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4.3 Méthodes de report de plaques piézoélectriques

4.3.1 Collage par l’intermédiaire d’un polymère

Pour amincir un substrat de façon à obtenir une épaisseur inférieure à la centaine de microns, il est nécessaire de pouvoir le reporter sur un support sans quoi il est impossible de le manipuler sans le détériorer. C’est pourquoi nous avons développé, dans un premier temps, une méthode de collage par l’intermédiaire d’une couche de polymère. Pour ce faire, nous avons utilisé la résine SU-8 de chez Microchem [79]. Il s’agit d’une résine époxy négative qui polymérise sous les UV. Cette résine est, en général, vendue pour la fabrication de motifs à haut facteur de forme qui impliquent le plus souvent une épaisseur de résine importante (plusieurs centaines de microns), mais il en existe également des formules permettant d’obtenir des épaisseurs de résine de quelques microns. Nous avons choisi d’utiliser cette résine car, une fois

cuite, elle résiste à la plupart des traitements que peut subir un dispositif : acétone, éthanol, bain de nettoyage à base d’acide sulfurique et de péroxyde d’hydrogène, etc. En effet, après le collage, le substrat peut subir encore de nombreuses étapes de fabrication, les plaques ne doivent absolument pas se décoller. Nous avons également choisi de travailler avec des substrats de silicium de 3 pouces de diamètre, de 380 µm d’épaisseur et dont la variation d’épaisseur sur la totalité de la tranche (TTV en anglais pour « Total Thickness Variation », voir figure 4.15) est contrôlée et inférieure à 3 µm. Nos substrats de niobate de lithium ont, quant à eux, un TTV inférieur à 10 µm.

Fig.4.15 – Définition du TTV par Crystal Technology [55]

Un des paramètres les plus importants dans le report de plaque est la propreté des substrats. La première étape consiste donc à les nettoyer. Pour ce faire, on les plonge dans un bain appelé « Piranha » constitué d’acide sulfurique et de péroxyde d’hy- drogène en quantités égales. Ce bain permet d’éliminer tous les résidus organiques qui pourraient se trouver sur les plaques.

La seconde étape consiste à déposer par centrifugation une fine couche uniforme (environ 1 µm) de résine SU-8 2001 sur le substrat de niobate de lithium. Pour réaliser le collage, nous avons à notre disposition une machine de « Wafer Bonding » de marque EVG dont plusieurs paramètres sont réglables : le vide, la force appliquée (jusqu’à 7000 N) sur le couple de plaquettes, et la température de chaque substrat (pouvant atteindre 550C). La tranche de niobate de lithium est d’abord placée sur le support 3 pouces de la machine. Le substrat de silicium est ensuite déposé sur le niobate de lithium par l’intermédiaire de 3 petites lamelles rétractables positionnées entre les deux plaques de façon à pouvoir aligner le second substrat sans endommager la couche de résine (cf. figure 4.16).

Enfin, une plaque de 3 mm d’épaisseur de graphite recouvre le tout. Une fois la mise en place effectuée et le capot fermé, il ne reste qu’à lancer le procédé. Celui que nous avons mis au point se compose de plusieurs étapes :

– obtention d’un vide de 2.10−2 mbar,

– mise en contact des deux plaques (retrait des lamelles),

– montée en température du substrat inférieur : 65C en 2C/min, – montée en température du substrat supérieur : 60C en 5C/min,

4.3. Méthodes de report de plaques piézoélectriques 101 LiNbO3 support lamelle Si résine

Fig.4.16 – Mise en place des substrats dans la machine de « Wafer Bonding »

– application de 500 N sur les deux substrats pendant 40 min, – descente lente en température jusqu’à atteindre 30C.

Des rampes de température lentes sont nécessaires de façon à ne pas fragiliser le substrat de niobate de lithium très sensible aux chocs thermiques. D’autre part, on préfère travailler à des températures relativement basses de façon à ne pas créer de contraintes dans le collage étant donné la différence entre les coefficients de dilatation thermique des deux matériaux (2,6.10−6 K−1 pour le silicium et 15.10−6 K−1 pour le niobate de lithium). Après quelques heures passées dans cette machine, nous pouvons récupérer le composite. L’image 4.17 nous présente un composite fabriqué à l’aide de résine SU-8.

Fig.4.17 – Composite réalisé à l’aide de la résine SU-8 : manifestation des phénomènes induits par le dégazage de la résine

Comme on peut le voir sur la figure 4.17, des bulles sont apparues durant le collage. Des images obtenues au microscope à balayage électronique visibles sur les figures 4.18 (a) et (b) nous permettent à la fois de voir que certaines zones sont parfaitement collées, et que d’autres présentent un défaut qui empêche l’adhérence à certains endroits.

(a) (b)

Fig.4.18 – Détails des zones de collage par SU-8 : (a) Zone parfaitement collée – (b) Zone avec une bulle (photographies de Dorian Gachon)

Hormis le fait qu’il ait pu rester des poussières entraînant la formation de petites bulles localisées, la raison pour laquelle la majorité des bulles de grande surface apparaissent lors du collage vient probablement du fait que la résine SU-8 dégaze beaucoup lors du recuit. Afin d’éviter ce genre de problème, il faudrait cuire la résine à plus basse température. Cependant, à des températures inférieures à 65C, elle n’est pas suffisamment dure et ne peut pas jouer son rôle de « colle ». Il faut cependant noter que le collage au niveau des zones sans bulles est conforme aux objectifs (recouvrement parfait des surfaces en regard ainsi portées en contact du point de vue acoustique). Il résiste aux étapes de découpe ou de rodage/polissage. En revanche, les zones avec bulles ne résistent pas au rodage mécanique. En effet, le gap d’air au niveau de la bulle provoque une surépaisseur de plusieurs dizaines de microns d’épaisseur. L’objectif du rodage mécanique étant d’obtenir une épaisseur homogène sur tout le substrat, le niobate de lithium au niveau de la bulle se trouve complètement détruit, comme on peut le voir sur l’image 4.19.

Sur cette photographie, on remarque bien que le niobate de lithium a été arraché sur une grande zone, c’est pour cette raison que l’on peut voir le substrat de silicium. On constate donc qu’une grande zone (ici, près d’un quart de la surface) n’est plus utilisable.

Cette méthode présente donc des inconvénients non négligeables. De plus, pour certaines de nos applications, il nous faut percer le substrat de silicium pour avoir accès à une électrode enterrée comme on a pu le voir dans le chapitre 3. De ce fait, il faut pouvoir éliminer la couche de résine. Or cette résine est très résistante aux at- taques chimiques. La seule manière de l’éliminer est de laisser l’échantillon plusieurs dizaines de minutes dans un plasma oxygène à haute pression. Cependant, cette mé- thode n’est pas encore efficace à 100 % et ces manipulations risquent d’endommager

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Fig.4.19 – Composite réalisé à l’aide de résine SU-8 après rodage et polissage : illustration des effets induits par les défauts de collage

la couche mince de niobate de lithium. Enfin, l’utilisation d’un polymère entraîne des pertes acoustiques dans le matériau. Pour toutes ces raisons, nous avons donc conçu une autre méthode de collage impliquant cette fois une couche métallique.