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3. Signes cliniques :

5.3. Diagnostic différentiel :

La triade classique « anorexie, amaigrissement, aménorrhée », dont le dernier item peut être absent (cas de fille prépubère ou en début de puberté, adolescente sous pilule œstroprogestative, garçon), ne suffit évidemment pas à poser le diagnostic, même si l’anorexie mentale en est la première cause à l’adolescence. C’est avant tout l’analyse comportementale qui emportera la conviction du médecin, préalable indispensable à une véritable annonce diagnostique. [1]

Cette analyse comportementale nécessite un questionnement du patient, mais ici surtout des parents. Plusieurs comportements sont remarqués : [1]

- Lecture et recopiage de recettes

- Participation active aux achats alimentaires, décryptage des étiquettes détaillant la composition d'un plat,

- Volonté de cuisiner pour l'ensemble de la famille, composition d'assiettes riches en calories

- pour l'entourage, avec à contrario, pour l'adolescent, une assiette exempte de toute graisse visible, où le contenu est éparpillé et caché, - Stockage d'aliments,

- Hyperactivité physique incessante,

- Apparition ou accentuation de troubles obsessionnels avec rituels autour du rangement ou de la propreté,

- Hyperinvestissement scolaire avec insatisfaction malgré de bons résultats,

- Absence de plainte et réaction inappropriée de l'adolescente, à l'annonce de la nécessité de reprendre du poids.

En cas de signes d’appel somatique, on recherchera toutes les causes possibles d’amaigrissement à cet âge, avec une attention particulière à certains diagnostics : [53]

 Une pathologie infectieuse tuberculose  Une affection digestive : maladie de Crohn

 Tumeur intracérébrale, un processus malin, pathologie inflammatoire ou endocrinienne (maladie d’Addison,.. )

Il faut éliminer des affections psychiatriques associées possiblement à des troubles des conduites alimentaires et /ou à un amaigrissement :

 un état délirant associé à une anorexie  un état dépressif avec amaigrissement.

6. Evolution :

La phase anorexique dure en moyenne un an et demi à trois ans, mais cet état peut se prolonger jusqu’à cinq ans ou plus chez certains patientes. Après cinq ans d’évolution, deux tiers des sujets sont guéris. Pour les autres, on parle d’anorexie mentale chronique. Des rémissions ou guérisons plus tardives sont toujours possibles.

A terme, la moitié des personnes soignées pour une anorexie mentale à l’adolescence guérissent, un tiers est amélioré, 21 % souffrent de troubles chroniques et 5 % décèdent. La mortalité est maximale l’année qui suit la sortie d’hospitalisation des patientes. Elle est due aux complications somatiques dans plus de la moitié des cas (le plus souvent un arrêt cardiaque), à un suicide dans 27 % des cas et à d’autres causes dans 19 % des cas. Le taux de suicide associé à l’anorexie est le plus important de toutes les maladies psychiatriques. [13]

7. Pronostic :

Il n’existe aucun critère pronostic absolu. Sans sous estimer les complications somatiques possibles (entre autres menstruelles et osseuses), ce sont les troubles psychiques qui, en dehors de toute autre séquelle, représentent le plus grand risque évolutif à long terme.

Tous les auteurs s'accordent pour souligner l'importance d'une prise en charge précoce d'une telle pathologie, dont le pronostic est marqué par un risque vital, ainsi que par celui d'une morbidité, en lien avec des complications somatiques et psychiques, non négligeables. [1]

Les Facteurs favorables :  Début d’adolescence.

 La vitesse prise du poids supérieur ou égale à 0,8 kg par semaine pendant l’hospitalisation, est le seul élément prédictif retrouvé. Ces patientes, qui ont pris du poids rapidement pendant l’hospitalisation, ont significativement moins souvent rechuté dans l’année qui a suivi la sortie de l’hôpital, que les autres patientes. Il n’est pas précisé s’il s’agit d’un lien de causalité ou d’un

marqueur d’une bonne tolérance à la prise de poids chez ces patientes, qui acceptent pendant l’hospitalisation de retrouver un poids normal. [49]

 Déni non massif, avec une reconnaissance de la faim, des troubles modérés du transit intestinal, l’absence d’antécédents familiaux psychiatriques, une bonne coopération des parents compréhensifs, une fratrie peu nombreuse et une bonne insertion sociale. [52]

Les facteurs défavorables :

 Le retard à la prise en charge, mais aussi les relations familiales difficiles, un IMC inférieur à 13kg/m2 en début de prise en charge, l’association à un trouble de personnalité ou à une dépression, un nombre et une durée élevés des hospitalisations (l’hospitalisation sélectionne, du fait des critères de sévérité et de résistance aux soins ambulatoires, des sujets plus sévèrement atteints). [49]

 L’âge de survenue est également un critère à prendre en compte : un début très jeune (avant 10 ans) ou très tardif (après 20 ans).

 Un déni massif de la faim, un déni de la maladie, une constipation permanente, des préoccupations hypochondriaques ou dysmorphophobiques, un conflit conjugal des parents, une dépression des parents aggravée par l’anorexie de leur fille, un rejet de la maladie par les parents, une fratrie nombreuse ainsi qu’une mauvaise insertion sociale. [52]

II. Boulimie : 1. Définition :

« Faim de bœuf » : telle est l'étymologie de la boulimie, ce qui signifie en langage courant, un appétit solide pour certaines choses ou activités. Et c’est également un signe de vitalité.

Elle est caractérisée par des pulsions irrésistibles et impérieuses à manger avec excès à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit, réalisant des accès répétés de fringale. L’adolescente, généralement seule, ingère sans faim et avec gloutonnerie des quantités énormes de nourriture sans qualité gustative particulière. C’est la sensation inconfortable de réplétion gastrique qui met fin à ces accès suivis d’une période de sommeil, plus souvent de vomissements provoqués par une crainte excessive de devenir grosse. [19]

2. Epidémiologie : 2.1. Descriptive :

Le syndrome touche essentiellement mais non exclusivement l’adolescente ou la jeune femme. 95 % des malades qui en souffrent sont de sexe féminin. Il n’y a donc qu’un homme (ou garçon) pour 19 femmes (ou filles). [19 ,21]

La prévalence est de 1,1 % chez les filles et de 0,2 % chez les garçons. Les apparentés du premier degré présentent plus souvent des symptômes identiques, de même que les jumeaux. [19]

L’âge de survenue serait un peu plus tardif, vers la fin de l’adolescence (18 - 20 ans), plus tard que l’anorexie mentale : entre 16 à 30 ans dans 90 % des cas, femmes plus âgées dans 5 % des cas. [19,21]

Cinq fois sur 10, La boulimie commence par un régime pour maigrir ; 3 fois sur dix, La boulimie a été précédée par une anorexie mentale. Deux fois sur 10, c’est une dépression qui a inauguré les troubles du comportement alimentaire. S’il y avait eu régime pour maigrir, il n’était justifié par un vrai surpoids que dans 25 % des cas. [21]

2.2. Analytique :

Les déterminants de la boulimie sont très hétérogènes. La réalité de nombreux d’entre eux ne fait guère de doute, mais il est difficile d’approfondir leurs modalités d’interactions et d’évaluer la part de leur contribution à l’émergence et au maintien des symptômes chez un individu donné. [53]

2.2.1. Facteurs prédisposants :

 Facteurs individuels :

Des facteurs psychologiques : Dans un stade précoce, ils résultent d’un

échec du processus d’intériorisation de l’enfant avec ses parents suite à des événements : (dépression maternelle, naissance d’un autre enfant, séparation). L’enfant ne réussit alors pas à établir suffisamment de relation sécurisante et stable, devenant dépendant de la présence physique des personnages importants de son entourage, cherchant plus leur estime que la satisfaction de ses propres besoins.

A la puberté, cette relation de dépendance devient généralement intolérable, entraînant des attaques contre les éléments qui en témoignent (études, relations parentales, aspect corporel).

La dépendance à l'entourage est habituellement massive, avec une grande vulnérabilité aux variations de la distance relationnelle, un abandonnisme majeur provoquant parfois des réactions dépressives, une intolérance à la frustration et à la solitude, ainsi qu'une grande difficulté à s'engager dans un processus de changement de conduites.

Des facteurs biologiques : une hypothèse a été faite, sur le plan

biologique, fondée sur des arguments indirects tels que des transmissions croisées entre l’anorexie mentale et la boulimie, mais aussi entre les TCA et d’autres troubles comme la dépression et des traits de perfectionnisme.

La concordance de la présence du syndrome chez les jumeaux est respectivement 35%pour les jumeaux monozygotes et 30% pour les jumeaux dizygotes, ce qui est en faveur d’une transmission génétique.

Les hypothèses actuelles s’orientent vers l’existence d’une boucle sérotoninergique régulatrice de la satiété. Les médicaments sérotoninergiques semblent avoir une action limitante chez les obèses mangeurs de sucres. Ils semblent aussi avoir une action limitante dans le déclenchement de crises de boulimie. Le taux de 5-HIAA (acide5-hydroxyindolacétique), métabolite de la sérotonine, est plus faible dans le LCR des anorexiques-boulimiques que dans celui des sujets sains et des anorexiques non boulimiques. Il est probable que le régime restrictif entre les crises et la répétition de celles-ci entrainent une désorganisation de la régulation nutritionnelle, contribuant au maintien de syndrome et à son caractère contraignant.

Autres : une obésité dans l'enfance (rendant potentiellement ces sujets plus

sensibles à leur silhouette) et des règles précoces sont fréquemment associés à la boulimie.

 Facteurs familiaux :

Des antécédents de troubles liés à des dysfonctionnements sérotoninergiques tels que l'anxiété, la dépression, le suicide et les conduites addictives sont fréquemment retrouvés dans les familles des sujets boulimiques ainsi que des antécédents d'obésité.

2.2.2. Facteurs déclenchants :

Les facteurs déclenchants sont variés : - les régimes alimentaires draconiens ;

- les événements de vie et de séparation (déménagements, entrée au collège, deuils) ;

- La puberté, avec ses bouleversements biologiques, physiques et sociaux déstabilise l'individu et le précipite dans une sorte d'anxiété non « métabolisable » ;

- Sur le plan biologique, la sécrétion croissante d'œstrogènes à la puberté pourrait contribuer, via des effets sur le métabolisme de la sérotonine et de l'axe corticotrope, à majorer la réponse au stress, la variabilité de l'humeur et influencer l'appétit.

2.2.3. Les facteurs pérennisants :

 Sur le plan psychologique :

Il a été observé que les crises de boulimie améliorent temporairement l'humeur dépressive et l'anxiété des sujets. Ceux-ci y auraient recours en cas de stress ou de tristesse importante pour se calmer. Les crises de boulimie permettraient dans un premier temps de lutter contre des affects dépressifs, mais seraient ensuite source de dépression.

 Sur le plan biologique :

Une hypodopaminergie centrale. La dopamine est impliquée dans la satisfaction alimentaire postprandiale. L'hypodopaminergie serait responsable d'une disparition de cette satisfaction et par conséquent d'épisodes de frénésie alimentaire observés dans les épisodes boulimiques.

Le neuropeptide Y qui accroît la sensation d'appétit est augmenté dans le liquide céphalorachidien des sujets boulimiques en rémission. Ce phénomène pourrait expliquer les rechutes fréquentes dans cette pathologie.

3. Différentes formes cliniques : 3.1. Mécanisme :

Le manque de confiance et la peur de l’autre conduisent le futur malade à une crise compulsive. Cette crise l’angoisse de la peur de grossir. Le premier vomissement apparaît, qui annule les effets de la crise, mais la transforme en un gouffre sans faim ni plaisir. Le jeûne que le malade s’impose pour ne pas grossir renforce le besoin de faire une nouvelle crise. [13]

Figure 3: Mécanisme de la Boulimie nerveuse [13]