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Les thèmes du signe et de la signification ont parcouru longuement, de manière tangente ou centrale, la réflexion philosophique occidentale. Ils ont été ainsi au cœur de nombreuses recherches, non seulement en linguistiques ou en philosophie du langage, mais aussi en épistémologie. La description de cet impact dépasse largement les objectifs de cette thèse. Nous nous limiterons donc, à prendre brièvement en compte, seulement, le point de vue de Charles Sanders Peirce, considéré avec Saussure, un des fondateurs de la sémiotique moderne.

Ce choix ne signifie surtout pas la mise en deuxième plan d’autres auteurs qui, seulement dans le siècle passé (Saussure, Frege, Husserl, Wittgenstein, etc.), en approchant le problème d’un point de vue soit linguistique soit épistémologique, ont également contribué à ce type de réflexions et exercent, encore aujourd’hui, une influence très forte même dans le champs de la didactique des mathématiques.

Notre synthèse reprend essentiellement les travaux de Everaert-Desmedt (1990). Elle s’appuie également sur les recherches de Marty (1990, 1992, 1996) et Deledalle (Peirce, 1978). Où il sera possible, nous essayerons de souligner des liens éventuels qu’il nous semble d’avoir pu trouver entre l’approche de Peirce et celui de Vygotsky. Nous sommes bien conscients qu’il s’agit d’une opération assez délicate et insidieuse qui nécessiterait d’une étude à part et d’outils théoriques qui dépassent largement cette thèse. Notre mise en parallèle entre la position de Peirce et celle de Vygotsky méritera, donc, à plein droit, le conditionnel et une certaine dose de bienveillance. Nous chercherons aussi à expliciter notre propre façon d’interpréter ces liens dans le cas particulier de cette thèse.

5.1.1. Trois principes généraux

Pour C. S. Peirce (1839-1914), fondateur en particulier de la tradition anglo-saxonne, la sémiotique est la « doctrine quasi nécessaire ou formelle des signes » et

« la logique, dans son sens général, n’est qu’un autre nom de la sémiotique ».

(Marty, 1992)

Il a élaboré une théorie sémiotique à la fois générale, triadique et pragmatique :

générale car elle envisage à la fois la vie émotionnelle, pratique et

intellectuelle, prend en compte toutes les composantes de la sémiotique et généralise la notion de signe. Ainsi, contrairement à Saussure, toute chose, tout phénomène, aussi complexe soit-il, peut être considéré comme signe dès qu’il entre dans un processus sémiotique.

triadique car elle repose sur trois catégories philosophiques : la priméité, la

secondéité et la tiercéité et met en relation trois termes, le signe ou representamen, l’objet et l’interprétant ;

pragmatique car elle prend en considération le contexte de production et de

réception des signes et définit le signe par son action sur l’interprète.

La généralité de la théorie peircienne c’est une des raisons qui nous ont amené à préférer cette approche à celle de Ferdinand Saussure. Pour ce dernier auteur, en fait, le signe est seulement le signe linguistique. En revanche pour Peirce tout ce qui est impliqué dans un processus sémiotique est signe. Cela nous permet de considérer et traiter comme signes aussi les outils et de pouvoir ainsi maintenir une compatibilité avec l’approche Vygotskyenne, qui, dans cette thèse est prioritaire. L’intégration par des éléments de la théorie peircienne permet donc de garder à l’esprit le point de vue Vygotskyen en nous douant, du point de vue méthodologique, d’outils plus fins d’analyse.

5.1.2. Les catégories à la base de la sémiotique peircienne

Selon Peirce, trois catégories sont nécessaires et suffisantes pour rendre compte de toute l’expérience humaine : elles sont désignées comme priméité, secondéité et

tiercéité (firstness, secondness, thirdness).

La priméité est une conception de l’être indépendamment de toute autre chose. Everaert-Desmedt (1990), l’explique ainsi :

[…] ce serait, par exemple, le mode d’être d’une « rougeté » avant que quelque chose dans l’univers fût rouge ; ou une impression générale de peine, avant qu’on ne se demande si cette impression provient d’un mal à la tête, d’une brûlure ou d’une douleur morale. [Everaert-Desmedt, 1990]

Une qualité est une pure potentialité abstraite, elle est de l’ordre du possible, elle est vécue dans une sorte d’instant intemporel et correspond à la vie émotionnelle.

La secondéité est la conception de l’être relatif à quelque chose d’autre. C’est la catégorie de l’individuel, de l’expérience, du fait, de l’existence, de l’action- réaction.

A ce propos, Everaert-Desmedt (1990), évoque comme exemples, la pierre qu’on lâche tomber sur le sol ; la girouette qui s’oriente en fonction de la direction du vent ; une douleur éprouvée à un instant donné, à cause d’un mal de dents :

La secondéité s’inscrit dans un temps discontinu, où s’impose la dimension du passé : tel fait a lieu à tel moment, avant tel autre, qui en est la conséquence. La secondéité correspond à la vie pratique. [Everaert-Desmedt, 1990]

La tiercéité est la médiation par laquelle un premier et un second sont mis en relation. La tiercéité est le régime de la règle, de la loi ; mais une loi ne se manifeste

qu’à travers des faits qui l’appliquent, donc dans la secondéité ; et ces faits eux-mêmes actualisent des qualités, donc de la priméité.

Tandis que la secondéité est une catégorie de l’individuel, la tiercéité et la priméité sont des catégories du général ; mais la généralité de la priméité est de l’ordre du possible, et celle de la tiercéité est de l’ordre du nécessaire et, par conséquent, de la prédiction. La loi de la pesanteur, par exemple, nous permet de prédire que chaque fois que nous lâcherons une pomme, elle tombera sur le sol. Everaert-Desmedt (1990) ajoute :

La tiercéité est la catégorie de la pensée, du langage, de la représentation, du processus sémiotique ; elle permet la communication sociale et correspond à la vie intellectuelle. [Everaert-Desmedt, 1990]

5.1.3. Les caractéristiques du signe peircien

Pour Peirce, toute pensée s’effectue à l’aide de signes. Marty (1996) a pu relever dans les manuscrits de cet auteur au moins 76 textes plus ou moins définitoires du

signe20. Nous en rappelons ici quelques-unes des plus courantes :

Un signe est quelque chose qui représente une autre chose pour un esprit. Pour son existence comme tel trois choses sont requises. En premier lieu, il doit avoir des caractères qui nous permettront de le distinguer des autres objets. En second lieu, il doit être affecté d’une façon ou d’une autre par l’objet qui est signifié ou au moins quelque chose le concernant doit varier comme conséquence d’une cause réelle avec quelque variation de son objet. [Peirce, 1873 - MS 380, cité par Marty, 1996].

Un signe, ou représentamen, est quelque chose qui tient lieu pour quelqu’un de quelque chose sous quelque rapport ou à quelque titre. Il s’adresse à quelqu’un, c’est-à-dire créé dans l’esprit de cette personne un signe équivalent ou peut-être un signe plus développé. Ce signe tient lieu de quelque chose : son objet. Il tient lieu de cet objet, non sous tous rapports, mais par référence à une sorte d’idée que j’ai appelée quelquefois le fondement du représentamen. [Peirce, 1897 - C.P. 2-228, cité par Marty, 1996].

[...] La médiation authentique est le caractère d’un signe. Un signe est toute chose qui est reliée à une Seconde chose, son Objet, eu égard à une Qualité, de telle manière qu’il amène une Troisième chose, son Interprétant, en relation avec le même Objet, et de telle manière qu’il amène un Quatrième en relation avec cet Objet dans la même forme, ad infinitum. Si la série est arrêtée, le Signe, pour le moins, se retrouve dépourvu du caractère signifiant parfait. Il n’est pas nécessaire que l’interprétant doive effectivement exister Un être in futuro suffira [...] [Peirce, 1902 - C.P. 2.92, cité par Marty, 1996].

Un signe ou representamen est un Premier qui est dans une relation triadique si authentique avec un Second appelé son objet qu'il peut déterminer un troisième, appelé son interprétant, à être dans la même relation triadique avec son objet que celle dans laquelle il est lui-même avec ce même objet. Cette relation triadique est authentique, c'est-à-dire que ces trois membres sont liés ensemble par elle de telle façon qu'elle ne se ramène pas à un quelconque complexe de relations dyadiques […]. [Peirce, 1902 - C.P. 2-274, cité par Marty, 1996].

20 Comme le souligne aussi Marty (1996), les écrits sémiotiques de Peirce sont aussi foisonnants que fragmentaires. Il n'a pas laissé de synthèse résumant l'état définitif de sa doctrine On ne peut qu'essayer d'extraire, de ses esquisses successives à la terminologie sophistiquée, une sorte d'invariant.

Ainsi, le triangle sémiotique de Peirce représente dans sa dynamique une relation irréductiblement triadique qui relie un Signe S ou Représentamen, son Objet O et un second Signe I, déterminé par le premier, un signe Interprétant, c’est-à-dire plus développé (synonyme, paraphrase, traduction, commentaire, glose, etc.).

Marty (1996) résume ce qui précède par le schéma suivant (Figure 1.2) :

Figure 1.2 - Schéma donné par Marty (1996) relatif au triangle sémiotique peircien

Les flèches noires représentent les deux déterminations successives du signe S par l’objet O et de l’interprétant I par le signe S de façon que I soit déterminé par O à travers S.

En revanche, le signe rouge est une relation triadique liant S, O et

I.

Le representamen ou signe est une chose qui représente une autre chose : son objet. Avant d’être interprété, le representamen est une pure potentialité : un premier. L’objet est ce que le signe représente. Le signe ne peut que représenter l’objet, il ne peut pas le faire connaître ; il peut exprimer quelque chose à propos de l’objet, à condition que cet objet soit déjà connu de l’interprète, par expérience collatérale (expérience formée par d’autres signes, toujours antécédents). Par exemple, un morceau de papier rouge, considéré comme échantillon (= representamen) d’un pot de peinture (= objet), n’indique que la couleur rouge de cet objet, l’objet étant supposé connu sous tous ses autres aspects (conditionnement, matière, usage, etc.). Le morceau de papier exprime que le pot de peinture est de couleur rouge, mais il ne dit rien des autres aspects de l’objet. Si l’interprète sait, par ailleurs, qu’il s’agit d’un pot de peinture, alors - alors seulement - l’échantillon lui donne l’information que le pot de peinture en question doit être de couleur rouge. Plus précisément, Peirce distingue l’objet dynamique (l’objet tel qu’il est dans la réalité) et l’objet immédiat (l’objet tel que le signe le représente). Dans notre exemple, le pot de peinture est l’objet dynamique, et la couleur rouge (du pot de peinture) est l’objet immédiat.

Comme Peirce, Vygotsky aussi parle d’objet. Il nous semble que, dans les deux cas, il s’agit de « ce auquel le signe fait référence », autrement dit du référent.

Pour Peirce, l’objet n’est jamais accessible directement, mais seulement par la médiation d’un signe. Dans Vygotsky, au contraire, cet aspect n’est pas explicitement développé. Quand Vygotsky trace les différences entre concepts spontanés et scientifiques, il souligne que ce sont ces derniers concepts à avoir un rapport médiatisé à l’objet. En revanche, il semblerait que les concepts spontanés entraînent

I

S

un rapport direct à l’objet. Cette position marquerait donc une différence avec Peirce21.

Le representamen, pris en considération par un interprète, a le pouvoir de déclencher un interprétant, qui est un representamen à son tour et qui renvoie, par l’intermédiaire d’un autre interprétant, au même objet que le premier representamen, permettant ainsi à ce premier de renvoyer à l’objet. Et ainsi de suite, à l’infini. Par exemple, la définition d’un mot dans le dictionnaire est un interprétant de ce mot, parce que la définition renvoie à l’objet (= ce que représente ce mot) et permet donc au representamen (= le mot) de renvoyer à cet objet. Mais la définition elle-même, pour être comprise, nécessite une série ou, plus exactement, un faisceau d’autres

interprétants (d’autres définitions)... Ainsi, le processus sémiotique est,

théoriquement, illimité. Pour Peirce nous sommes engagés dans un processus de pensée, toujours inachevé, et toujours déjà commencé.

Pour continuer notre parallèle entre Vygotsky et Peirce, donc, quand le premier parle de signification/signifié, puisque il se réfère à ce qui est suscité dans l’esprit de l’interprète par le signe, il nous semble de pouvoir lui relier la notion peircienne d’Interprétant. Bien sûr ces deux concepts sont très différents et il s’agit seulement d’un possible point de conjonction. Cependant, cette compatibilité minimale, nous autorise à traiter les deux cadres théoriques, séparément, mais dans une perspective commune.

Un signe pour Peirce est par essence fait pour être interprété ; toute émission de signes est un dialogue au moins virtuel.

En outre il affirme que la médiation authentique est le caractère d’un signe. (Peirce 1902, C.P. 2.92, cité par Marty, 1996).

Ces deux considérations dernières constituent deux autres raisons que nous conduisent à considérer l’approche peircienne compatible avec l’approche Vygotskyenne.

5.1.4. Le processus de sémiosis ou sémiotique : triadique et illimité

Le processus sémiotique est un processus qui se déroule dans l’esprit de l’interprète : il débute avec la perception du signe et il se termine avec la présence à son esprit de l’objet du signe. C’est un processus triadique (entre un signe ou representamen, un objet et un interprétant) est théoriquement illimité.

Dans la pratique, cependant, il est limité, court-circuité par l’habitude, que Peirce appelle l’interprétant logique final. Il s’agit de l’habitude que nous avons d’attribuer telle signification à tel signe dans tel contexte qui nous est familier. L’habitude fige provisoirement le renvoi infini d’un signe à d’autres signes, c’est-à-dire son caractère

signifiant parfait, permettant à des interlocuteurs de se mettre rapidement d’accord

sur la réalité dans un contexte donné de communication. Mais l’habitude résulte de l’action de signes antérieurs. Ce sont les signes qui provoquent le renforcement ou la modification des habitudes.

Ce caractère illimité du processus de sémiosis peircien nous rappelle le développement continu auquel est soumise, pour Vygotsky, la formation d’un

21 Cependant, ces deux positions ne sont pas (peut-être) autant distantes que ça. En fait, pour Peirce, la sensation même, produite par l’appréhension d’un objet sur le sujet, est un signe, ce qui pourrait correspondre au niveau « direct » d’accès à l’objet, représenté, dans Vygotsky, par le cas des concepts quotidiens. En adoptant donc la perspective peircienne, ce qui changerait dans le cas des concepts quotidiens, à l’égard des concepts scientifiques, serait le type de médiation offerte, c’est-à-dire le type d’interprétants impliqués. Il s’agit d’une question qui reste ouverte et qui mériterait un approfondissement dont nous n’avons pas, au moment actuel, les outils suffisant de y répondre.

concept22. Dans Peirce comme dans Vygotsky, alors, le processus de sémiosis est un processus toujours en évolution, avec des zones de stabilité temporaire. La contraposition Vygotskyenne entre sens et signifié rend bien l’idée de ce processus à double facettes. D’une part Vygotsky parle d’une évolution vers un signifié stabilisé, d’autre part il rappelle l’ensemble de sens fluctuants, dynamiques et finalement inépuisables associés à cet signifié (cf. Chapitre 1, §3.4.1). Bien évidemment, à nouveau les points de vue des deux auteurs ne sont pas les mêmes. Vygotsky adopte une perspective psychologique : le développement du signifié correspond au développement de la signification d’un mot, et, du point de vu cognitif à la formation des concepts. Peirce, au contraire, aborde la question d’un point de vue pragmatique : ce qu’il appelle Interprétant logique final est un « effet mental », un changement « d’habitus » (c’est-à-dire de comportement) qui a perdu son caractère de signe. Cependant, quand Vygotsky parle de signification/signifié stable, il nous semble de pouvoir lui relier cette notion peircienne d’Interprétant logique,

éventuellement final.23.

5.1.5. Autres caractéristiques du processus de sémiosis : inférence et

croissance en complexité

Le processus de sémiosis est un processus inférentiel puisque l’objet du signe est à reconstituer à partir du représentamen donné. Pour l’expliquer Marty (1992) utilise une métaphore, celle de la « molécule phénoménologique » :

La base de notre modélisation consiste dans l’idée selon laquelle une partie de la « molécule phénoménologique » de l’objet se retrouve dans la « molécule » du signe et que c’est en cela que consiste leur connexion ». Cela peut être une très petite partie de la forme de l’objet qui est ainsi communiqué, une partie qui peut être réduite à une seule qualité de sentiment (c’est le cas par exemple d’une tâche de peinture accidentelle sur un vêtement dont on se demande de quel objet elle peut provenir). Au terme du processus d’interprétation c’est un objet nettement plus complexe qui est présent à l’esprit ; sa « molécule » incorpore la partie qui a été communiquée. Le processus de la signification consiste alors à reconstituer la molécule de l’objet qui est (ou a été) connectée à celle du signe à partir de l’un de ses fragments. Il s’agit d’une sorte d’enquête dont nous sommes le plus souvent inconscients dans la vie quotidienne car sa répétition à tout instant a créé en nous des habitudes d’interprétation quasiment instantanées [Marty, 1992].

Cette « enquête sur l’objet », dont nous parle Marty, amène à une autre des caractéristiques saillantes du processus de sémiosis, sa croissance en

complexité :

Tout signe étant un objet d’expérience, la perception de ses différents éléments bénéficie de l’évidence du perçu. Au départ du processus l’interprète est donc assuré de la réalité de la représentation. Tout le processus inférentiel qui suit consistera à produire une série de signes plus développés. L’objet du signe devient alors un sujet d’enquête. Les arguments mis en oeuvre doivent à chaque pas assurer le passage d’une représentation réelle à une autre représentation réelle d’un objet qui n’est pas encore déterminé. Ils sont donc nécessairement tenus pour valides par l’interprète du signe, même si leur validité ne peut être prouvée ou si leur probabilité ne peut être évaluée. La règle est celle de la croissance en complexité de la représentation puisqu’il faut

22 Rappelons que formation d’un concept correspond pour Vygotsky à l’élaboration de la signification d’un mot.

23 En réalité Peirce propose des classifications différentes de l'Interprétant : l’Interprétant Immédiat, l’Interprétant Dynamique, l’Interprétant Signifié ou Normal (qui correspond à l'effet qui serait produit sur l'esprit par le Signe après un développement suffisant de la pensée), défini dans un deuxième temps Interprétant Logique, et, en fin, l’Interprétant Logique Final. Peut-être ce qui correspond le mieux à l'idée vygotskienne de signifié, c'est donc, plutôt que l'Interprétant Logique final, l'Interprétant

passer d’une représentation partielle de la « molécule phénoménologique » à sa représentation totale qui seule produira la présence à l’esprit de l’interprète de l’objet du signe.

Cependant à chaque pas la nouvelle représentation est corrélative de la présence à l’esprit d’un certain objet fugace, incomplet et provisoire et c’est la convergence de ces objets vers un objet stable qui seule peut indiquer que l’enquête a atteint son but. La règle est donc que l’enquête s’arrête lorsque aucune inférence possible ne transforme la représentation à un certain stade de son développement et que c’est l’objet construit à cet instant qui est tenu pour l’objet du signe. Il est clair que cet objet peut ne pas être celui que a déterminé le signe et que la description des processus sémiotiques ouvre aussi à celle des difficultés de la communication. Elle fait éclater la dissymétrie entre production et interprétation : la première est un choix de représentation, la seconde est une enquête sur ce choix [Marty, 1992].

Ces deux caractéristiques nous semblent très intéressantes et, à nouveau, en quelque sorte, compatibles, avec la notion de signe Vygotskien.

Elles sont intéressantes car mettent en évidence un aspect fondamental de notre étude : le fait que l’objet est lui aussi à (re)constituer, c’est à dire qu’il n’existe pas, déjà dans la conscience des élèves mais qu’il se construit, par un processus de sémiosis continu, en même temps qu’il se développe et se complexifie la série des représentamens/interprétants associés. Nous verrons en particulier s’installer ce type