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3.3.1 Évaluation de l’efficacité du traitement plasma

La première méthode empirique utilisée pour déterminer l’impact d’un traitement sur les sphéroïdes est basée sur la mesure de l’évolution temporelle du volume de ces derniers après traitement. Pour pouvoir distinguer les effets à court terme et à long terme du plasma sur les micro-tumeurs, le suivi de volume est réalisé pendant 9 jours après le transfert des sphéroïdes dans un milieu de culture activé par jet de plasma afin d’évaluer l’impact de traitement favorisant ou au contraire inhibant la croissance du sphéroïde [165].

2. Par opposition au greffe orthotopique, cette greffe de cellules cancéreuses est réalisée sur un site distinct de celui de la tumeur d’origine

Figure 3.2.2 – Injection sous cutanée de cellules HCT166 sur modèle murin anesthésié. Lors de la préparation du sphéroïde, le nombre de cellules utilisées peut varier légère- ment d’une préparation à une autre entraînant une variation du volume des micro-tumeurs. Concernant la croissance des micro-tumeurs, elle peut varier légèrement suivant les condi- tions de préparation. Ces deux aléas rendent difficile la comparaison directe de l’évolution quotidienne du volume des micro-tumeurs non-traitées avec celles qui l’ont été. Ainsi pour palier ces variations inhérentes à la mise en place des expériences, nous avons choisi de pro- poser un tracé de courbe alternatif qui nous paraît être plus approprié. Dans la littérature, cette représentation est appelée courbe d’inhibition de croissance ou rapport « T/C ». Cette représentation correspond au volume des sphéroïdes traités (T) normalisé par le volume des sphéroïdes non traités (C). Ainsi, à un instant donné, les sphéroïdes traités sont plus gros que leurs homologues non traités si ce rapport est supérieur à 1 et inversement s’il est infé- rieur à 1. On peut alors observer le retard de croissance d’un échantillon traité par rapport à un non traité. Cette représentation présente toutefois un risque de mauvaise interprétation car une stabilisation de la courbe ne correspond pas à un arrêt de la croissance tumorale car les tumeurs non traitées n’arrêtent pas de croître. Le niveau d’activité anti-tumorale du traitement est ensuite déterminé selon les critères du National Cancer Institute (NCI) [173] :

— absence d’activité : T/C>42% ; — activité modérée : 10%<T/C<42% ; — activité forte : T/C<10%.

3.3.2 Étape de fixation, découpe

Afin de pouvoir analyser de manière précise l’ensemble des processus biologiques à l’inté- rieur des cellules à un instant donné, il est essentiel dans certains cas de stopper l’activité cellulaire, étape que l’on appelle couramment la fixation. Avant le début de la fixation, les sphéroïdes auront été en contact pendant un certain temps avec le milieu activé par plasma. Dans tout les cas, l’étape de fixation ne doit pas être réalisée plus de 4H après le début du traitement par plasma. Cette durée a été déterminée lors des travaux de Joseph Plewa [132]

où il est apparu qu’une durée de 4H avant fixation permettait d’avoir des résultats d’immu- nofluorescences optimaux.

La première étape de fixation consiste à placer les sphéroïdes dans une solution de for- maline (HT501128-4L, Sigma-Aldrich) pendant une durée comprise entre 2 et 3H. Cette manipulation permet aux tissus biologiques d’être préservés de la décomposition, empê- chant ainsi l’autolyse (autodestruction) des cellules et leur putréfaction. La fixation permet également de bloquer toutes les réactions biochimiques en cours et peut également préparer les cellules aux étapes de découpes qui surviennent plus tard car elle augmente la résistance mécanique des cellules. Après cette étape, les sphéroïdes sont lavés dans une solution de Tampon Phosphate Salin (PBS) et réservés au froid à 4°C. Après fixation, les sphéroïdes passent successivement 2H minimum dans une solution de sucrose à 15% puis sucrose à 30%. Le sucrose permet la protection des tissus lors de la découpe cryogénique.

Pour la découpe cryogénique, les micro-tumeurs sont d’abord placées dans du Tissue-Tek (Sakura Finetek) servant de support puis les cryosections d’une épaisseur de 5 µm sont réalisées à l’aide d’un cryostat (Leica CM1950).

L’ensemble de ce protocole a été développé et optimisé au sein de l’équipe IBPD de l’ITAV pour le travail sur sphéroïde HCT116 [164, 132].

3.3.3 Marquage immunofluorescent

Afin de mettre en évidence des particularités biologiques de nos cellules suite au traitement par plasma, une méthode d’immunofluorescence a été utilisée. Elle consiste à utiliser des an- ticorps spéciaux afin de reconnaître certaines particularités du génome en les révélant grâce à une sonde fluorescente. Le premier anticorps utilisé est le 4’,6-diamidino-2-phénylindole communément appelé DAPI. Cet anticorps est capable de se lier fortement avec les bases de l’ADN notamment à l’adénine (A) et la thymine (T). Naturellement fluorescent, l’anticorps DAPI absorbe les radiations UV à 350 nm pour restituer une lumière bleue entre 450 et 490 nm. Ainsi le DAPI permet de mettre en évidence la présence d’ADN dans les cellules quelque soit leurs viabilités à travers une fluorescence bleue sur les coupes cryogéniques. Le DAPI en solution de 0.1 µg/ml est appliqué dans l’obscurité sur lame cryogénique pendant dix minutes .

Le second anticorps utilisé n’est quand à lui pas naturellement fluorescent. Cet anticorps dit primaire nécessite l’ajout d’un second anticorps dit secondaire qui est fluorescent. L’anti- corps primaire, une solution à 1/500 de phosphorylated Histone H2AX (mouse monoclonal, Millipore) appelée H2AX, est mis en contact avec les coupes cryogéniques pendant une nuit à 4°C ou 1H à 37°C en fonction des contraintes expérimentales. Lorsque cet anticorps rencontre des cassures double brins sur l’ADN, il effectue une étape de phosphorylation (ajout d’un groupe phosphate) entraînant la formation d’un composé connu sous le nom de γ-H2AX qui va pouvoir s’accrocher aux cassures de l’ADN [174]. L’anticorps secondaire est une solution anti-mouse conjuguée avec Alexa 488 (Molecular Probes), une molécule

fluorescente dont l’absorption se situe à 495 nm et l’émission à 519 nm produisant ainsi une lumière verte vive. L’anticorps secondaire est ajouté pendant une heure sur les coupes cryogéniques à température ambiante et dans l’obscurité. Alexa 488 va reconnaître un site d’accroche sur la forme phosphorylée de H2AX et permettra ainsi de mettre en évidence (en vert) l’ensemble des cellules ayant subit des dommages double brins à l’ADN sur les coupes cryogéniques.

L’analyse de ces marquages est réalisée par un microscope epifluorescent DM5000 (Leica) équipé d’une caméra Roper COOLsnap ES CCD. Les images sont ensuite extraites et ana- lysées par un package de logiciel Metavue (Molecular Devices) et ImageJ.

3.3.4 Viabilité cellulaire

L’estimation de la viabilité cellulaire dans des regroupements 3D de cellules tels que les sphéroïdes est basée sur l’observation et la quantification de l’adenosine 5-triphosphate (ATP) intracellulaire [175]. L’ATP est la molécule qui sert au stockage et au transport de l’énergie dans les organismes vivants. Elle est composée d’un groupement d’adénosine et de trois groupements phosphate. Les liaisons entre les groupements phosphates sont des liaisons riches en énergie. Par conséquent l’hydrolyse de l’ATP permet, par l’intermédiaire de la formation d’adénosine diphosphate ou monophosphate, de libérer une quantité d’énergie importante appelée enthalpie libre de 30.5 et 45.6 kJ.mol−1respectivement. A travers ces

réactions, l’ATP peut fournir l’énergie nécessaire à l’ensemble des réactions intracellulaires. Par conséquent, elle intervient dans un grand nombre de processus physiologiques tels que la synthèse et la dégradation des molécules biologiques ou la contraction des muscles.

Comme nous l’avons vu précédemment la mort d’une cellule peut se dérouler suivant différents mécanismes majeurs : l’apoptose, la nécrose et l’autophagie. Bien que ces morts cellulaires empruntent leurs propre signalement moléculaire et l’activation de molécules bien spécifiques, l’ATP joue un rôle important dans l’ensemble de ces morts cellulaires. Lors de l’apoptose, principalement au cours des derniers stades, la quantité d’ATP va rapidement décroître du fait de la perte des fonctions de la mitochondrie mais également en raison de la consommation par des protéases dépendantes de l’ATP. Ainsi, l’énergie nécessaire pour l’activation et la réalisation de l’apoptose dans une cellule est relativement importante. Si le niveau d’ATP est trop faible, la mort cellulaire se déroulera selon un scénario de nécrose [176, 177]. Dans ce processus la cellule se détruit en perdant son intégrité membranaire puis en relarguant dans le milieu extra cellulaire l’ATP quelle contient. La mort cellulaire va donc entraîner une déplétion de l’ATP mesurée dans la cellule ce qui permet par conséquent l’estimation de la viabilité cellulaire.

Le suivi de la viabilité cellulaire est réalisé à travers l’utilisation d’un kit CellTiter-Glo 3D cell viability (Promega). On utilise 50 µl de réactif ajoutés après l’exposition de 100 µL de milieu de culture au jet de plasma conformément aux préconisations du fabricant. Une fois les sphéroïdes transférés dans le PAM contenant ce réactif, la lyse des cellules est obtenue par

agitation mécanique durant 25 min à 1000 rpm. La mesure de luminescence est alors réalisée à l’aide d’un lecteur de plaque CLARIOstar (BMG LABTECH) à température ambiante sur des plaques blanches 96 puits adaptées à la mesure de luminescence. La concentration relative d’ATP est évaluée en divisant la luminescence des échantillons traités au plasma par la luminescence des échantillons non traités.

3.3.5 Perméabilisation cellulaire

La perméabilisation cellulaire est détectée par l’utilisation de l’iodure de propidium (PI). Cette molécule fluorescente de masse moléculaire 668,403 Da ne peut pénétrer dans les cellules viables par les pores cellulaires naturellement présents. Dans le cas de cellules ayant subit une perméabilisation partielle ou totale, le PI va pouvoir pénétrer dans la cellule et se fixer à l’ADN et à l’ARN ce qui lui vaut le dénominatif d’agent intercalent. Dans ce cas, son pouvoir de fluorescence va augmenter de 20 à 30 fois par rapport au PI en solution libre et donne une couleur rouge caractéristique (voir fig 3.3.1).

Le marqueur Hoechst permet le marquage du noyaux des cellules vivantes ou mortes en se fixant sur les bases nucléiques de l’ADN avec une préférence pour l’adénine et la thymine. Ce marqueur est dit cell-permeable ce qui lui permet de marquer les cellules qui ne sont pas perméabilisées à l’instar du DAPI. De plus le Hoechst est moins toxique que le DAPI ce qui permet de garder une viabilité cellulaire importante après traitement. Une fois excité avec une lumière UV ce marqueur fluorescent fourni une couleur bleue caractéristique (voir fig 3.3.1).

Après traitement par PAM, les sphéroïdes sont disposés 5 min dans une solution de ZAP buffer (10mM K2HPO4, 1mM MgCL2, 250mM Saccharose, pH 7.4) contenant 100µM

d’iodure de propidium (Sigma-Aldrich Co, Ltd) et 30 µm de Hoechst (Sigma-Aldrich Co, Ltd) en étant protégés de la lumière. Ils sont ensuite rincés dans un grand volume de PBS contenant du calcium et du magnésium. La fluorescence (PI : λex = 538/λem = 617nm, Hoechst: λex = 350/λem = 461nm) est collectée à l’aide d’un microscope à épifluorescence DM IRB (Leica) à température ambiante dans des plaques 96 puits à faible attachement.

Figure 3.3.1 – Marqueurs utilisés pour la détection de perméabilisation cellulaire obte- nue par électroporation d’un sphéroïde composé de cellules cancéreuses HCT116. À gauche le marqueur Hoechst (λem =461 nm) et à droite le marqueur iodure de propidium ( λem=610 nm). Échelle : 100 µm.

3.3.6 Activation de l’apoptose

L’activation de l’apoptose est évaluée par l’observation de l’activité des caspases effectrices intracellulaires 3 et 7 en utilisant le kit NucView 488 Caspase-3 (Biotum) [178]. Le substrat est associé à un colorant de liaison à l’ADN qui le rend incapable de se fixer naturellement sur les bases nucléiques. Ce substrat est capable de pénétrer dans le cytoplasme des cellules sans perméabilisation préalable. Dans le cas de l’apoptose les caspases effectrices 3 et 7 peuvent ainsi cliver le substrat libérant le marqueur fluorescent qui va alors pouvoir migrer dans le noyaux et s’intercaler dans les chaînes de l’ADN pour les marquer. Cette technique permet d’une part d’observer l’activité des caspases donc le déclenchement de phénomènes apoptotiques mais également de suivre la morphologie du noyaux le cas échéant. De plus, ce substrat n’interfère aucunement avec l’activité des caspases ce qui permet le suivi temporel d’un même sphéroïde.

Les sphéroïdes sont incubés avec le PAM et le substrat fluorescent pendant 30 min (concentration finale 5µM) avant observation de la fluorescence. La fluorescence verte (λex= 485/λem = 515nm) est collectée à l’aide d’un microscope à épifluorescence DM IRB (Leica) à température ambiante dans des plaques 96 puits à faible attachement (voir fig 3.3.2).

Figure 3.3.2 – Fluorescence du substrat NucView 488 Caspase-3 d’un sphéroïde composé de cellules cancéreuses HCT116 24H après un traitement plasma. La fluo- rescence verte correspond à l’activité de caspase traduisant des mécanismes de mort apoptotique dans les cellules. Échelle : 100µm.