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ambiante, Ec ∼ 21 kV/mm pour le LiNbO3 et le LiTaO3 congruents, c’est-à-dire proches de la composition stœchiométrique [49].

La méthode utilisée pour caractériser les grandeurs caractéristiques Ec et Psd’un matériau ferroélectrique consiste à représenter la polarisation spontanée en fonction du champ électrique appliqué comme nous l’avons vu dans la première partie de ce chapitre. Le cycle d’hystérésis ainsi obtenu pour le niobate de lithium est présenté sur la figure 2.4. Il fut mis en évidence pour la première fois par G. D. Miller en 1998 [51]. Le champ coercitif est alors défini comme étant le champ électrique externe appliqué pour lequel la moitié de la polarisation est inversée, c’est-à-dire que le déplacement varie de +Ps à 0. On distingue également sur cette figure les deux états stables +Ps et−Ps du matériau.

Déplacement (µC/cm²)

Champ électrique appliqué (kV/mm)

+Ps −Ps Ec 20 40 60 80 −20 −40 −60 −80 −10 −20 10 20

Fig.2.4 – Cycle d’hystérésis du niobate de lithium [51]

Plusieurs méthodes permettant d’inverser la polarisation spontanée des domaines existent. Dans la partie suivante, je vais les répertorier et je justifierai l’emploi de la technique d’inversion de domaines par champ électrique pour notre étude.

2.2

Différentes techniques d’inversion de domaines ferroélec-

triques

L’inversion de domaines ferroélectriques associée à la réalisation de microstruc- tures périodiquement inversées constitue une nouvelle branche de la technologie qui s’est rapidement développée au cours des dernières années [52], notamment dans le domaine de l’optique non linéaire. Différentes techniques ont été développées pour fabriquer du LiNbO3 périodiquement inversé [53] :

– l’exodiffusion de Li2O sur la face Z+,

– la diffusion de titane sur la face Z+,

– le bombardement électronique, – l’application d’un champ électrique.

Détaillons succinctement ces différentes techniques.

2.2.1 Croissance du cristal de LiNbO3 avec un dopant

En 1985, Feisst et Koidl [54] étudièrent l’influence d’un champ électrique sur la croissance de structures à domaines alternés. Ils montrèrent alors qu’il était possible de faire croître des domaines inversés dans du niobate de lithium dopé au chrome pendant la croissance du cristal soumis à un champ électrique (par le procédé de Czochralski dont le principe est décrit dans le schéma 2.5 (a)).

(a) (b)

Fig. 2.5 – (a) Schéma de principe du procédé de croissance d’un cristal de Czochralski et (b) « carotte » de niobate de lithium (CrystalTechnologies) obtenue par cette technique [55]

Bien que cette technique permette la production de démonstrateurs, elle n’est pas adaptée pour une production de masse de LiNbO3 périodiquement inversés. De plus, nous ne sommes pas en mesure de la mettre en place.

2.2.2 Exodiffusion de Li2O sur la face Z+

À des températures supérieures à 900C, le traitement de LiNbO3 provoque une perte de molécules Li2O en surface. C’est le phénomène d’exodiffusion. Il engendre une augmentation de l’indice extraordinaire et un retournement de la polarisation ferroélectrique du matériau. Les réseaux sont créés en déposant un masque de silice

2.2. Différentes techniques d’inversion de domaines ferroélectriques 37

qui sert de barrière à l’exodiffusion et la profondeur de la couche exodiffusée est maîtrisée par le temps de recuit. La couche de silice ainsi que la surface du matériau doivent ensuite être éliminées par polissage [56] puisqu’en effet, à ces températures, la silice réagit avec le cristal, ce qui rend impossible le retrait du masque avec des solutions chimiques.

2.2.3 Diffusion de titane sur la face Z+

Cette technique consiste à déposer une couche de titane sur la face d’un substrat de LiNbO3 et à placer cet échantillon dans un four à haute température (1000 – 1200C) pendant plusieurs heures. La diffusion de titane engendre alors un gradient de concentration de cet élément dans le cristal. Ce gradient provoque la génération d’un champ électrique ayant, sur la face Z+ du cristal, le sens d’un champ dépolari- sant. Le retournement n’est donc possible que sur cette face. Près de la température de Curie, le champ est suffisant pour qu’il y ait retournement [57]. De plus, comme la température de Curie diminue quand la concentration de titane augmente, la forme des domaines est fonction de la structure du gradient de concentration. Les inversions de domaines sont tout de même pénalisées par une faible valeur de l’aire effective inversée car l’inversion de domaines est effective là où le titane diffuse, c’est-à-dire quelques micromètres sous la surface du matériau. De plus, les murs des domaines ne sont pas verticaux selon l’axe Z mais possèdent un profil triangulaire [58].

Le problème lié aux techniques précédemment citées fondées sur la diffusion d’atomes ou sur un traitement thermique tient à la température requise (typiquement 900 – 1200C) qui est proche de la température de Curie du LiNbO3 (Tc = 1210C). Or, au voisinage de cette température, la structure cristalline du matériau se déforme et perd sa symmétrie qui lui confère ses propriétés ferroélectriques : la maîtrise de la croissance des domaines inversés est alors très difficile [50].

2.2.4 Bombardement électronique

L’inversion de polarisation peut également être obtenue par bombardement par faisceau d’électrons de la face Z. Les premières expériences [59] nécessitaient de chauffer le cristal et d’appliquer un champ électrique d’environ 10 V/cm. En aug- mentant la fluence d’électrons (nombre d’électrons par unité de surface), le retour- nement de polarisation a été observé, à température ambiante, sans l’application de champ [60, 61, 53].

Fig.2.6 – Schéma de principe d’inversion de domaines par bombardement d’électron [53]

peut être considéré comme l’application d’un champ électrique local. En effet, LiNbO3 étant un isolant, les charges des électrons déposés sur la face Zengendrent un champ électrique à travers l’épaisseur du matériau. L’inversion de polarisation spontanée est effectuée grâce aux déplacements des ions dans la structure : les ions Li et Nb5+ se déplacent dans la direction Z, dans les plans d’atomes d’oxygène. Ce phénomène est réalisé si un champ électrique, d’une valeur supérieure à celle du champ coercitif est créé dans le sens opposé au sens de la polarisation spontanée du cristal. Quand le champ électrique généré par les électrons incidents remplit ces conditions, une inver- sion de polarisation des domaines ferroélectriques est créée et la zone inversée croît dans l’épaisseur du cristal. Le principal avantage de cette technique est qu’elle ne nécessite pas de masquage, étape qui prend du temps et dont le coût peut être élevé, et permet d’avoir des résolutions de l’ordre de 5 nm [53]. Cependant, cette tech- nique ne permet d’inverser des domaines ferroélectriques que sur quelques centaines de micromètres de long, or, pour nos applications, il nous faut faire une inversion périodique de domaines sur plusieurs millimètres.

(a) (b)

Fig.2.7 – Images MEB de domaines inversés par bombardement d’électrons après gravure à l’acide fluorhydrique : (a) face Z (b) face Z+ [53]

2.2. Différentes techniques d’inversion de domaines ferroélectriques 39

2.2.5 Application d’un champ électrique

En 1992, Yamada et al. ont réalisé les premiers tests d’inversion de domaines ferro- électriques sur niobate de lithium par champ électrique à température ambiante [52]. Bien que la reproductibilité de leur procédé soit faible, leurs résultats suscitent un vif intérêt. Un programme de recherche est alors lancé au E. L. Ginzton Laboratory de Stanford et a permis le développement d’une technique d’inversion de domaines par champ électrique fondée sur la définition d’un masque par photolithographie permettant la maîtrise de la période et du rapport cyclique des domaines inversés [62, 51] (cette méthode sera plus longuement explicitée dans la troisième partie de ce chapitre). Dès lors, de nombreux travaux théoriques et expérimentaux ont démon- tré la potentialité de cette technique notamment dans la réalisation de dispositifs électro-optiques et non-linéaires [51, 50]. Bien que cette méthode ne permette pas d’avoir une résolution aussi fine que celle obtenue avec la méthode précédente étant donné qu’elle souffre d’un élargissement des domaines en fin de croissance qui rend la maîtrise de la taille des domaines difficile (nous verrons pourquoi dans la suite de ce chapitre), elle présente de nombreux avantages pour notre application. En effet, la technique d’inversion de domaines par application d’un champ électrique permet d’inverser des domaines ferroélectriques sur de grandes surfaces et sur toute l’épaisseur du matériau. Elle permet également de travailler à « grande échelle », c’est-à-dire sur des plaques de niobate de lithium de 3 ou 4 pouces de diamètre, ce qui correspond respectivement à des diamètres de 7,62 cm et 10,16 cm. De plus, contrairement aux techniques fondées sur la diffusion d’atomes ou sur un traitement thermique qui peuvent induire une modification des propriétés ferroélectriques du matériau compte tenu des températures requises qui sont proches de la tempéra- ture de Curie, l’inversion de domaines par champ électrique se réalise à température ambiante.

C’est ainsi que la technique d’inversion de domaines par champ électrique pour la réalisation de composants acoustiques utilisés pour le traitement du signal RF a été choisie dans cette thèse. Après avoir brièvement introduit le principe d’inver- sion de domaines et les différentes techniques de réalisation, je vais, dans la partie suivante, démontrer l’intérêt de l’utilisation de transducteurs polarisés périodique- ment (TPPs) à la place des transducteurs à peignes interdigités classiques (IDTs en anglais, InterDigital Transducers).