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Dans ce chapitre, nous avons tout d’abord retracé la préhistoire et l’histoire de la téléphonie cellulaire. L’explosion de cette dernière a été rendue possible par les grandes avancées technologiques effectuées ces vingt dernières années. En particu- lier, la réduction de taille et l’intégration des composants électroniques ont permis la réalisation d’appareils de téléphonie portables intégrant de plus en plus de fonctions. La fonction de filtrage RF, indispensable à la réalisation des téléphones mobiles n’a pas échappé à cette règle. Comme on l’a vu, le principe des SAW a permis de re- lever ce défi jusqu’à maintenant. En effet, ces composants à ondes de surface sont fondés sur un réseau périodique permettant la maîtrise des fréquences, cependant, ils présentent certaines limitations technologiques et ne sont pas adaptés pour la tenue en puissance. On a alors introduit la technologie BAW et notamment les com- posants à ondes de volume en films minces qui se sont développés ces dernières années et s’avèrent disponibles aujourd’hui sur le marché. Cependant malgré une bonne tenue en puissance, ces composants sont limités au niveau de leur réalisa- tion technologique délicate, mais également en raison de l’utilisation de matériaux acoustiquement moyens ne permettant pas une grande diversité de filtrage. De ces limitations naît alors notre contribution. Nous avons, en effet, essayé d’allier certains avantages des SAW et des BAW afin de concevoir un nouveau type de transducteur n’étant ni limité technologiquement ni par la tenue en puissance. Nous expliquerons comment dans les chapitres suivants.

Chapitre 2

Principe et intérêt de l’inversion

périodique de domaines

ferroélectriques

Comme nous l’avons vu précédemment, les composants à ondes de surface sont utilisés entre autre pour le traitement du signal par composants passifs comme pour les filtres RF. Leur principe repose sur l’excitation et la détection des ondes élas- tiques par couplage piézoélectrique à l’aide de transducteurs métalliques à peignes inter-digités. Ceux-ci sont réalisés grâce à des technologies collectives issues de la microélectronique, à la surface de matériaux piézoélectriques mono-cristallins qui joue ainsi le rôle de guide d’ondes. La très forte demande en filtres passifs haute fré- quence pousse aujourd’hui les chercheurs et ingénieurs du domaine à un important effort d’innovation et de développement. Notre étude porte sur un nouveau type de transducteur fondé sur une inversion périodique de domaines ferroélectriques dans un matériau piézoélectrique. Nous appellerons ce nouveau type de transducteurs les Transducteurs Polarisés Périodiquement (TPP). Le présent chapitre s’attache à présenter les notions nécessaires à la compréhension de l’inversion de domaines ferro- électriques ainsi que les outils expérimentaux permettant la réalisation de structures périodiquement inversées. Ce chapitre permettra également de comprendre l’intérêt de ce type de dispositifs par rapport aux dispositifs acoustiques utilisant des peignes inter-digités. La première partie de ce chapitre introduira la notion de ferroélectri- cité et nous permettra de définir la notion de « domaine ». La seconde partie nous permettra de rappeler le fonctionnement d’un transducteur à peignes inter-digités classique et de comprendre l’intérêt des TPP. Enfin, la troisième partie portera sur le choix de la méthode d’inversion de domaines et une description détaillée du protocole

expérimental mis en œuvre pour la réalisation de ces structures.

2.1

Introduction à la ferroélectricité

2.1.1 Quelques définitions

La ferroélectricité a longtemps été connue uniquement dans le sel de Seignette, un sel de composition chimique et de structure cristallographique complexe. Cette complexité a freiné les recherches et laissé penser que la ferroélectricité était une propriété tout à fait exotique nécessitant des conditions bien particulières, notam- ment les liaisons hydrogène. De plus, cette propriété ne trouvait alors aucun intérêt pratique. Un saut majeur dans l’étude des ferroélectriques a été la découverte au début des années 1950 des oxydes ferroélectriques de structure pérovskite tels que le BaTiO3, PbTiO3, LiNbO3, etc. On peut voir un exemple de structure pérovskite sur la figure 2.1. Ces matériaux plus simples ont permis le développement de la théorie de la ferroélectricité.

Li Axe de la polarisation

spontanée Ps Nb

O

Fig.2.1 – Exemple de structure pérovskite : cas du niobate de lithium [48]

La ferroélectricité est associée aux phases cristallines d’un matériau où existe un moment dipolaire électrique permanent en l’absence de champ électrique externe. Cette propriété vient du fait qu’il existe un décalage entre le barycentre des charges positives et celui des charges négatives. Un volume du cristal qui possède une seule orientation de la polarisation est appelé un « domaine ». La grandeur macroscopique mesurable et représentative du moment dipolaire permanent est la polarisation spon- tanée Ps : à température ambiante, elle est par exemple égale à 75 µC/cm2 pour le niobate de lithium ou à 55 µC/cm2 pour le tantalate de lithium [49]. La polarisa- tion spontanée est généralement une fonction décroissante de la température et elle s’annule pour la température critique de transition de phase appelée température de Curie Tc. C’est pourquoi les traitements thermiques des matériaux présentant des propriétés ferroélectriques près de Tc modifient la structure du matériau.

2.1. Introduction à la ferroélectricité 33

Un matériau ferroélectrique est caractérisé par un cycle d’hystérésis (figure 2.2) décrit par la polarisation en fonction du champ électrique appliqué. Le cycle est caractérisé principalement par une polarisation rémanente, une polarisation de sa- turation et un champ électrique coercitif Ec. Cette notion de champ coercitif sera explicitée dans la troisième partie de ce chapitre.

Fig.2.2 – Cycle d’hystérésis classique d’un cristal ferroélectrique

Les matériaux ferroélectriques tels que le PZT, le niobate de lithium (LiNbO3), le tantalate de lithium (LiTaO3) ou encore le niobate de potassium (KNbO3) pré- sentent des propriétés piézoélectriques notoirement importantes, et trouvent à ce titre un grand nombre d’applications dans le domaine de la micro-acoustique ou microsonique. Le niobate de lithium est très prisé pour les applications haute fré- quence compte tenu des vitesses de propagation très élevées des ondes excitables à sa surface. De plus, il présente un excellent coefficient de qualité mécanique (su- périeur à celui du quartz mono-cristallin) le rendant particulièrement adapté aux applications hautes fréquences faibles pertes. C’est pour ces raisons que nous allons plus particulièrement nous intéresser à ce matériau.

2.1.2 Cas particulier du niobate de lithium

Le niobate de lithium, en tant que matériau ferroélectrique, présente des proprié- tés pyroélectriques et piézoélectriques, mais contrairement au PZT et aux autres cé- ramiques, il est monopolaire. Sa maille cristalline est couramment représentée sous la forme d’une structure cubique de type pérovskite où les six atomes d’oxygène forment un octaèdre dont le centre est occupé par un atome de Nb, les atomes de Li se situant à chaque sommet du cube [48], comme nous l’avons vu sur le schéma 2.1. Après sa croissance, le niobate de lithium, contient des domaines aux orien-

tations différentes pour minimiser le champ total dépolarisant. Ainsi, un cristal de LiNbO3 constitué de multiples domaines voit ses propriétés pyroélectriques et piézo- électriques réduites en raison de « l’effet moyenne » des différentes orientations des domaines. Cependant, le niobate de lithium distribué commercialement ne possède qu’un seul domaine. En effet, après sa croissance, un champ électrique est appliqué sur le matériau afin d’aligner la polarisation spontanée de toutes les régions.

La valeur de la polarisation spontanée d’un domaine ferroélectrique est détermi- née par le déplacement relatif d’un ion métallique par rapport aux plans définis par les atomes d’oxygène [50].

Z+ Z+ Séquence : Séquence : Li − Vac. − Nb − Li Li − Nb − Vac. − Li

Plan d’atomes d’oxygène

Fig.2.3 – Représentation qualitative de la ferroélectricité du niobate de lithium : la polarisation spontanée est déterminée par la direction du déplacement ionique

La figure 2.3, qui est une vue de côté de la figure 2.1, représente qualitativement cette propriété ferroélectrique du LiNbO3. L’ordre des atomes métalliques dans le LiNbO3 correspond à la séquence Lithium – Niobium – site vacant – Lithium – Niobium – etc. L’inversion de domaines consiste à réorienter le cristal d’un état stable à un autre état stable en induisant un déplacement de l’atome de Li à travers le plan d’oxygène adjacent par l’application d’un champ électrique. L’ordre obtenu sur la figure 2.3 correspond alors à la séquence Lithium – site vacant – Niobium – Lithium – site vacant – etc. La séquence est donc inversée, la polarisation spontanée a changé de sens : on parle d’inversion de domaines ferroélectriques. D’un point de vue cristallographique, l’inversion périodique de domaines ferroélectriques consiste donc à retourner périodiquement le signe de la polarisation spontanée Ps [50]. Comme nous l’avons vu précédemment, la polarisation d’un domaine ferroélectrique peut être inversée par l’application d’un champ électrique externe de direction opposée à celle de la polarisation spontanée. La valeur du champ électrique nécessaire pour créer une inversion de domaines significative est appelé champ coercitif Ec. À température