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De nombreux processus physiques et chimiques interviennent dans un plasma, en par- ticuliers lorsque ce dernier est en contact direct avec des cellules vivantes ou indirect par l’intermédiaire d’un liquide activé par plasma. Dans cette partie, nous avons recensé les principaux mécanismes dont l’activité sur le vivant est (ou est supposée) significative. Ces différents mécanismes ont une part très variable d’un dispositif plasma à un autre dans

l’efficacité du traitement réalisé. En effet, la nature et la quantité des espèces produites par un plasma dépendent énormément des conditions opératoires ce qui rend particulièrement délicate la comparaison des différents jets de plasma. Nous écarterons d’emblée le rôle direct de l’élévation de la température due au plasma car les jets de plasma froids utilisés pour des applications biomédicales n’induisent pas une augmentation significative de la tempéra- ture des objets traités. Toutefois, l’efficacité d’un traitement plasma peut être améliorée en augmentant la température de l’échantillon exposé au plasma [113].

2.3.1 Effet du champ électrique

Le mouvement des espèces chargées dans le plasma ainsi que le champ géométrique des dispositifs peuvent conduire à un champ électrique localement important au niveau d’un support biologique exposé au plasma. De nombreux groupes de recherche suggèrent par conséquent que l’effet du champ électrique généré par un plasma sur les cellules et les bactéries n’est pas négligeable [141] et pourrait même être, dans certaines configurations particulières, le vecteur principal de stérilisation [142, 143]. À partir de résultats extraits des travaux de Laroussi et al [143], Mendis et al proposent un scénario connu sous le nom de disruption électrostatique de la membrane cellulaire [142]. Ce phénomène se produit lors de l’accumulation de charges électriques à la surface d’une cellule à un niveau tel que la résistance à la traction de la membrane n’est plus assez importante pour garantir l’intégrité membranaire. L’inégalité suivante est proposée comme condition nécessaire à la disruption de la membrane cellulaire :

| Φ(V) |≥ 0.2qr(µm) ∆(µm) FT(dynes.cm−2) (2.3.1)

Cette formule traduit le fait que le potentiel Φ a la surface de la cellule dépend du produit du rayon de courbure local r de la membrane cellulaire, de l’épaisseur de la membrane ∆ et de la force de traction de la membrane FT. De nombreuses simulations ont montré que le

potentiel à la surface des cellules peut être suffisamment élevé pour surpasser la résistance à la traction de la membrane [141]. Cette formule reste cependant difficile à utiliser car la force de traction de la membrane n’est pas une donnée connue à ce jour. Cependant, compte tenu de l’estimation de ce facteur par Mendis et al [142], il est envisageable que le champ électrique induit un effet au niveau cellulaire notamment sur les cellules Gram négatif dont la membrane possède des irrégularités diminuant ainsi le rayon de courbure local.

Si le champ électrique peut éventuellement produire un effet lors de l’exposition directe de supports biologiques au plasma, sa contribution est discutable dans le cas de traitements indirects au cours desquels les cellules ne sont pas exposées au plasma ce qui, nous le verrons plus tard, est le cas des applications biomédicales réalisées lors de cette thèse.

2.3.2 Effet du rayonnement ultraviolet

Le rayonnement UV-C (190-280 nm) est particulièrement efficace pour induire des dom- mages à l’ADN, ce dernier étant très absorbant sur cette plage de longueurs d’ondes. C’est donc une solution intéressante pour inhiber le développement d’une infection bactérienne lors d’une opération chirurgicale ou d’une préparation d’échantillons microbiologiques [144, 145]. Fort de ce constat, l’entreprise Steril-Aire Inc. a développé un dispositif à base de rayonne- ment UV-C permettant de réduire très fortement la contamination par des micro-organismes (biofilm gram-positif et négatif, champignons) des installations de chauffage, ventilation et climatisation. Jusqu’à très récemment, on ne trouvait pratiquement que des lampes conte- nant du mercure (dont une transition radiative se trouve à 253 nm) pour générer des rayon- nements UV-C. Ces dernières sont désormais concurrencées par l’arrivée de la dernière génération de LED UV-C qui comble toutes les lacunes qui empêchaient les précédentes générations de LED de s’imposer sur ce secteur.

Un autre moyen de produire un rayonnement UV-C est de générer un plasma. Plus pré- cisément, il s’agit d’un plasma dans lequel se trouvent des molécules excitées de monoxyde d’azote (NO) qui produisent un spectre caractéristique dans l’UV-C. A la pression atmosphé- rique, les plasmas à base d’argon sont généralement plus efficaces que ceux à base d’hélium ou d’air pour produire un rayonnement UV-C à partir des impuretés du gaz plasmagène et/ou du mélange de ce dernier avec l’air ambiant.

Lors d’expériences préliminaires, nous avons déterminé qu’un jet de plasma Surfatron à base d’argon projeté dans l’air ambiant était capable de générer une irradiance UV-C de 46 µW.cm−2 à une distance de 17 mm de la sortie du tube amenant le gaz plasmagène.

Cela correspond, pour une durée de traitement de 300 secondes, à un niveau d’exposition de 14 mJ.cm−2 [10]. Ce niveau d’exposition UV-C étant, d’après les travaux de Guo et al, capable d’induire 5 log de diminution relative de la population (0.001% des bactéries

toujours viables après traitement) de la souche sauvage de la bactérie E. coli à l’état planc- tonique [146]. Toutefois lors de nos travaux, la réduction bactérienne observée n’était que d’environ 1 log (10% de survie), la différence étant probablement imputable à la concentra- tion bactérienne initiale qui était était mille fois plus importante dans notre cas3 [10]. Nous

avons également constaté que la part de mortalité bactérienne induite uniquement par le rayonnement UV-C du jet Surfatron sur des bactéries E. coli était d’environ 84% dans nos conditions expérimentales [10].

L’effet des radiations émises par le plasma n’est a priori envisageable que pour des expo- sitions directes de supports biologiques au plasma. Cependant, le rayonnement ultraviolet contribue à la production d’électrons germes dans le plasma et favorise également la pro- duction de certaines espèces chimiques très actives sur le vivant et à longue durée de vie comme c’est le cas par exemple de l’ozone.

3. Cet exemple illustre parfaitement une difficulté supplémentaire pour comparer différents traitements par plasma car l’efficacité de décontamination bactérienne dépend de la concentration initiale des bactéries.

2.3.3 Effet des espèces réactives

Le plasma est une excellente source d’espèces réactives chargées électriquement (électrons, ions) ou neutres. Pour les applications biomédicales des plasmas, ces espèces neutres sont souvent classées en deux catégories : les espèces réactives oxygénées et les espèces réactives nitrogénées. Un exemple de concentrations des principales espèces réactives dans un plasma froid de type DBD est donné tableau 2.1 à partir des résultats de Kalghatgi et al [13]. La concentration de ces espèces réactives varie en fonction de la configuration du plasma mais la liste des espèces est quant à elle relativement commune dans les DBDs et les jets de plasmas à la pression atmosphérique. Ces espèces, présentent en phase gazeuse, sont connues pour produire des effets importants sur les cellules du vivant. Les radicaux superoxyde et hydroxyle, l’oxygène singulet et l’oxyde nitrique font d’ailleurs partie des éléments clés de la thérapie photodynamique et de la radiothérapie pour le traitement du cancer (cf. chapitre 1).

Pour un traitement de supports biologiques en suspension dans un liquide, les espèces réactives du plasma vont se solubiliser et entraîner à leur tour la formation d’espèces se- condaires à la suite de réactions chimiques avec les composants du liquide traité. Il est également envisageable que les espèces produites par le plasma interagissent entre-elles une fois solubilisées. L’ensemble des produits issus de l’interaction entre le plasma et un liquide a une durée de vie limitée. On définit alors deux catégories que sont les espèces à courte durée de vie telles que les radicaux dont la durée de vie après l’arrêt du plasma ne dépasse généralement pas la seconde et les espèces à longue durée de vie telles que le peroxyde d’hydrogène, l’ozone et les nitrites/nitrates dont la durée de vie dans le liquide activé peut atteindre plusieurs jours (tab. 2.1).

Cependant, les espèces à courte durée de vie ont un rôle essentiel dans le cas d’un traite- ment indirect par l’intermédiaire d’un liquide activé par plasma car elles sont très fréquem- ment à la base des mécanismes de formation des espèces à longue durée de vie.

Pour finir, il convient également de prendre en compte le taux de solubilisation d’une espèce initialement en phase gazeuse vers un liquide. La solubilité d’un gaz dans un liquide est généralement décrite par la loi de Henry qui établi que la solubilité d’un gaz dans un liquide est proportionnelle à la pression du gaz sur ce liquide. Par exemple l’ozone, qui est réputée assez difficile à dissoudre dans l’eau, a une solubilité qui dépend de la température, du pH du liquide et de la nature de ce dernier. Le taux de solubilité des espèces actives formées dans un plasma est par conséquent un paramètre particulièrement difficile à déterminer d’autant plus que la loi de Henry ne s’applique pas aux molécules qui réagissent chimiquement avec le liquide. Il s’agit donc d’un paramètre qui reste malheureusement inconnu la plupart du temps.

Table 2.1 – Concentrations des espèces générées en phase gazeuse par un plasma froid DBD dans l’air à la pression atmosphérique ayant une densité électronique comprise entre 109 et 1011 cm−3 et une concentration ionique positive comprise entre

1010 et 1012 cm−3. La deuxième colonne est extraite de [13]

Espèces générées Concentration Durée de demi vie Solubilité

dans le plasma dans le plasma (cm−3) après solubilisation dans l’eau

SuperoxydeO•−2  1010- 1012 ∼ s [147] N/A

Radical hydroxyle (•OH) 1015- 1017 ∼ µs [148] N/A

Peroxyde d’hydrogène(H2O2) 1014- 1016 8 heures-20 jours [149] 106mg · l−1 [150] Oxygène singulet 1O

2 1014- 1016 ∼ µs [151] N/A

Ozone (O3) 1015- 1017 ∼ min [152] 0.266 mg · l−1× [O3]gaz [153]

Oxyde nitrique (NO•) 1013- 1014 ∼ s [154] 58 mg · l−1 [155]

2.4 Bilan des applications biomédicales des plasmas froids