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Troisième partie : Prévention et rôle

III. Le rôle du pharmacien dans la prise en charge des TCA :

2. Les mesures d’intervention a l’officine : 1.Repérage précoce et dépistage :

2.2. Optimisation du contacte pharmacien-patient :

2.2.1. L’alliance thérapeutique :

Le terme d’alliance thérapeutique a été employé pour la première fois par Sigmund Freud, en 1913. Il insistait alors sur l’importance d’une alliance forte entre un patient et son thérapeute. Elle s’avère en effet indispensable dans le cadre d’une psychothérapie. Elle est très aussi utile pour toute démarche soignante. Quand deux personnes se rencontrent, quel que soit le contexte, les facteurs relationnels sont au premier plan. Chacun a besoin de savoir à qui il a affaire, afin de définir de quelle manière se comporter. La méfiance, la confiance, la séduction sont des exemples de ce phénomène normal et utile. Un rapport collaboratif consiste à passer de ce type relationnel, dans lequel les facteurs interindividuels sont prédominants, à un autre type dans lequel patient et soignant travaillent ensemble pour résoudre les problèmes posés dans la thérapie. Il s’agit d’une collaboration active, basée sur une appréciation partagée des problèmes et un accord sur les solutions possibles. Parmi les qualités nécessaires nous trouvons l’empathie, l’écoute. [72]

Ainsi, le concept d’alliance thérapeutique est indispensable dans la prise en charge des TCA, car les patientes souffrantes de TCA éprouvent des difficultés à faire confiance. Le pharmacien devra donc porter une attention particulière aux perceptions, aux attentes et aux réactions de chacune des patientes rencontrées. Afin de rassurer la patiente, il est nécessaire de rappeler que le pharmacien est tenu au secret professionnel comme les médecins.

 L’empathie :

La première compétence à développer pour le pharmacien est l'empathie. En effet, elle lui sera très utile, car c'est dans ces conditions que la patiente pourra se sentir valorisée et digne, sentiments qui ont pu être affaiblis par sa maladie. Elle se sentira encouragée à verbaliser ses préoccupations ; ainsi le pharmacien pourra obtenir des informations précieuses qui le guideront dans l'établissement de l'alliance thérapeutique [73].

L’empathie est définie comme la capacité de se mettre à la place d’un client et de percevoir ce qu’il ressent tout en maintenant une distance affective par rapport à cette dernière. Excluant particulièrement tout entraînement affectif personnel (sympathie, antipathie) et tout jugement moral ; la personne empathique évite de porter des jugements. Ne pas s'impliquer affectivement avec son patient permettra au professionnel de santé de ne pas vivre un refus d'aide comme une attaque personnelle [73,74].

Travailler son ouverture d'esprit l'aidera à être bienveillant envers les problèmes de la patiente, ce qui est la condition initiale pour que celle-ci se sente écoutée et valorisée Ex : « Vous avez traversé une épreuve

particulièrement éprouvante ». Cependant il s’agit non seulement de

comprendre ce que dit la patiente, mais également ce qu'elle veut dire, et ce qu'elle ne dit pas. Mais cela ne suffit pas, il est également nécessaire de lui communiquer cette compréhension : « je comprends bien que,….. » .En effet l’humanité ressortant du pharmacien sera déjà curative, car elle restaure chez la patiente le sens perdu de la relation aux autres, le sentiment de sécurité et du contrôle de soi. [73,74]

 Le reflet et L’écoute :

Une autre compétence qui peut être travaillée et améliorée par le pharmacien est la capacité d'écouter son patient. En effet, de la qualité de l'écoute dépend la pertinence de la prise en charge. L’écoute réflective implique une reformulation. Elle consiste à aller plus loin que ce que dit la personne en traduisant avec d’autres mots ses ressentis : « Vous dites que… », « Si vous me permettez, je voudrais parler de… » [73]

Le reflet permet à l’intervenant et à la patiente d’être sur la même longueur d’onde et de faire ressortir les motivations de la patiente. Un reflet est une affirmation et non une question, il permet de résumer et de compléter ce que dit la patiente et ce à deux niveaux : on peut faire un reflet de contenu et/ou de sentiment. Il existe des réactions qui sont des freins à l’écoute active : conseiller, fournir des solutions, dire aux gens ce qu’ils doivent faire, juger, critiquer, argumenter, moraliser, étiqueter, démontrer, rassurer, se mettre en retrait ou changer de sujet,...Le pharmacien doit également poser les bonnes questions, aux bons moments, en utilisant la bonne formulation [73,74] .

Tableau VIII:Exemples de reflets [74]

Reflet simple : Reformulation neutre d’un propos, sans modification.

Patiente :

« Pourquoi manger des matières grasses ? J’ai des copines qui ne mangent que 0% et qui se portent très bien ! »

Thérapeute :

« Tu remarques que certaines personnes ne mangent pas de matières grasses .Tu en conclues que ce type d’aliment n’est pas nécessaire… »

Reflet amplifié : reformuler avec exagération, mais sans ironie, qui tend à provoquer chez la patiente un réflexe de modération

Patiente :

« Je ne mange plus rien le matin depuis bien longtemps .Ma mère non plus, elle ne prend qu’un café avant de partir au travail. »

Thérapeute :

« ça te laisse penser que prendre un petit-déjeuner n’est d’aucune utilité…. »

Reflet double : reformulation d’un propos de la patiente, suivie du rappel d’un propos antérieur contradictoire. Vise à faire prendre conscience et explorer les contradictions

Patiente :

« J’expliquais au docteur …. que ses

recommandations diététiques ne valaient pas pour moi, car je mange au moins 1 kg de fromage blanc par jour, et donc je prends plus de calcium que ma mère et mes frères réunis ! »

Thérapeute :

« Tu as conscience de l’importance du calcium et tu prends soin de tes os en consommant le plus possible. Et tu me disais aussi, la semaine dernière, qu’une densitométrie indiquant un début

d’ostéoporose te tracassait. Tout ca doit te sembler déroutant… »

 Les questions ouvertes :

A l’inverse des questions fermées (réponses brèves, réponses oui ou non), les questions ouvertes favorisent l’expression des motivations intrinsèques de la patiente, Elles suscitent des réponses longues qui invitent à la communication. Elles permettent l’instauration d’une confiance entre le thérapeute et la patiente en favorisant l’écoute et en permettant à la patiente de développer ses idées et

ses réflexions. Il convient également de commencer par expliquer à la patiente le but des questions qui vont suivre, ainsi elle ne se sentira pas agressée. [74]

Par exemple, pour commencer le questionnement pendant le conseil sur des médicaments sans ordonnance, le pharmacien peut annoncer :

« J'ai besoin de vous poser quelques questions à propos de ce que vous ressentez pour déterminer le traitement qui sera le mieux adapté ».

Ainsi, la patiente sait ce qu'il va se passer, elle ne sera pas surprise des questions du pharmacien, et ne percevra pas sa démarche comme un interrogatoire. Le pharmacien doit également soutenir le sentiment d’efficacité personnelle. C'est-à-dire qu’il doit renforcer les capacités de la patiente à croire à son potentiel de changement.

 La valorisation

Elle consiste à faire des compliments, des déclarations de compréhension comme : « En venant à l’officine, vous avez fait le premier pas dans la demande d’aide, je vous félicite et je comprends votre souffrance.» permet de renforcer le sentiment d’efficacité personnelle, la confiance en soi et l’estime de soi. [73]

Pour renforcer l’ouverture de la relation, il faut veiller à valoriser la patiente et la soutenir durant tout l’entretien. Le simple fait qu’elle ait envie de changer peut déjà être souligné. [74]

 Le résumé :

Les résumés permettent de renforcer les éléments qui viennent d’être discutés et témoignent de l’écoute de l’intervenant. Ils permettent également de souligner une ambivalence, de faire ressortir un élément important de la motivation de la patiente et de dégager des pistes stratégiques de changement. [74]

Exemple : « Si je résume, depuis 1 ans, vous présentez des crises de boulimie, cela correspond à votre voyage à l’étranger pour étudier. Cela vous détend, vous trouver dans l’alimentation un moyen de remplir le vide et de se sentir en sécurité. Par ailleurs ;…… »

Quelques erreurs sont à éviter lors de l’entretien avec la patiente :

 Ne pas sermonner la patiente avec des phrases comme : « Vous vous rendez compte de ce que vous faites subir à votre corps ? », « Je vois bien votre jeu, vous essayez de me manipuler. »

 Ne pas banaliser les troubles. Par exemple, il n’est pas bon de dire que c’est normal de souffrir de TCA à l’adolescence, ou encore de minimiser le problème d’un anorexique avec des phrases comme : « Essayez de manger d’avantage.»

 Ne pas stigmatiser le comportement. Par exemple, lorsque nous sommes face à un être en souffrance, il est important de ne pas l’appeler « le boulimique » ou « l’anorexique ».