce que la vie ? « Ce qui, de l’intérieur est mû par soi-même ». Ce qui est mû de l’extérieur ne vit donc pas. « Si donc nous vivons de lui, nous dit Eckhart, nous devons aussi coopérer en lui de l’intérieur et non pas opérer mus de l’extérieur » : la créature doit donc être mue par ce qui la fait vivre, par ce qui lui donne l’être, c’est-à-dire par le Principe incréé. Mais comment son mode d’être de créature va-t-il le lui rendre possible ? N’est-ce pas là une contradiction de penser le désir de l’Incréé au sein d’un néant ? Dans la suite de son propos, Eckhart établit que « nous pouvons et devons agir en opérant de l’intérieur à partir de ce qui nous est propre. » Si donc la créature doit vivre de Dieu et par Dieu, il faut que ce dernier devienne son bien propre. Par l’emploi de cette expression, Eckhart nous invite à penser une relation intérieure entre le créateur et sa créature. La relation duelle et équivoque

499 En cela, il n’est rien de créé, il est incréé : « Dieu est aussi élevé au-dessus de l’être que le plus élevé des anges l’est au-dessus d’un moucheron » Or en posant la substance incréée du Principe, Eckhart ne lui conteste pas l’être, mais il lui attribue un être plus élevé.

500 Sermon4, JAH I, page 66, Paris, Seuil.

501 parce qu’elles sont néant. Sermon 5a, In hoc apparuit charitas Dei, JAH I, page 71.

502 5a, I, p. 71.

503 5a, I, p. 72.

doit donc être dépassée. Car « de même que Dieu accomplit toutes choses par son être propre et par lui-même, nous devons opérer par le bien propre qu’il est en nous. »504 La réciprocité que le Maître envisage dans la relation entre Dieu et l’homme s’inscrit alors dans l’horizon d’une dialectique du créé et de l’incréé, incluant une dynamique de l’Entbildung. Qu’en est-il de cette dynamique et quel passage induit-elle ?

Le créé ne possède qu’un être reçu distinct de son essence, alors que Dieu est à lui-même sa propre essence : « C’est ainsi que ce Principe tient enfermé en lui les archétypes de toutes choses », nous dit Eckhart505. C’est cela qui signifie que les choses sont Dieu en Dieu.

La création constitue alors une séparation d’avec le Principe incréé. Toutefois le créé ne vient à l’être qu’en vertu de ce Principe incréé qui le fonde parce qu’il le transcende. Ce qui fait dire à Maître Eckhart que « toute créature est pleine de Dieu et est un livre »506 Le sens de la création comme séparation ne va donc pas de soi : il nous faut l’explorer à la lumière de ce paradoxe. Comme on l’a vu, hors de Dieu la créature n’est plus que « néant », mais Eckhart entend-il par là identifier la création à une ténèbre irrévocable ? Si l’on va jusqu’au bout de son propos, on comprend que le Maître, loin de déconsidérer la création, lui confère au contraire une place fondamentale dans sa pensée507. Car si par la sortie (ûssgehen) on entend une déperdition d’être, le créé n’en est pas pour autant coupé de Dieu, mais reste essentiellement relié à lui par un quelque chose de lui en elle. C’est sur ce quelque chose qu’il nous faut revenir, sur ce qui reste de trace incréée dans le créé, sur ce vestige de l’origine ancré au plus profond de la créature. L’homme, en tant que créé, ne se constitue lui-même qu’au terme d’un chemin de retour à l’incréé du Principe comme à sa raison d’être. Aussi le Maître dit-il : « Toutes les créatures touchent (enrüerent) Dieu non pas selon leur caractère de créature (niht nâch der geschaffenheit)508, et ce qui est créé doit être brisé si l’on veut que le bien en sorte509. La coque doit être en deux si l’on veut que le fruit (der kerne) en sorte. »510

504 5a, I, 72

505 In Sermons-traités, trad. P. Petit, p. 77, Paris, Gallimard.

506 9, I, 104 ; DW I, p. 156 Wan ein ieglîchiu crêatûre ist vol gotes und ist ein buoch.

507 Cf. Yves Labbé, « Revenir, sortir, demeurer. Trois figures de l’apophatisme mystique » Revue thomiste 92, pp 665.

508 13, JAH I, p. 126. DW I, page 212.

509 Daz geschaffen ist, daz muoz gebrochensîn, sol daz guot her ûz komen.

510 DW I, 212. Au Sermon 21 (JAH I, p 187) il est aussi question du « fruit né de la fleur » quand l’âme est ramenée à Dieu. On retrouvera ce fruit plus tard quand on envisagera le Verbe et la naissance de ce dernier dans l’âme. Eckhart rattache aussi l’image du fruit à l’Esprit Saint dans la Trinité. L’Esprit Saint est le fruit d’amour du Père et du Fils : « Dans cet Un, le Père engendre son Fils en la source la plus intime. Là s’épanouit l’Esprit Saint et là jaillit en Dieu une volonté qui appartient à l’âme. » 5b, I, p. 79.

Eckhart établit ici une relecture de la différence entre l’ens et l’esse. Et s’il reprend la distinction classique entre l'ens des créatures et l'esse du Créateur, il opte pour la métaphysique augustinienne de la relation et non pour la métaphysique aristotélicienne de la substance. Ainsi il est amené à définir l'être créé comme un esse ad, comme un être orienté vers, un être en relation et non comme un être qui se suffirait à lui-même. « L'étant dans l'âme, en tant qu'il est dans l'âme, ne possède pas la raison de l'étant, et en tant que tel il va à l'opposé de l'étant". Ce qui le constitue, c'est l’ « Etwas in der Seele » qui n'est sans analogie avec l'esse incréé de Dieu : In dem êrsten berüerenne, dâ got die sêle berüeret hât und berüerende ist ungeschaffen und ungeschepflich, dâ ist diu sêle als edel als got selber ist nâch der berüerunge gotes.

Dans le premier contact où Dieu a touché l’âme et la touche comme incréée et incréable, l’âme est par ce contact de Dieu aussi noble que Dieu lui-même. sermon 10, JAH I, p. 112.

Ou encore :

Ein kraft ist in der sêle, von der ich mêr gesprochen hân, - und waere diu sêle alliu alsô, sô waere si ungeschaffen und ungeschepflich. Nû enist des niht. An dem andern teile sô hât si ein zuosehen und ein zuohangen ze der zît, und dâ rüeret si geschaffenheit und ist geschaffen – vernünfticheit : dirre kraft enist niht verre noch ûzer. DW I,1, p. 220.

Il est dans l’âme une puissance dont j’ai parlé souvent. Si l’âme était tout entière ainsi, elle serait incréée et incréable. Or il n’en est pas ainsi. Avec l’autre partie d’elle-même, elle a un regard et un attachement au temps, et par là elle touche le créé et elle est créée. – Cette puissance est l’intellect pour laquelle rien n’est lointain ni extérieur. Sermon 13, JAH I, p.

129.

Cette puissance est une vierge et suit l’Agneau partout où il va. Cette puissance saisit Dieu dans sa nudité en son être essentiel, elle est une dans l’Unité, non pas semblable dans la ressemblance. Id

Ainsi « Der kerne » (Sermon 5b) semble se comprendre comme le fruit d’une relation transformée, comme le fruit d’une dialogue rétabli entre le créateur et sa créature : fruit d’une création nouvelle où l’un se reçoit de l’autre dans l’unité d’une relation où le créé ne se sépare pas de l’incréé mais se constitue en lui, trouvant en lui sa demeure comme son sens. Or la métaphore du fruit pose les prémisses d’une réflexion sur la naissance, thème, nous le verrons,

par où s’accomplit la dialectique du créé et de l’incréé. Tout cela vise donc à un dégagement du geschaffen, à la nécessité d’un dépassement, d’un retour à l’ungeschaffen, principe de constitution de l’être comme accomplissement de l’homme. Comment le Maître va-t-il opérer ce passage ? Qu’est-ce qui, en l’homme créé, va lui permettre de penser le renversement du néant de la créature à l’incréé du Principe comme Néant au sens d’origine première ?

L’affirmation du néant de la créature pose en filigrane la nécessité de la reconnaissance d’une autre réalité, d’un autre ordre : la réalité du Principe, l’ordre incréé des choses. La créature, en se reconnaissant « néant » sans Dieu, prend conscience de la nécessité de regagner cet être premier qu’elle avait en Dieu, de retourner à son origine. Dès lors le néant n’est plus un « pur néant », un néant radical, mais un écho lointain et dégradé d’une unité substantielle fondatrice. Car en-deçà de son néant, l’étant créé révèle par son fond d’être le dynamisme trinitaire, c’est-à-dire celui de l’Être-Dieu comme Père-Fils et Esprit qui « passe à travers toutes choses sans les abandonner à la pure dissémination exténuante511 » Par là, Eckhart entend une relation d’immanence du Principe à son dérivé, un « demeurer ». Le Verbe incréé apparaît donc à la fois comme fondement et profondeur de l’étant créé qui ne peut être sans lui. Cette dépendance comme dissemblance du créé à l’incréé signe donc un premier niveau de relation qui semble être le premier moment d’une dialectique. Qu’est-ce à dire ? La relation du créé à l’incréé comprendrait-elle en elle-même son propre dépassement ? Quelle en serait alors la finalité pour l’homme ? La dualité de la relation apparaît donc comme une étape sur un chemin où le geschaffen est appelé à rencontrer l’ungeschaffen, ou plutôt à le retrouver. Théologie et ontologie se croisent dans cette relation du créé à l’incréé par laquelle

L’affirmation du néant de la créature pose en filigrane la nécessité de la reconnaissance d’une autre réalité, d’un autre ordre : la réalité du Principe, l’ordre incréé des choses. La créature, en se reconnaissant « néant » sans Dieu, prend conscience de la nécessité de regagner cet être premier qu’elle avait en Dieu, de retourner à son origine. Dès lors le néant n’est plus un « pur néant », un néant radical, mais un écho lointain et dégradé d’une unité substantielle fondatrice. Car en-deçà de son néant, l’étant créé révèle par son fond d’être le dynamisme trinitaire, c’est-à-dire celui de l’Être-Dieu comme Père-Fils et Esprit qui « passe à travers toutes choses sans les abandonner à la pure dissémination exténuante511 » Par là, Eckhart entend une relation d’immanence du Principe à son dérivé, un « demeurer ». Le Verbe incréé apparaît donc à la fois comme fondement et profondeur de l’étant créé qui ne peut être sans lui. Cette dépendance comme dissemblance du créé à l’incréé signe donc un premier niveau de relation qui semble être le premier moment d’une dialectique. Qu’est-ce à dire ? La relation du créé à l’incréé comprendrait-elle en elle-même son propre dépassement ? Quelle en serait alors la finalité pour l’homme ? La dualité de la relation apparaît donc comme une étape sur un chemin où le geschaffen est appelé à rencontrer l’ungeschaffen, ou plutôt à le retrouver. Théologie et ontologie se croisent dans cette relation du créé à l’incréé par laquelle

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 168-175)